Né le 26 janvier 1958 à Boffa, Kader Aziz Camara a une formation d’ingénieur agro-pédologue appartenant à la quinzième promotion de l’Institut de Faranah. Après un stage à Coyah, son tout premier poste a été celui de directeur national de l’agriculture de Conakry 3. Ensuite, monsieur Camara a successivement été inspecteur du développement rural, secrétaire général de la chambre régionale d’agriculture de Conakry, et chef de division suivi évaluation du projet de développement rural intégré de Dubréka.
Au moment d’intégrer, il intégrait la CENI, ce père de famille très pieux avait « affronté » l’ancien ministre du Travail pendant a Transition et représentant de l’USTG, Louis Mbemba Soumah. Mais, soutenu par sa patronne, une certaine Hadja Rabiatou Serah Diallo, l’ancien premier secrétaire général adjoint de la CNTG n’a eu aucune difficulté à s’imposer. Il battra alors monsieur Soumah par sept (7) voix contre une (1) et deviendra ainsi le premier représentant de la société civile désigné pour remplacer Loucény Camara, alors présidant contesté de la commission électorale nationale indépendante. Ainsi, comme Louceny Camara, qui avait accédé à la CENI en tant que représentant du syndicat guinéen, Kader Aziz Camara est désormais le premier responsable de l’institution électorale…
Ci-dessous et pour mémoire, Guineematin.com vous propose de revoir la toute première interview de Kader Aziz Camara, au lendemain de sa désignation pour représenter les huit centrales syndicales guinéenne à la CENI, il y a cinq ans :
Cette interview est tirée des archives de l’hebdomadaire guinéen « L’Observateur »
Dans la journée du jeudi 13 septembre 2012, le mouvement syndical guinéen a choisi son représentant à la future commission électorale nationale indépendante, CENI. Avec 7 voix contre un, Kader Aziz Camara a été élu devant son challenger du moment, Louis M’Bemba Soumah, ancien ministre du Travail de la junte militaire du gouvernement Dadis, éternel secrétaire général du syndicat libre des enseignants de Guinée et intérimaire du secrétaire général de l’USTG depuis la mort de Dr. Ibrahima Fofana, en 2010. Désormais représentant des huit centrales syndicales, le premier secrétaire général adjoint de la CNTG siégera ainsi à la nouvelle CENI à la place de l‘ancien et très contesté représentant du syndicat, Loucény Camara.
Fraîchement désigné, le camarade Aziz Kader Camara ne met pas sa personne devant, ni même ses ambitions d’ailleurs : « Si réellement il y a l’ambition, c’est la CNTG qui doit me donner la voie à suivre. Mais, pour le moment, je suis à l’écoute des centrales syndicales ». Ce sont, entre autres, les propos que le syndicaliste a confié au téléphone de la rédaction de L’Observateur, dans la soirée du samedi dernier. Exclusif !
L’Observateur : Qui est Kader Aziz Camara ?
Kader Aziz Camara : je suis né le 26 janvier 1958 à Boffa. Marié et père de 4 enfants. Je suis de formation ingénieur agro-pédologue de la quinzième promotion de l’Institut de Faranah. Au terme de mes études, j’ai fait mon stage à Coyah. De là, j’ai été nommé directeur national de l’agriculture de Conakry 3, puis inspecteur du développement rural, ensuite secrétaire général de la chambre régionale d’agriculture de Conakry, enfin chef de division suivi évaluation du projet de développement rural intégré de Dubréka. Et puis, j’ai suivi assez de séances de formation à l’extérieur.
Sur le plan syndical, depuis 1984, j’ai été élu secrétaire général de la section syndicale préfectorale de Coyah, lors des premières élections sous la deuxième République. J’étais membre de l’Union locale de Coyah, avant d’être affecté à Conakry où j’ai assumé les mêmes fonctions à Conakry 3 comme secrétaire général de la section syndicale du développement rural. C’est ainsi qu’au niveau de cette fédération syndicale du développement rural, j’ai été élu secrétaire général adjoint, membre du bureau fédéral. Après, je suis monté au niveau du secrétariat des élections du 15ème congrès de 2005. Élu au secrétariat exécutif comme chef de département jeunesse travailleuse. Au 16ème congrès de 2010, je suis devenu le premier secrétaire général adjoint chargé des relations extérieures de la CNTG…
Et, c’est à ce titre que vous avez été élu commissaire de la CENI par vos pairs du Syndicat ?
