Dadi Koumbassa : « notre ambassadeur a divisé les guinéens de Sierra Léone »

La Sierra-Léone a organisé les élections générales (législatives, communales et communautaires et présidentielles) hier, mercredi 07 mars 2018. Troisième du genre depuis la fin de la guerre civile, ce scrutin a connu une forte participation de la communauté guinéenne vivant dans ce pays frère.

Dans la matinée de ce jeudi, 08 mars 2018, les envoyés spéciaux de Guineematin.com à Freetown ont rencontré le président de l’association des guinéens vivants en Sierra-Leone. Avec Monsieur Aboubacar Dadi Koumbassa, nous avons parlé de ce scrutin, son regard sur la situation sociopolitique de la Guinée, mais aussi et surtout des rapports entre la communauté guinéenne et l’ambassadeur de Guinée en Sierra-Leone.

Interview !

Guineematin.com : Monsieur Aboubacar Dadi Koumbassa, comment analysez-vous les élections d’hier dans ce pays?

Aboubacar Dadi Koumbassa : les élections ont été perçues d’une belle manière par les guinéens. Et, nous sommes contents que vous ayez assisté à ces élections aussi. Si notre pays ne peut pas faire comme les Sierra-léonais, nous devrions pouvoir les imiter au moins. Ces élections se sont très bien déroulées.

Guineematin.com : Est-ce que vous pensez aujourd’hui que la Sierra-Leone peut être considérée par la Guinée comme un modèle en matière d’organisation des élections ?

Aboubacar Dadi Koumbassa : Effectivement, la Sierra-Leone constitue un modèle. Et, nous prions la société civile guinéenne d’être comme la société civile sierra-léonaise. Ces genres d’élections sont une manière de diminuer les dépenses de l’Etat. Vous n’êtes pas sans savoir que faire quatre (4) élections en une seule journée, ça veut beaucoup dire.

Guineematin.com : Vous parlez de la société civile ; mais, ce n’est pas elle qui organise les élections en Guinée. C’est plutôt la CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante) et un peu l’Administration. Qu’est-ce que la société peut faire en pareille situation ?

Aboubacar Dadi Camara : La société civile, je peux dire qu’elle doit être un arbitre. Et, un bon arbitrage pourra vraiment encourager les deux équipes qui s’affrontent.

Guineematin.com : votre association a quel genre de rapport avec monsieur l’ambassadeur de la Guinée en Sierra-Leone ?

Aboubacar Dadi Camara : Nos relations avec notre ambassadeur ne sont pas bonnes ! Parce que depuis qu’il est là, il n’a cherché qu’à nous diviser. Avant son arrivée, la communauté guinéenne en Sierra-Léone vivait en harmonie. Personne ne savait qui était peul, malinké, soussou ou forestier. Nous ne l’avons jamais accepté. Pour vous dire, l’élection du bureau de l’Amical des guinéens, nous savons que la Guinée constitue quatre (4) régions naturelle. Et, pour constituer ce bureau, nous avons demandé aux quatre régions naturelles de nous fournir la liste des hommes capables pour qui on peut voter et confier le problème des guinéens vivants en Sierra-Leone. Avant qu’il n’arrive, on n’a jamais eu de problème ! C’est à son arrivée que les problèmes ont commencé. Si vous voulez, vous pouvez aller visiter notre chancellerie ; vraiment, c’est déplorable.

Guineematin.com : Qu’est-ce que l’ambassadeur a réellement fait pour diviser la communauté guinéenne vivant en Sierra-Leone ?

Aboubacar Dadis Koumbassa : Quand il est venu, il nous a montré qu’il n’est pas venu pour représenter toute la communauté guinéenne vivant en Sierra-Leone, mais un groupe bien choisi. Comme vous le savez, la Guinée renferme assez de partis politiques ; mais, si vous venez et que vous choisissez un seul parti politique, ça divise. C’est vrai que l’ambassadeur est de la mouvance présidentielle, donc le RPG Arc-en-ciel ; mais, les autres partis politiques aussi sont là, ils sont de la Guinée. On a vu cette différence incalculable qu’à son arrivée.

