Souvenirs du patriote Bâ Mamadou : opposition et pouvoir à la mosquée de Bambéto

A l’occasion de l’an 9 de la disparition d’Elhadj Bâ Mamadou, une cérémonie de sacrifices et de lecture du saint Coran ont été organisées le samedi dernier, 26 mai 2018, par sa Fondation à la Grande mosquée de Bambéto. Une cérémonie qui a été rehaussée de la présence du nouveau Premier ministre, Chef du gouvernement, Dr. Ibrahima Kassory Fofana et du Chef de file de l’opposition guinéenne, Elhadj Cellou Dalein Diallo, rapporte un journaliste de Guineematin.com qui était sur place.

Le Premier ministre était accompagné du Ministre d’Etat, conseiller spécial du Chef de l’Etat, Elhadj Tidinane Traoré du Rpg AEC, de nombreux ministres sortants et de hauts cadres. Tandis que le chef de l’opposition est arrivé avec une importante délégation de son parti dont de nombreux députés.

En présence de nombreux invités venus de presque partout, plusieurs discours ont été prononcés. D’abord, Thierno Amadou Bah, Secrétaire général de la ligue islamique de Dinguiraye, au nom de la famille du défunt, a souhaité la bienvenue aux nombreux hôtes et expliqué la genèse et les objectifs de la Fondation Bâ Mamadou, créée pour perpétuer les idéaux de Bâ Mamadou portant sur la formation, la gouvernance locale, l’entreprenariat des jeunes et des femmes, la citoyenneté et la paix. Thierno Amadou Bah a enfin magnifié l’œuvre et la lutte qui ont marqué la vie de l’ancien Président de l’UNR et de l’UFDG.

L’année prochaine, l’UFDG commémorera l’an dix de la disparition de Bâ Mamadou

Après le représentant de la Fondation Bâ Mamadou, c’est le président de l’UFDG, héritier politique de Bâ Mamadou, qui a pris la parole. Elhadj Cellou Dalein Diallo, chef de file de l’opposition guinéenne n’a pas tari d’éloges à l’endroit de son mentor.

Tout d’abord, il a dit « ne pas être surpris de cette mobilisation. Puisque le doyen Bâ Mamadou entretenait des relations solides avec beaucoup de personnalités… Il était une valeur ! Et, voir tout ce monde- mouvance et opposition- converger sur un tel évènement le concernant le démontre… Bâ Mamadou m’aimait, il m’a mis les pieds sur l’étrier politique. Il m’a donné le parti qu’il présidait…C’est un patriote. Il a beaucoup lutté pour la démocratie dans notre pays. L’année prochaine, il aura dix ans depuis sa disparition. Nous remercions la Fondation qui a eu cette initiative. A l’occasion des 10 ans de sa disparition, l’UFDG va organiser la cérémonie », a annoncé le Président de l’UFDG.

Au nom du Chef de l’Etat, le Pr Alpha Condé et du Premier ministre Kassory Fofana, Elhadj Tidiane Traoré, a remercié tout d’abord les organisateurs avant de transmettre le message du Président de la république, « qui voulait réellement venir à cette cérémonie ; mais, qui est en déplacement ».

Pour cet ancien cadre de l’opposition, « Bâ Mamadou est un patriote, un combattant qui a lutté pour l’instauration de la démocratie en Guinée. Il n’était pas facile en 1990-91 de parler de liberté ou de démocratie devant les militaires (…) », a rappelé Elhadj Tidiane Traoré a rappelé que cette lutte a été menée par le quatuor Bâ Mamadou, Siradiou Diallo, Jean Marie Doré (tous décédés aujourd’hui) et le Président actuel, le professeur Alpha Condé, qui continue le combat.

Après avoir remis l’enveloppe dont il était porteur pour la participation à cet évènement, ce vieux compagnon de Bâ Mamadou a prêché pour la paix et la tolérance dans le pays. Puisque selon lui, « tout le monde connaît tout le monde et notre pays est assez riche pour ne pas souffrir. Ce qui exige de nous la culture de la paix et de la tolérance ».