Justement, c’est à ce titre que j’ai été désigné comme commissaire à la CENI le jeudi (13 septembre 2012, ndlr) représentant les huit centrales syndicales.
Quel est votre parcours politique ?
Je n’ai jamais milité dans la politique ! Je suis resté dans le mouvement syndical. Je me dis que je me sens mieux dans la défense des intérêts des travailleurs, la défense des sans voix. Honnêtement, je me dis tout le temps que je me sens à l’aise réellement dans le mouvement syndical. Je n’ai jamais milité dans un parti politique…
Comment percevez-vous votre mission à la nouvelle CENI ?
C’est très tôt, parce que je ne suis actuellement qu’un simple commissaire ! La deuxième étape, vous savez, après la désignation de son représentant, c’est le mouvement syndical qui doit donner les directives à son délégué. Si réellement il y a l’ambition, c’est la CNTG qui doit me donner la voie à suivre. Mais, pour le moment, je suis à l’écoute des huit centrales syndicales.
L’ambition, c’est peut-être occuper la présidence de la CENI comme Loucény Camara ?
Mon ambition est dans la main du mouvement syndical. Je ne peux pas me définir parce que je suis élu par cette corporation. Le poste qu’on présentera, c’est ce poste que je vais occuper.
Personnellement, vous n’êtes pas tenté par la présidence de la CENI ?
Non. Ce sont les huit centrales syndicales qui vont se réunir le moment venu pour me dire ce qu’il faut.
Jusqu’à jeudi dernier vous n’étiez qu’un simple syndicaliste. Aujourd’hui, vous êtes appelé à assumer des responsabilités un peu plus politiques. Comment percevez-vous le travail d’un commissaire de la CENI ?
Vous savez que le mouvement syndical n’est jamais étonné du parcours politique de ce pays. Si vous vous rappelez des évènements de 2006-2007, jusqu’en 2009, vous connaissez ce que le mouvement syndical a fourni dans ce sens. Je veux dire que c’est une mission noble. Aujourd’hui, notre ambition, premièrement, nous plaçons la nation devant tout. Deuxièmement, vous savez que ces élections permettront à la Guinée d’avancer et d’amorcer d’étapes importantes de son histoire. Et, ces élections permettront à la Guinée de bien démarrer et à ses gouvernants de mieux faire avancer leur programme dans le sens de la croissance économique du pays. C’est ce qu’attend tout bon guinéen. Donc, ces élections sont incontournables.
Justement, des élections incontournables qui ont effectivement retardé. A qui imputez-vous ce retard ? A l’opposition ou au gouvernement ?
Je n’apprécie pas parce que vous savez que je suis de la corporation syndicale. Cette appréciation, je ne peux pas la faire. C’est lorsque je serai devant ma mission, faire l’évaluation de la situation avec les amis, c’est en ce moment que je saurais me définir. Est-ce que c’est le gouvernement ou est-ce que c’est l’opposition ? Pour le moment, je ne peux pas me définir puisque je ne suis pas entré en fonction. Donc, je ne peux pas faire cette évaluation interne. Pour le moment, nous ne sommes pas entrés dans la mission réelle.
Vous êtes un syndicalistes avisé et vous avez eu l’aval des huit centrales syndicales, vous connaissez très bien ce qui se passe dans ce pays. Est-ce que vous avez des griefs contre votre camarade Loucény Camara ?
L’appréciation d’un individu dépend des autres ; mais, la révélation de son caractère dépend de lui-même. Chacun de nous a sa manière de gérer. Mais, dans cette gestion, il est question de l’apprécier oui ou non. Mais, ce qui est réellement visible à l’heure actuelle est que Loucény Camara est issu du Mouvement Syndical. En plus, il a eu le courage de renoncer à la nouvelle CENI. Sa lettre en fait foi.
Parlant de la mission de Loucény Camara à la CENI, la trouvez-vous bonne ou mauvaise ?
