Depuis plusieurs années, un conflit oppose la jeunesse de Kipé à des propriétaires de terrains riverains. Les jeunes accusent ces derniers d’avoir dépassé les limites de leurs terrains pour aller construire jusque sur la plage. Aujourd’hui, la situation est très tendue sur place et elle pourrait exploser à tout moment, a constaté un reporter de Guineematin.com qui s’est rendu sur place.
Parmi tous les terrains situés aux alentours de la plage de Kipé, un seul n’est pas encore exploité. Mais le propriétaire de ce terrain est venu entamer des travaux de construction d’une maison sur les lieux. Et c’est justement cela qui a irrité les jeunes du quartier. Ces derniers ont constaté en effet, que les travaux entamés sur les lieux vont au-delà de la délimitation préalablement établie, et touchent une bonne partie de la plage, une partie qu’ils risquent donc de perdre.
« Le premier propriétaire de ce terrain s’appelle M’mamy, c’est un parent à moi. C’est lui qui a vendu le terrain à un certain monsieur du nom de Fofana, aujourd’hui tous les deux sont décédés. La famille de monsieur Fofaya a revendu le terrain à un autre du nom de monsieur Doré qui était ministre à l’époque. Mais, dès que ce dernier a compris qu’il y avait un problème autour de ce terrain, il s’est retiré et a réclamé son argent. C’est ainsi que la famille Fofana a revendu encore le terrain à un certain Koulibaly qui aurait des liens avec des hauts dirigeants du pays. Ce dernier a commencé les travaux sur le terrain, vous avez dû constater que des gens sont en train de creuser des trous pour la fondation », explique Fodé Abdoulaye Soumah, leader des jeunes et promoteur de la plage de Kipé, opposé à ces travaux en cours.
Il ajoute que ce litige autour de la plage de Kipé n’est d’ailleurs pas un fait nouveau. C’est une longue histoire qu’il dit bien connaitre : « Depuis le temps de Sékou Touré, il y a une délimitation qui avait été faite ici pour séparer la zone habitable et la bordure de mer. Moi depuis que j’étais petit, je savais cela parce que c’est nos grands-parents qui étaient les propriétaires terriens ici. Mais, pendant la deuxième République, certains propriétaires des terrains qui sont là ont piétiné cette délimitation, ils ont pris une bonne partie de la plage, ils ont construit des maisons dessus.
C’est ainsi que je me suis levé pour aller voir les autorités du quartier et de la commune de Ratoma pour leur parler de cette situation. Ils sont venus faire une nouvelle délimitation pour éviter que toute la plage ne soit envahie par des maisons, la délimitation a été acceptée par le ministère de l’habitat de l’époque, et ils m’ont donné les papiers me permettant d’aménager et d’exploiter la plage », explique-t-il.
Après avoir reçu ces papiers, Fodé Abdoulaye Soumah dit avoir dépensé beaucoup d’argent pour nettoyer les lieux et y construire des hangars pour des activités commerciales, mais aussi pour permettre aux jeunes de Kipé de pouvoir aller se divertir sur cette bordure de mer. Mais la suite n’a été que cauchemar selon lui : « Suite à cela, j’ai été arrêté et emprisonné par trois fois. Des gendarmes sont venus saccager tout ce que j’avais construit sur la plage, j’ai perdu tout ce que j’avais investi sur les lieux ».
Malgré tout, l’actuel leader des jeunes de Kipé n’a pas abandonné la plage. Avec les jeunes du quartier, il a continué toujours à occuper les lieux pour éviter de les perdre définitivement. Aujourd’hui, tous se disent prêts à se battre par tous les moyens pour conserver cette plage. « Nous n’allons pas permettre que le reste de notre plage nous soit retiré, ça c’est hors de question. Les jeunes qui sont là n’attendent que mon feu vert pour se manifester, et moi aussi je suis à l’écoute du gouverneur de Conakry, le général Mathurin Bangoura. Je suis allé le voir avec les papiers en ma possession pour lui expliquer le problème, il a promis de s’intéresser immédiatement au problème.
Les jeunes de Kipé ne s’opposent pas à la construction de n’importe quelle maison ici, mais nous voulons que cela soit fait dans le respect des limites tracées pour que nous puissions profiter de la plage que Dieu nous a donnée nous aussi. Si cette délimitation n’est pas respectée, nous allons nous faire entendre d’une autre manière, en saccageant notamment ce qu’ils auront construit ici, ça c’est clair. Nous savons qu’ils vont aller donner de l’argent à la gendarmerie pour nous arrêter, mais on est prêt à tout pour préserver cette plage », indique Fodé Abdoulaye Soumah, applaudi par plusieurs jeunes du quartier mobilisés sur la plage.
Pour l’heure, les travaux de construction engagés sur le terrain litigieux se poursuivent. Mais les jeunes du quartier que nous avons trouvés sur la plage promettent que ces travaux n’iront pas jusqu’au bout. Si des dispositions idoines ne sont pas prises donc immédiatement pour résoudre ce problème, la situation risque sérieusement de dégénérer dans les jours ou semaines à venir.
Alpha Fafaya Diallo pour Guineematin.com
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