JOURNEE INTERNATIONALE DE LA DEMOCRATIE EN GUINEE

Moussa Iboun Comté, Président de l'AGEPI
Moussa Iboun Comté, Président de l’AGEPI

Par Moussa Iboun CONTE : « Pas de démocratie ni Etat de droit, sans les entreprises de presse viables en Guinée ».
« Pas de démocratie sans une presse objective et professionnelle », ceci était le thème central d’un débat organisé par l’Union des radios et télévisions libres de Guinée (URTELGUI) à son siège sis à Nongo dans le cadre de la célébration de la journée internationale de la démocratie, célébrée dans le monde entier le 15 Septembre de chaque année et en présence d’un parterre de personnalités.

Qu’en est-il en République de Guinée ?

Tel Janus, la presse privée guinéenne alterne visage agonissant et visage viable, sombre et glorieux sans pourtant s’extirper de ces vicissitudes inhérentes au fonctionnement des entreprises de presse en République de Guinée

En dépit de ces difficultés d’ordre logistique, matériel et financier, la presse privée consent encore d’énormes sacrifices pour l’enracinement de l’Etat de droit et de la démocratie en Guinée.

L’amorce de ce combat dans l’ancrage de la démocratie en Guinée a débuté après le discours programme du 22 décembre 1985 du feu Général Lansana Conté, paix à son âme !, alors Colonel et chef de la junte au pouvoir en Guinée. Malgré la volonté politique affichée par la junte au pouvoir d’autoriser la création des partis politiques, de jeter les bases de créations des entreprises privées, de sacraliser les libertés individuelles et collectives dans le pays, la lenteur dans la matérialisation de cette nouvelle vision des nouvelles autorités du pays était perceptible, due à la frilosité de certains nostalgiques de l’ancien régime, tapis dans le ventre mou de l’embryon de la deuxième république en gestation.

Cette résurgence d’un passé, que l’on croyait révolu à jamais, a donc contraint les pionniers de la liberté de la presse à entrer dans la clandestinité en vue de contraindre les pouvoirs publics d’alors de créer les conditions idoines en vue de l’éclosion des initiatives privées dans le secteur de l’information et de la communication du pays, jusqu’ici dominé par les medias publics.

Ces pionniers payaient ainsi un lourd tribut pour un meilleur ancrage de la démocratie en Guinée, étant la sentinelle des libertés individuelles et collectives sur le front de la promotion de la bonne gouvernance, de la transparence et de la lutte contre la corruption dans la persécution et la privation totale.

Ainsi, le nouveau cadre juridique et institutionnel du secteur de l’information et de la communication du pays verrait le jour courant décembre 1991 à travers les Lois organique 005 du 21 décembre 1991 sur la liberté de la presse et 006 sur l’instance de régulation du secteur de l’information et de la communication de la République de Guinée.

Certes ce nouveau cadre juridique et institutionnel des medias guinéens était libre dans son volet création mais très répressif dans son volet ‘’sanctions’’. En dépit de cet environnement hostile à la pratique du métier de journaliste en Guinée, les reportages et enquêtes bien sourcés et vérifiés dévoilaient les détournements colossaux, la gabegie, la corruption et le népotisme qui marquaient le pays d’un fer rouge.

La mise en place de la première aide aux medias privés en 2001 s’inscrivait en droite ligne de la reconnaissance publique des autorités du pays du rôle majeur que les medias privés jouaient à l’époque dans l’ancrage de la démocratie dans le pays.

Aujourd’hui ce cadre juridique et institutionnel du secteur de l’information et de la communication de la Guinée a fait sa mue depuis le 22 décembre 2010 pour accroitre et mieux encadrer la liberté de la presse en Guinée à travers les Lois Organiques 002 et 003 du 22 juin 2010.

Ce nouveau cadre juridique et institutionnel du secteur de l’information et de la Communication du pays replace le journaliste au cœur du développement de la Guinée en tant que maillon essentiel dans le travail de l’Etat guinéen et ses divers partenaires au développement.

Dans ce partenariat, chaque acteur devrait pleinement jouer sa partition pour le meilleur ancrage de la démocratie, de la bonne gouvernance, de la transparence et de la lutte contre la corruption en Guinée.

Les pouvoirs publics pourraient par exemple favoriser l’émergence d’un environnement propice à l’éclosion des entreprises de presse économiquement et financièrement solides à travers la valorisation de son appui institutionnel aux medias privés en vue d’une meilleure structuration et professionnalisation de ce secteur en étroite collaboration avec les associations professionnelles des medias dont l’ultime objectif est de soutenir l’apparition des medias libres et responsables en Guinée.

Car, l’environnement actuel des médias dans son ensemble se caractérise par le manque criard d’annonceurs et du manque d’intérêt des opérateurs économiques à prendre des parts dans les capitaux des entreprises de presse qu’ils estiment non rentables.

L’appui des partenaires au développement est tout aussi indispensable à travers le renforcement des capacités institutionnelles et professionnelles des medias privés.

Sur ce front, ces partenaires traditionnels du secteur des medias guinéens tels que la France, l’Allemagne, les Etats-Unis d’Amérique et le Japon brillent par leur absence.

Quant aux associations professionnelles des medias, elles s’activent sur ce front d’appui institutionnel et de formation des entreprises de presse par le montage des programmes de renforcement des capacités institutionnelles et professionnelles des entreprises de presse ainsi que par la recherche de financements innovants.

En outre, elles s’évertuent à rapatrier certains fonds échappant aux comptes publics par manque d’initiatives de la part de certains acteurs étatiques.

Sans annonceurs, sans convention collective, sans appui financier substantiel des pouvoirs publics sur fond de relâchement des partenaires bilatéraux des entreprises de presse, les medias locaux ploient sans rompre dans la précarité totale, les rendant vulnérables, proies faciles, pour les prédateurs de la liberté de la presse, notamment les fonctionnaires corrompus et les opérateurs économiques indélicats dont la propension naturelle à la corruption est de notoriété publique d’où la baisse des standards internationaux en la matière en République de Guinée.

Celles-ci ne peuvent donc pas assurer les conditions de vie et de travail, décentes pour les employés de ce secteur dont l’écrasante majorité est sans contrat d’où la profusion de journalistes corrompus et alimentaires dans le paysage médiatique guinéens.

Dans un tel environnement, les medias locaux baignent dans la frivolité qui est la porte ouverte sur tous les abus, compromettant ses missions traditionnelles dans la démocratie notamment de sentinelle de l’Etat de droit, de protection et de défense des droits des personnes vulnérables, des minorités linguistiques, de droits et devoirs des citoyens, de relais sûr des autorités publiques et élus locaux auprès de leurs mandants et enfin de promotion de bonnes pratiques en matière de démocratie et de bonne gouvernance. De même que celui de watdog de la Constitution, des Lois organiques et des Institutions républicaines.

Ainsi, sans compétence et probité morale des objecteurs de conscience dans le secteur, sans soutien des mécènes, sans appui substantiel de l’Etat et des partenaires du domaine, ferments des entreprises de presse, fortes économiquement et financièrement, l’objectivité et le professionnalisme des medias locaux ne seraient qu’un leurre et la démocratie en péril en Guinée et en Afrique.

L’on est ainsi tenté de reformuler par déduction le thème central de la journée internationale de la démocratie, ’’Pas de démocratie, sans une presse objective et professionnelle’’, comme ‘’Pas de démocratie ni Etat de droit, sans les entreprises de presse viables en Guinée et en Afrique.’

Par Moussa Iboun CONTE

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