AG du SLECG : pourquoi certains enseignants sont contre la suspension de la grève

Dans la journée d’hier, vendredi 09 mars 2018, les émissaires du Gouvernement et du Syndicat libre des enseignants et chercheurs de Guinée (SLECG) ont fait un pas dans leurs négociations pour mettre fin à la grève des enseignants enclenchée le 12 février dernier, grâce à une facilitation volontariste du Médiateur de la République et en présence des chefs religieux.

A la fin de la rencontre, tous les intervenants ont usé de leurs intelligences et de leurs rhétoriques pour convaincre les leaders syndicaux de lever le mot d’ordre de grève. Mais, le négociateur en chef du SLECG, Oumar Tounkara, est resté ferme sur ses principes : « nous qui sommes là n’avons pas mandat de lever ou de suspendre la grève. Nous allons porter vos propositions à l’attention de la base. Et, ce que la base nous dira, nous le porterons à l’autorité au moment opportun ». Une assemblée générale a alors été convoquée pour la matinée de ce samedi, 10 mars 2018, au siège du SLECG, à Donka, dans la capitale guinéenne.

Dans la matinée de ce samedi, Guineematin.com a cherché à comprendre auprès de certains enseignants l’atmosphère de la tendance actuelle, après les nouvelles propositions du Gouvernement. A l’unanimité, les quelques enseignants interrogés par notre rédaction rejettent les propositions et pensent d’ailleurs que la grève sera maintenue.

Voici les trois principales raisons

Une proposition gouvernementale confuse

Tout d’abord, les enseignants interrogés trouvent très confuse la proposition du Gouvernement sur le nouvel échelonnement du payement des trente pour cent restants (sur les quarante acquis sous le régime Lansana Conté). Il n’y a que la première tranche qui a été faite avec précision.

Selon les enseignants contactés par Guineematin.com, le ministre Khalifa Gassama Diaby (qui a porté la proposition du Gouvernement aux syndicalistes hier au palais du peuple) a dit que la première tranche sera payée à la fin du mois de mai, la deuxième tranche à l’ouverture de l’année scolaire prochaine (sans donner de date précise), et la troisième tranche dès le début de l’année 2019 (sans encore donner le mois, ni aucune autre précision).

Bref, des syndicalistes déjà échaudés par des précédents échecs, puisqu’ils sont souvent roulés dans la farine par les négociateurs précédents du Gouvernement (qui s’agrippent sur des imprécisions pour nier les accords) estiment qu’il est hasardeux de s’engager dans une telle aventure, après avoir pris tant de risques, consentis tant d’efforts avec un mois de grève…

Mais, il y a pire !

La désacralisation de la parole présidentielle

Ce qui a semblé tout remettre en cause est la violation répétitive des promesses présidentielles. Nonobstant tout ce qui s’est passé précédemment avec les promesses non tenues par le chef de l’Etat (avec les autres structures et dans des domaines divers), il y a la déclaration et la contre-déclaration du président Alpha Condé le 8 mars 2018 qui fait penser aux enseignants qu’ils ne seront pas l’exception !

Les enseignants contactés ce samedi par Guineematin.com sont souvent revenus sur l’annonce publique du président Alpha Condé d’un changement du Gouvernement et son interview avec Aladji Cellou deux heures plus tard où lui-même dit presque le contraire de ce qu’il avait annoncé devant les femmes.

« Au palais du peuple, le président a promis (sans contrainte) qu’il va remanier profondément son Gouvernement pour y mettre des personnes proches du peuple. Et, deux heures après, il fait une interview pour dire qu’il va consulter ; mais, qu’il ne changera pas son Gouvernement par la pression… Quand le chef de l’Etat change ainsi de langage en moins de 24 heures, cela montre qu’on ne peut pas se fier à ses promesses », a précisé un enseignant.

Déblocage du salaire du leader du SLECG, Aboubacar Soumah

Depuis cinq mois, le salaire du secrétaire général du bureau exécutif du Syndicat libre des enseignants et chercheurs de Guinée, Aboubacar Soumah, était bloqué par les autorités du pays à cause de la grève, même si l’argument a été celui du refus d’aller occuper son poste de DPE à Dinguiraye. C’est pourquoi, les enseignants ont inscrit le déblocage de ce salaire et le payement des 40 pour cent comme préalables à toute négociation avec le pouvoir.

Aujourd’hui, ils sont heureux de savoir que ce salaire a été débloqué par le pouvoir. Mais, il n’y a en réalité que ce salaire qui est concrètement obtenu des négociations. Comme indiqué plus haut, tout le reste est suspendu à des promesses vagues et peu crédibles. Alors, lever le mot d’ordre de grève aujourd’hui pourrait bien faire penser à certains enseignants que leur leader, jusque-là adulé par la base n’avait en réalité que le déblocage de son salaire comme préoccupation majeure. Ils ne lui ont donc pas caché qu’il ne doit pas lever le mot d’ordre de grève en écoutant son cœur ; mais, il doit le faire en les écoutant. Or, à l’état actuel des négociations, il n’y a que ce salaire comme acquis réel…

Enfin, il importe de rappeler que nous n’avons malheureusement pu échanger qu’avec moins de dix enseignants sur quarante mille environs dans le pays ! Et, qui veut dire que cet échantillon peut évidemment se tromper sur la volonté de la majorité des enseignants dont les représentants sont actuellement en assemblée générale au siège du SLECG. Alors, lèvera-t-on ou pas le mot d’ordre de grève dès ce samedi ?

Nos reporters sont déjà sur place pour tout vous relayer en direct et en intégralité…

A suivre !

Nouhou Baldé pour Guineematin.com

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