Je n’ai pas une certaine appréciation à faire actuellement. Mais, je voudrai réellement que, pour tourte tentative d’appréciation, vous me laissiez mon auto-évaluation quand je serais en fonction. C’est en cela que je saurais dire quelque chose.
Pensez-vous qu’il vous a honorablement représenté à la CENI ?
La CENI est une corporation technique. Je suis du mouvement syndical, je ne saurais le dire pour l’instant. La CENI a fait une certaine évaluation à l’interne pour savoir effectivement la mission qui lui est assignée. Je pense que nous n’avons pas une compétence d’apprécier ou de mener un audit ou quoi que ce soit. Pour le moment, nous disons comme il a démissionné, nous allons envoyer un autre commissaire qui va représenter le mouvement syndical.
Vous quittez le syndicat pour une CENI souvent sous pression de toutes parts. Etes-vous moralement préparé pour affronter ces épreuves ?
C’est une mission au poste de responsabilité. Mais, puisque je ne suis pas devant cette mission, je suis simple commissaire, je ne peux pas me définir. Mais, je peux vous dire que les forces vives sont issues de l’œuvre du mouvement syndical à partir de 2006. Ensuite, dans le cadre de la transition, vous avez vu l’effort déployé par le mouvement syndical. Cela veut dire que nous ne sommes jamais étonnés devant une mission. Cela veut dire que nous sommes préparés pour résoudre les problèmes qui vont se poser à nous. Nous sommes des habitués au travail collectif. C’est une nouvelle équipe qui travaillera ensemble, qui connait les enjeux, qui attend, qui va résoudre les problèmes de la nation, qui va s’orienter vers le sens voulu des guinéens. C’est en ce sens que je serais heureux de participer dans la nouvelle CENI pour œuvrer et travailler dans une équipe comme cela se doit.
Peut-on affirmer que vous ne vous laisserez pas influencer par qui que ce soit ?
(Rire !) Peut-on parler de l’influence dans le mouvement syndical ? Réellement, le corps que j’ai quitté, cela veut dire que je suis mieux préparé. Je suis mieux préparé non seulement pour la réconciliation nationale pour vivre dans un milieu où tout le monde trouvera sa part, mais aussi je vous dis que la structure du mouvement social est fiable par rapport à la position actuelle de la CENI parce que la mission que je dois exercer au sein de la corporation, je me dis que je dois travailler dans une équipe. Par conséquent, nous devrons nous compléter pour trouver une solution idoine à la nation guinéenne.
Justement, comment trouvez-vous le débat autour du choix de l’opérateur de saisie ? Pensez-vos que les gens ont politisé la CENI au point que celle-ci doit s’en méfier pour s’occuper d’autre chose ? Ou trouvez-vous normal que les politiciens s’en mêlent ?
La CENI intéresse les deux parties, si je ne m’abuse. La solution de la CENI en dehors d’elle-même concerne tout le monde. Si réellement, cette responsabilité est située au niveau des 25 membres, toute la nation guinéenne est concernée. Ce n’est pas la CENI seulement. Chacun doit y trouver son compte pour que les élections se déroulent dans les meilleures conditions. C’est le souhait de chacun de nous.
L’ancien Président gabonais, feu Omar Bongo, disait aux ivoiriens, pendant qu’on parlait d’Ivoirité que ce sont les hommes qui font la loi. Par conséquent, la loi ne doit pas diviser les hommes. Faut-il privilégier, à votre avis, le consensus ou faut-il appliquer la loi ?
Le lundi (17 septembre 2012, Ndlr), la ligne de conduite sera définie, qui est pour la CENI une boussole ! Cette loi est un appui, elle n’est pas faite pour rien. Moi, j’ai toujours œuvré dans l’idée consensuelle, c’est très important. Parce que la nation appartient à tout le monde. On veut voir la Guinée au rang des pays émergents d’Afrique. Et, vous la presse, et nous commissaires de la CENI, chacun d’entre nous doit œuvrer dans ce sens. Ce n’est pas la CENI seulement qui es responsable de ce qui se passe ; mais, chacun de nous est responsable de près ou de loin. Il arrivera un moment où il faudra faire l’idée consensuelle parce que quelle que soit la loi votée, si les gens refusent l’application de cette loi, celle-ci ne serait pas ce qu’elle est. Ce qui est important, c’est de conjuguer les efforts pour que les élections aient lieu.
