Cent jours à la Primature : Kassory fait son propre bilan et annonce des perspectives

Un peu plus de trois mois après sa prise de fonction, le Premier ministre guinéen, Ibrahima Kassory Fofana, a accordé sa première grande interview aux médias d’Etat, ce jeudi 06 août 2018. L’occasion pour le chef du gouvernement de s’exprimer sur ses cent premiers jours passés à la Primature.

Pendant 2 heures de temps, