Rentrée parlementaire 2018 et crise politique : Hon. Maréga à Guineematin (interview)

Le 05 avril prochain, les députés guinéens feront leur rentrée parlementaire au compte de la première session de l’Assemblée nationale de l’année 2018. Une rentrée qui intervient dans un contexte marqué par une crise politique, née suite aux élections locales du 04 février 2018, dont les résultats sont en partie contestés par l’opposition.

Pour comprendre comment cette session se prépare du côté du groupe parlementaire des Libéraux-démocrates (opposition), deux journalistes de Guineematin.com sont allés ce jeudi 29 mars 2018, à la rencontre de l’honorable Fodé Bocar Ammar Maréga, député UFDG de Diguiraye et président de la commission Education de l’Assemblée nationale.

Guineematin.com vous propose, ci-dessous, le décryptage de la première partie de notre entretien avec le parlementaire

Guineematin.com : Dans une semaine, ça sera la rentrée parlementaire pour la session des lois 2018. Est-ce qu’on peut connaitre déjà comment vous vous préparez au sein du groupe parlementaire Libéral-démocrate ?

Hon. Fodé Bocar Ammar Maréga : Comme vous le savez, on travaille toujours dans l’à peu près au niveau de l’Assemblée nationale. Nous, nous avions quelques propositions de loi ; mais, nous ne savons pas jusqu’aujourd’hui quels sont les projets de loi qui ont été déposés au niveau de l’Assemblée nationale. Sauf que des conventions minières et autres tels que les dons et prêts du Fonds monétaire international. Voilà ce qui nous attend ici actuellement. Nous, nous arriverons dans la pugnacité et on est prêt à utiliser tout ce qui est à notre pouvoir pour voter et essayer d’influencer les lois qui seront, on espère, bonnes pour le pays.

Guineematin.com : Nous avons appris qu’il y a 28 projets de loi ou textes qui sont sur la table de l’Assemblée. Est-ce qu’au niveau de votre groupe parlementaire, il y a d’autres propositions de loi que vous avez formulées et que vous entendez soumettre lors de cette session ?

Hon. Fodé Bocar Ammar Maréga : Oui ! La principale que je pense porter personnellement, c’est celle contre l’apologie du crime et du criminel, c’est cette proposition de loi qui sera déposée. Les autres, souffrez qu’on attende le début de la session parlementaire pour vous proposer ces lois parce que vous savez que le pouvoir est prompt à écarter d’un revers de la main les propositions de loi de l’opposition. Nous voulons, quand même, avoir cette possibilité de leur montrer cela au moment de la réunion du bureau.

Guineematin.com : Justement, cette rentrée parlementaire intervient à un moment où le climat politique guinéen est marqué par des agitations suite aux élections locales du 04 février dernier. Beaucoup d’observateurs se demandent quelle va être l’attitude des députés de l’opposition lors de cette session ?

Hon. Fodé Bocar Ammar Maréga : D’abord nous, nous suivons le mot d’ordre de notre parti. Etant membre du conseil politique de l’UFDG, je suis solidaire aux décisions qui sont prises. L’agitation dont vous parlez, moi, je dirais seulement une revendication de nos droits. Il est inconcevable que nous puissions bénéficier des votes des populations et que ces votes ne soient pas pris en compte, et que ce soit des petits fonctionnaires qui puissent changer ces votes. Donc, nous continuerons à revendiquer nos droits et bien sûr, nous manifesterons au niveau de l’Assemblée nationale pour marquer notre désaccord et notre courroux.

Guineematin.com : Est-ce que vous pensez que c’est possible de revenir sur ces résultats ? Est-ce que la loi le permet ?

Hon. Fodé Bocar Ammar Maréga : Bien sûr ! Puisque la loi donne des droits. Lorsque cette loi n’est pas appliquée ou qu’elle n’existe pas, c’est bien possible. Vous avez au niveau des CACV des juges qui s’arrosent le droit d’annuler les votes des populations, ce n’est écrit nulle part. Qu’on en revienne à ça pour que tout le monde soit tranquille. Si on a une volonté de pouvoir régler ce problème, il est très simple parce que sinon, vous pouvez imaginer que dans un quartier il y a 1000 personnes qui votent pour un candidat et qu’un juge vienne changer l’ordre pour donner ces voix à un autre candidat, est-ce que ça c’est la loi ? Donc, revenons dessus et c’est très simple. On remet les voix à celui qui a le droit et puis l’affaire est close. Je pense que ce que l’on doit savoir, nous ne pouvons plus accepter ce vol. Il faut que les gens comprennent que lorsqu’ils ont besoin de discuter, d’expliquer que la politique de tel parti est meilleure, qu’ils puissent voter. Et s’ils votent, il faut qu’ils puissent être sûrs que ce sont ces votes qui vont élire un individu qui sera responsable de la mise en pratique de cette politique.

Guineematin.com : Vous venez de dire que le groupe parlementaire Libéral-démocrate incarné par l’UFDG va protester au niveau de l’Assemblée nationale. De quelle manière vous comptez le faire ?

