Jeûne du Ramadan et diabète : Dr Amadou Bah (hôpital Donka) à Guineematin (interview)

Dans une semaine, les fidèles musulmans vont commencer à observer le jeûne du mois de Ramadan. Selon la religion musulmane, les malades mentaux et physiques, tout comme les voyageurs, peuvent être exemptés du jeûne. Les fidèles souffrant de diabète font partie de ceux qui ont des difficultés à observer le Ramadan.

Pour connaitre les risques pour un diabétique de jeûner et ce qu’il est recommandé, un reporter de Guineematin.com a rencontré le Docteur Bah Amadou ce mardi 08 mai 2018. Dr Bah est médecin chef adjoint au service de diabétologie-endocrinologie des maladies métaboliques et nutrition au CHU de Donka.

Guineematin.com : nous sommes à quelques jours du mois de Ramadan. Un mois au cours duquel les fidèles s’abstiendront de manger et de boire. Qu’en est-il des diabétiques ?

Docteur Bah Amadou : le jeûne du Ramadan est une obligation, mais il y a l’exemption pour les malades. Parmi eux, il y a les diabétiques. Et logiquement, les diabétiques ne devraient pas jeûner. Malgré la tolérance religieuse et médicale, un certain nombre de patients diabétiques vont s’obstiner à jeûner. Il faut donc accompagner le patient, quelque soit son choix.

Guineematin.com : quels sont les risques liés au jeûne du Ramadan avec le diabète ?

Docteur Bah Amadou : Il y a toujours des risques liés à la pratique du jeûne. Donc, sa pratique alors que l’état de santé est défaillant comporte des risques. Sur la base des recommandations internationales, validées par les autorités religieuses, les patients diabétiques sont classés en trois catégories de risques. Nous avons les risques très élevés, élevés et les risques modérés ou faibles. Sur ces trois catégories de risques, il y a eu des écrits dans des documents paraphés par le mufti de l’Égypte qui ont fait l’objet de consensus.

Pour la catégorie de ceux des risques très élevés, médicalement, le jeûne de Ramadan leur est interdit. Premièrement, c’est les gens qui font les hypoglycémies. Quand tu as un traitement de diabète, le but c’est de normaliser le taux de sucre et il y a des médicaments qui entraînent la baisse trop fréquente de taux de glycémie que nous, nous appelons hypoglycémie. Donc, les gens qui font l’hypoglycémie sévère, ils ont des risques très élevés. Nous avons des malades dont le taux de sucre a été très élevé jusqu’à ce qu’il il y ait eu de cétone dans les urines. Les malades qui ont développé ça pendant les trois mois qui précédent le Ramadan ne devraient pas jeûner.

Les malades qui ont eu un coma, c’est une hyperglycémie très élevée avec déshydratation. Les malades qui ont développé ça durant les trois mois avant le Ramadan ne devraient pas aussi jeûner.

Nous avons des malades qui ont de faible contrôle glycémique. Nous avons les diabétiques de type un, les malades en grossesse, nous avons des malades qui ont des insuffisances rénales. Ces catégories de malades sont des malades à très hauts risques et ceux qui sont dans ces catégories là ne devraient pas jeûner.

Ensuite, nous avons les risques élevés. Parmi ces risques élevés là, nous avons les hyperglycémies modérées, c’est-à-dire des glycémies allant de 1.50 à 3 g avec un taux d’hémoglobine autour de 9%. Nous avons l’insuffisance rénale. Nous avons des complications micro vasculaires à stade très avancé. Nous avons les patients vivant seuls, traités par l’insuline, l’insuline étant une hormone hyper glycémique. Donc, un malade seul, il prend l’insuline et ne mange pas, il va faire le coma ! Et s’il n’y a personne à côté pour l’aider, c’est grave. Donc, des gens de cette catégorie ne devraient pas jeûner. La même personne qui a l’âge avancé avec une santé fragile ne devrait pas jeûner. Ceux-ci sont à des risques élevés.

Nous avons la catégorie des risques modérés ou faibles. Ce sont les patients dont le diabète est bien contrôlé, traité par des sécréta-gogues d’insuline à action courte, sulfamide /glinides ou insuline, ou bien une combinaison. Ceux des risques faibles sont des patients dont le diabète est bien contrôlé sous régime hygiéno-diététique, metformine, inhibiteurs DPP4, thiazoladinediones, et/ ou thérapies à base d’incrétine chez les personnes en bonne santé.

Ces deux groupes de patients à risques modérés et faibles peuvent jeûner avec évaluation du médecin traitant.

Guineematin.com : quelles recommandations ou conseils faites-vous aux patients diabétiques qui ont envie de jeûner ?

Docteur Bah Amadou : ce qu’on peut dire aux diabétiques à risques modérés et faibles, c’est qu’à la rupture, qu’ils prennent un comprimé de leurs médicaments metformine après avoir coupé le jeûne.

Je leur dirai que le Ramadan se prépare à l’avance. Cette préparation est liée à une évaluation médicale un à deux mois avant le Ramadan. Il faut faire une approche individuelle, faire des révélations cliniques et adapter le traitement, planifier les repas.

Guineematin.com : que dire des repas pour le diabétique pendant le Ramadan ?

Docteur Bah Amadou : il est important de savoir ce qu’il va manger. L’alimentation est repartie en deux ou trois repas entre la rupture et l’aube. Prendre le repas de l’aube. Prendre un fruit après chaque repas. Il faut beaucoup boire de l’eau parce que les complications aussi de faire le Ramadan, c’est l’hypoglycémie, c’est-à-dire la baisse du taux de sucre, l’hyperglycémie, ça peut monter trop. La déshydratation, surtout qu’on ne boit pas beaucoup pendant le Ramadan, on va se déshydrater, c’est les complications qu’on peut avoir pendant le Ramadan. Donc, il faut boire 1 à 2 litres d’eau par 24h, éviter les boissons sucrées. Il faut encourager les légumes crues et cuites, les fruits entiers, le yaourt, pratiquer l’activité physique juste après la rupture. Faire une auto-surveillance glycémique. Il y a l’indication pour la rupture c’est-à-dire, si ta glycémie est supérieur à 3, elle est élevée. Il faut couper le jeûne. Si elle est inférieure à 0.60, c’est l’hypoglycémie, il faut aussi couper. Je dirai surtout qu’un vrai dialogue est nécessaire entre les religieux, les diabétiques et les médecins spécialistes en diabétologie pour éviter les complications.

Propos recueillis par Mamadou Laafa Sow pour Guineematin.com

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