Guinée : une synergie des radios contre le syndicat gréviste ?

Le moins qu’on puisse écrire est que la liberté de la presse est chancelante depuis quelques semaines en République de Guinée. Et, malgré ses menaces proférées contre les médias indépendants, le samedi dernier, le président Alpha Condé n’est pas le seul coupable de ce grave recul ! Par des initiatives et décisions surprenantes, les associations de presse qui veulent rester passive se rendront complices de ce recul.

Et si la décision de l’URTELGUI n’avait pour fondement que d’empêcher le syndicat gréviste dirigé par Aboubacar Soumah de s’exprimer ce mardi et demain, mercredi ?

Dans un communiqué rendu public hier, l’Union des radios et télévisions libres de Guinée a annoncé qu’elle organisera ce mardi, 28 novembre 2017, « une synergie sur le réseau synchronisé de l’ensemble des radios privées de Guinée ». Mais, au lieu de donner la parole aux différents acteurs concernés par la perturbation du système éducatif guinéen, les « patrons » des radios et télévisions privées ont décidé autre chose : « les enjeux de la liberté de la presse et de la liberté d’expression en Guinée » ! Autrement, ceux qui ont aujourd’hui le mandat de parler au nom des radios et télévisions « libres » vont plutôt prendre en otage les antennes des radios qui pourraient avoir l’audace de traiter le sujet brûlant de l’actualité (la grève syndicale), en donnant la parole à tous les acteurs y compris Aboubacar Soumah, conformément à la loi…

L’autre décision de l’urtelgui est aussi surprenante que la première ! Au lieu de rédiger des éléments consensuels sur les menaces contre la liberté de la presse et les diffuser dans toutes les éditions de toutes les radios et télévisions membres, on préfère imposer un lourd silence aux pauvres auditeurs au moment où justement ces derniers veulent être informés sur la suite du « combat » !

On se rappelle qu’en février 2005, lorsque Ben Pepito a été injustement arrêté et détenu à la DPJ par Moussa Sampil, alors tout puissant ministre de la sécurité, les médias privés de l’époque (essentiellement des journaux) avaient convenu de dénoncer les menaces contre la liberté de la presse, en affichant à la Une un message du genre « Moussa Sampil prédateur de la liberté de la presse… ». Ceci est évidemment resté dans l’histoire puisque l’homme s’était vite fait débarquer et il n’est pour le moment pas revenu au devant de la scène… Certains initiateurs et acteurs de cette lutte sont toujours là ; mais, d’autres considérations apparemment méconnues du grand public conduisent certains d’entre eux à prendre d’autres options.

En attendant, on initie une synergie pour empêcher ceux qui veulent jouir de leurs libertés en rappelant des postulats, principes et lois qu’ils s’obligent à ne pas se prévaloir. Ce n’est pourtant pas le jour de l’action qu’on devait s’enfermer dans un bureau pour dire que nous avons le droit de faire ce qu’on n’aura pas osé. Donner la parole à l’ensemble des acteurs de cette paralysie (y compris évidemment Aboubacar Soumah) est la seule raison d’une synergie sauf si elle obéit à une stratégie intelligemment mûrie d’imposer aux radios et télévisions privées un black-out sur la grève des enseignants. La HAC a suffisamment rappelé les principes légaux et même encouragé les médias à donner la parole à tout le monde, diversifier les opinions conformément à la loi. Mieux, la Haute Autorité de la communication a réitéré aux administrateurs zélés qu’elle est la seule habilitée à fermer un média en République de Guinée. La première conséquence est que ceux qui avaient brouillé les signaux de Gangan ont dû se raviser… On ne peut pas être plus royaliste que le roi !

Bref, quand c’est le pouvoir qui veut bâillonner la presse, on se sent en danger. Et, quand ce sont certains journalistes veulent mettre leurs confrères au pas, c’est encore plus grave !

Que Dieu sauve la Guinée, amen !

Nouhou Baldé

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