Que les élections aient lieu, d’accord, mais surtout qu’elles soient crédibles et acceptées de tous…
Quand je parle d’idée consensuelle, je me résume en disant des élections crédibles et transparentes. C’est le souhait de tous les guinéens.
Selon vous, faudrait-il renvoyer WayMark pour reprendre la SAGEM ? Ou bien vous souhaiteriez qu’on laisse à la CENI le soin de décider ?
Mon frère, l’opérateur WayMark ou pas, à l’heure actuelle, je suis bleu dans la question. Mais, lorsque les questions seront posées au niveau des 25 commissaires de la nouvelle CENI, c’est en ce moment que nous allons l’étudier ensemble, tirer les conclusions. Vous-mêmes, vous ne pouvez pas en ce moment faire l’audit ou l’évaluation pour avoir des réponses réelles à vos questions. Moi, je ne peux vous donner une réponse à votre question.
Vous dites 25 commissaires, mais l’opposition demande le retrait des deux représentants de l’administration du territoire…
Attendons la loi. Que ce soit 10 ou 25 ou encore 30, attendons la loi, c’est ce que la CENI va appliquer, je pense. Le nombre sera défini sûrement le lundi.
L’opposition accuse Loucény Camara de malversation. Comment trouvez-vous ces genres d’accusation ?
Vous m’envoyez sur un terrain que je ne connais pas. On accuse Loucény Camara de malversation, moi je ne le sais pas. Une malversation, il faut l’audit, une évaluation financière interne. Donc, moi qui ne suis pas dans la structure d’abord, comment voulez-vous que je donne la faute commise par Loucény Camara. Réellement, je vous dis sincèrement que je ne peux pas apprécier s’il a détourné ou pas. Parce que je ne sais pas ce qui se passe à l’interne de la CENI. Je ne suis pas un ancien membre. Je ne suis qu’un commissaire qui attend les attributions de sa mission.
Alors, voulez-vous qu’on fasse un audit de la CENI à l’interne pour faire la lumière ou bien faut-il tourner la page ?
Moi, je ne suis pas devant l’audit. Je ne peux rien vous dire parce que je ne suis pas versé dans ce dossier. Et, je ne peux pas donner mes impressions par rapport aux audits, très sincèrement. Parce que le dire, c’est de parler sans connaître les tenants et les aboutissants.
Etes-vous de qui ceux souhaitent que la nouvelle CENI fasse des audits ou pas besoin d’audits ?
Ah monsieur le journaliste ! Nous évoluons dans la question, mais j’ai l’impression que vous ne me comprenez pas. Je vous dis que les décisions des audits, c’est au niveau des anciens membres. Et, c’est à l’issue de cela que les décisions seront prises. Moi, un commissaire que vous interrogez, je n’ai pas la capacité de décider du sort de la CENI à moi seul. Je ne suis même pas là-bas d’abord (Rire). Vous comprenez ce que je vous dis ? Je suis un syndicaliste. Je suis habitué à travailler en équipe. Donc, on ne peut pas porter la charge au niveau d’un seul individu. A mon avis, et cela n’engage que moi, la CENI fait un travail d’équipe. C’est ensemble que nous allons prendre les décisions.
Un dernier message ?
Je vous remercie pour votre travail de qualité. Vous êtes en train de sauver la nation. Vous avez une mission difficile en ce sens que tout le monde ne comprend pas l’objectivité de votre mission. Vous êtes le quatrième pouvoir. Un pays sans communicateurs, ni des journalistes appréciables, je pense que l’information ne passera pas bien. Or, un pays sans information, c’est l’obscurantisme. Je lance un appel au peuple de Guinée pour que les élections aient lieu, que la Guinée retrouve sa santé politique, sa santé sociale, sa santé morale. Mon ambition, mon orgueil aujourd’hui est qu’on parle de la Guinée parmi les pays émergents d’Afrique. Nous avons ces possibilités. Que les guinéens acceptent de se comprendre. Nous devons œuvrer pour donner à ce pays un produit consommable. Je vous remercie.
Interview réalisée par Alpha Assia Baldé, Abdoulaye Bah et Nouhou Baldé pour L’Observateur