La cérémonie marquée par la lecture de la sourate Yacine a été clôturée par le Secrétaire général des Affaires religieuses du gouvernement Youla, Elhadj Aly Jammal Bangoura.

Côté organisateurs, Elhadj Mamadou Saliou Diallo, vice-président de la Fondation et compagnon de lutte de Bâ Mamadou, s’est dit satisfait. « Nous avons réussi à réunir, au cours de cette cérémonie, toutes les familles politiques, de la mouvance à l’opposition. D’un côté, il y avait le Premier ministre, des membres du gouvernement et du Président de la majorité parlementaire ; et, de l’autre, le Chef de file de l’opposition, son président du groupe parlementaire et plusieurs députés. C’est vraiment une réussite », s’est-il félicité.

A rappeler que le doyen Bâ Mamadou, banquier de formation, est l’un des fondateurs de la Banque centrale guinéenne. De là, il est parti offrir son expertise à la Banque mondiale avant de partir en Côte d’Ivoire aux côtés du Président Houphouët Boigny et bâtir une entreprise immobilière. Jugé et condamné à mort par contumace par le régime du PDG-RDA, il est rentré au pays après le coup d’Etat du 03 avril 1984. Après quelques années au service du général Lansana Conté, il a décidé de se lancer dans le combat démocratique par des pamphlets, puis un journal privé. Ces essais concluants lui ont ouvert la voie à la création de l’Union pour la Nouvelle République (UNR), sous la bannière de laquelle il s’est porté candidat à l’élection présidentielle de 1993 et aux élections législatives de 1995. Elu député avec huit des membres de son parti, il a été porté à la tête de la Coordination de l’opposition démocratique (CODEM), avant de faire son entrée au Parlement de la CEDEAO quelques années après.

En 1998, il a fusionné son parti, l’UNR, avec le PRP de Siradiou Diallo pour former l’UPR. Il a été le candidat à la présidentielle de cette année et est venu en deuxième position après le Général Lansana Conté et avant Alpha Condé. Un scrutin d’ailleurs contesté par l’opposition de l’époque.

En 2002, Bâ Mamadou (président d’honneur de l’UPR) aura une divergence avec Siradiou Diallo (président de l’UPR) sur la participation de leur parti aux élections législatives : l’un militant pour l’aile dure de l’opposition (avec Alpha Condé et cie) qui appelait au boycott et l’autre, modéré, qui a tenu à participer au scrutin. Bâ Mamadou et ses amis ont alors créé le FRAD dont il a été porte-parole. Et, il a finalement quitté l’UPR pour rejoindre l’UFDG de Bah Oury qui lui a demandé de prendre la tête du parti.

Mais, en 2007, sous le poids de l’âge et de la maladie, le doyen Bâ Mamadou a fait appel à l’ancien Premier ministre, Cellou Dalein Dalein Diallo- qui avait divorcé avec le régime Lansana Conté deux ans plutôt- pour continuer son combat. Il a alors offert la présidence de l’UFDG à celui qui transformera ce parti en deuxième force politique de la Guinée et principal de l’opposition.

Enfin, c’est à l’âge de 79 ans qu’Elhadj Bâ Mamadou a répondu à l’Appel du Tout Puissant Allah, alors qu’il était hospitalisé à Paris, France. Il avait bénéficié des funérailles d’Etat en juin 2009. Il repose depuis dans la concession familiale à Dinguiraye.

Chez le commun des Guinéens, Bâ Mamadou est reconnu pour son haut niveau intellectuel, sa maîtrise des dossiers et son franc-parler. Un mérite pour lequel toute la classe politique, tout comme l’opinion publique, continue de regretter sa disparition prématurée, surtout par rapport à la situation politique qui prévalait.

Paix à l’âme de Bâ Mamadou, amine !

Abdallah Baldé pour Guineematin.com

Tél. : 628 08 98 45

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