Boycott des activités du RPG-AEC : que veulent réellement les associations de presse ?

« Je pense que c’est une forme de démission face à la mission assignée aux médias qui est celle d’informer. C’est comme un agent des forces de l’ordre qui dit qu’il n’ira plus dans un quartier pour instaurer la sécurité parce qu’il y a trop d’insécurité sur les lieux », disait le juriste Mohamed Camara dans un entretien avec un reporter de Guineematin.com le 10 février 2016 sur la décision des associations de presse de boycotter les activités de l’UFDG après l’assassinat de notre confrère Elhadj Mohamed Koula Diallo, le vendredi 05 février 2016. « Ce n’est pas du tout normal, tant que le parti n’est pas sanctionné par une décision administrative ou pénale, les médias n’ont pas à dire qu’ils ne vont pas couvrir les activités de l’UFDG », avait insisté Mohamed Camara.

Après les agressions physiques et verbales des journalistes Thierno Baïlo Diallo du site focusguinee.info et Bintou Kourouma de la radio City FM, le samedi dernier, 25 novembre 2017, au siège du RPG arc-en-ciel, les associations de presse ont décidé de boycotter les activités de ce parti. Cela veut dire que les décideurs actuels de la presse guinéenne « interdisent » (et jusqu’à quand ?) la couverture de toutes les activités du parti au pouvoir, le Rpg-arc-en-ciel… Que ces activités soient organisées dans un stade, une mosquée, une église, un hôtel ou à son siège… que ce soient des activités sociales, politiques ou caritatives, les médias privés s’abstiendront donc d’en parler… Mais, en quoi bouder les activités de ce parti pourrait réparer les préjudices subis par nos confrères ? Pourquoi ne pas rencontrer les responsables de ce parti pour échanger autour de la sécurité des journalistes dans l’exercice de leur métier, le cas échéant porter plainte contre des responsables de ce parti en vue d’exiger plus de sécurité pour les journalistes ?

C’est une évidence, cette décision des associations de presse est en totale contradiction avec les arguments avancés jusque-là : la nécessité de promouvoir la pluralité des opinions ! Ce n’est pas au moment où nous clamons l’obligation de donner la parole à tous les acteurs du système éducatif guinéen par exemple, y compris le leader syndical Aboubacar Soumah du SLECG- même contre les injonctions du président Alpha Condé- qu’il faille décider maintenant de boycotter les activités du parti présidentiel. Le faire, c’est priver cette entité politique de la parole. Mieux, c’est enfreindre au droit du public à l’information. Pire une jurisprudence qui pourrait être utilisée contre des entités politiques, sociales, économiques… pour un oui ou un non ! Parce que contrairement à la loi, une poignée de responsables de la presse auront ainsi décidé. Evitons donc les pièges des uns et des autres qui nous poussent à la faute professionnelle. Soyons davantage cohérents et responsables.

En tant que « patronat des médias », nos associations de presse devraient agir en amont, exiger des dirigeants le respect de la loi guinéenne qui autorise les journalistes à faire librement leur travail. Ce n’est pas parce qu’un soldat est blessé au front qu’on devrait rappeler tous les autres, alors même qu’on devait leur envoyer des renforts… Nous devons être fermes avec nos amis, frères et sœurs du RPG arc-en-ciel sur les inacceptables atteintes à nos libertés, sans pour autant les boycotter. Poursuivons les prédateurs de la liberté de la presse aux tribunaux, manifestons notre colère, tout en faisant convenablement la mission qui est la nôtre dans l’édification de la démocratie dans notre cher pays.

Enfin, pour maintenir la cohésion dans notre corporation, il importe que les « patrons » des associations de presse se concertent avec les responsables des médias au lieu de continuer à leur imposer des décisions unilatérales qui pourraient ne pas être acceptées par tous.

 

Nouhou Baldé

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