Guineematin.com : Concrètement, qu’est-ce que vous vous faites pour rapprocher les tendances ? Est-ce que vous êtes allés vers l’ambassadeur pour lui faire comprendre que son comportement n’est pas une bonne chose pour la communauté guinéenne ?

Aboubacar Dadi Koumbassa : Il n’y a pas ce qu’on n’a pas fait pour qu’on puisse se retrouver et vivre en guinéens avec lui-même monsieur l’ambassadeur. Mais, il ne nous a jamais donné l’occasion. C’est pourquoi, il y a des guinéens qui ont décidé de prendre leur distance parce que nous savons qu’il ne sera pas là pour l’éternité. C’est quelqu’un qui a été nommé par décret ; donc, tôt ou tard, un décret va l’enlever et nous prendrons soins de notre chancellerie. Pour moment, nous avons des difficultés avec lui.

Guineematin.com : Comment se porte votre association et qu’elles genres d’activités faites-vous ?

Aboubacar Dadi Koumbassa : En termes d’activités, nous nous retrouvons chaque fois que c’est nécessaire. Nous cherchons à réunir davantage les guinéens parce que l’ambassadeur avait réussi à nous diviser à 60%. Mais, maintenant, même ceux qui le soutenaient quand il était nouvellement venu commencent à venir vers nous pour appeler au rassemblement de tous les guinéens. Nous sommes sur ce travail.

Guineematin.com : L’autre actualité, c’est la situation qui prévaut à Conakry où on a vu des femmes prendre les rues pour exprimer leur colère. Quel regard portez-vous sur cette autre situation ?

Aboubacar Dadi Koumabassa : Avant cette descente des femmes dans les rues, nous suivons de près tout ce qui se passe en Guinée. Et, avec cette grève des enseignants, la façon dont notre gouvernement prend ce problème, nous sommes vraiment déçus. Nous sommes déçus de la société guinéenne aussi. Si le gouvernement guinéen traite les guinéens de la sorte et que la société civile reste ainsi sans rien faire, c’est une déception pour nous.

Guineematin.com : selon vous, quelle doit être la porte de sortie de cette crise ?

Aboubacar Dadi Koumabassa : L’unique porte de sortie honorable, c’est le dialogue entre les syndicalistes, le gouvernement et la société civile. Cette société civile, je vois qu’elle commence à se manifester. Mais, c’est le médecin après la mort. Mais, nous sommes optimistes parce que blaguer avec l’avenir de nos enfants, c’est un peu déplorable.

Guineematin.com : un mot sur la gouvernance du président Alpha Condé qui est aujourd’hui à deux ans de la fin de son deuxième et dernier mandat constitutionnel ?

Dadi Koumabassa : Pour ce qui est de la gouvernance du professeur Président Alpha Condé, nous constatons en Sierra-Leone ici qu’il y a des failles. Premièrement, il y a l’impunité. Partout où il y a l’impunité, il n’est pas facile qu’il y ait une bonne gouvernance. Nous qui sommes là, nous suivons les médias. On dit qu’il n’y a pas d’argent pour solutionner la crise qui mine le secteur éducatif. Mais, une partie des campagnes communales m’a trouvé en Guinée. L’argent que les gens de l’administration ont distribué par-ci par-là, est-ce leur salaire ? On doit se demander. Si c’est l’argent du contribuable guinéen, c’est un peu méchant… Il faudrait qu’on cesse l’impunité parce que sortir de l’argent même pour des semaines de citoyenneté, je pense que tout cela c’est du gaspillage. Il n’y a pas de bon citoyen, c’est la loi qui fait du citoyen un bon citoyen. Si je sais que quand je faillis je dois être puni, vraiment, je deviens bon citoyen aussitôt. Il faut que les autorités arrêtent le gaspillage.

Guineematin.com : Nous sommes au terme de cet entretien à moins que vous ayez quelque chose à ajouter ?

Aboubacar Dadi Koumbassa : Mon dernier mot, c’est de dire aux guinéens de Conakry que les élections se sont bien déroulées en Sierra Léone. Quatre élections en un seul scrutin. Nous souhaitons que les guinéens prennent la Sierra-Léone comme modèle.

Propos recueillis à Freetown par Alpha Assia Baldé et Ibrahima Sory Diallo, envoyés spéciaux de Guineematin.com

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