Hon. Fodé Bocar Ammar Maréga : D’abord, c’est lors de nos interventions au niveau de l’Assemblée, c’est déjà au niveau des projets de loi qui vont être discutés. C’est de donner et de marquer notre point de vue. C’est aussi au niveau des questions gouvernementales parce que je pense qu’il va y avoir des questions, donc nous poserons le problème.

Guineematin.com : Mais, est-ce que vous pensez que vous serez écoutés et entendus ?

Hon. Fodé Bocar Ammar Maréga : On sait que l’Assemblée nationale est le centralisme démocratique cher à Damaro, dictature de la majorité. Il estime que lorsqu’il y a quelque chose qui le gène, il faut voter rapidement puisqu’ils ont la majorité ; mais nous, nous avons toujours nos moyens pour nous faire entendre. Maintenant, s’ils continuent dans leur politique, nous serons obligés de nous en tenir à une simple déclaration.

Guinematin.com : Dans cette logique de protestation, de plus en plus de voix se lèvent pour soutenir que votre groupe parlementaire n’exclut pas de boycotter cette session, est-ce qu’il faut s’attendre à cela ?

Hon. Fodé Bocar Ammar Maréga : Vous savez, on a déjà expérimenté cette option. On a boycotté la session pour sortir de l’Assemblée ; mais, qu’est-ce qui s’est passé pendant cette session ? Ils ont profité de notre absence pour voter la loi anti-casse. Ils sont toujours à l’affût de l’illégalité, de la moindre petite possibilité pour violer la loi. Nous, nous disons que ce n’est pas quelque chose qui sera fait de manière systématique ; mais, nous pensons que quelques fois, il faut taper du point sur la table.

Guineematin.com : Depuis la proclamation définitive des résultats, les militants de l’opposition occupent la rue. Jusqu’à quand cette forme de manifestation va continuer à Conakry ?

Hon. Fodé Bocar Ammar Maréga : Jusqu’à la pleine satisfaction de nos revendications. Il faut que ça soit clair. Nous, nous pensons que trop c’est trop, il faut que ça s’arrête ! Qu’on puisse maintenant accepter une bonne fois pour toutes qu’on ne vote pas pour s’amuser. On vote pour permettre à des gens d’exprimer leurs idées, leurs courroux, leurs insatisfactions. Il est normal que les voix portées sur candidat ou un élu soient prises en compte. S’il faut continuer à frauder, à extirper un procès-verbal d’un candidat au profit d’un autre, il faut que cela cesse. Comment on le fait savoir et comment le faire cesser, il faut que des engagements soient pris. Nous pensons que le premier engagement à faire, c’est de faire respecter le vote. On n’a pas choisi 343 circonscriptions ; aujourd’hui on a choisi 9 qui sont emblématiques, il faut que nos suffrages soient reconnus point barre.

Guineematin.com : Justement, depuis que l’UFDG a haussé le ton, des bonnes volontés s’activent auprès du chef de file de l’opposition pour une médiation. Où en est-on avec ces négociations ?

Hon. Fodé Bocar Ammar Maréga : C’est vrai, il y a beaucoup de gens qui s’invitent dans ce dossier et qui, comme d’habitude, nous demandent toujours de mettre la balle à terre. Nous leur disons tout simplement aujourd’hui que nous, nous avons toujours privilégié la paix et la nation guinéenne. En 2010, on a vu comment ça s’est passé, en 2013 également, en 2015 et maintenant 2018. Nous demandons simplement à cette communauté internationale, à ces bonnes volontés, d’aller dire à Alpha Condé d’arrêter de tricher les élections pour nous permettre d’avoir un vote qui soit équitable et juste. Nous préparons des échéances telles que les législatives de 2018 et la présidentielle de 2020 avec un nouveau fichier, donc il est important que les gens sachent que trop c’est trop, il faut que ça cesse !

Guineematin.com : L’autre actualité, c’est l’affaire Boubacar Diallo dit « Grenade ». On apprend que ses images publiées par la justice guinéenne ont été déposées à l’Elysée (Présidence de la République française). Quel commentaire en faites-vous ?

Hon. Fodé Bocar Ammar Maréga : D’abord, on nous fait croire que celui qui veut couper le cordon ombilical a toujours des dossiers à amener à son parton qui est là-bas pour lui expliquer que voilà ce que fait l’opposition chez moi. Quitte à mentir et à rentrer dans des débats qui, nous pensions être dépassés. Nous pensions que ça c’était à l’époque de Sékou Touré et donc, nous sommes étonnés que des montages soient envoyés en France pour montrer à Macron ou à je ne sais qui pour dire voilà la situation. Je trouve que c’est une insulte à notre intelligence et à l’intelligence des guinéens qui ont vu passer déjà des tas de montages. Je dirais que quand quelqu’un qui est de l’UFDG et qui se bat pour l’UFDG avec une arme et qui soit-disant serait un monsieur qui va maintenant tuer nos militants tout simplement pour prouver qu’il y a un désordre dans le pays, je crois que c’est tellement grossier ; mais, nous avons l’habitude de voir ce genres de choses. C’est des méthodes qu’Alpha Condé cautionne, utilise et je pense que ça ne va pas aboutir.

Interview réalisée par Alpha Assia Baldé et Abdallah Baldé pour Guineematin.com

Tél : 622 68 00 41

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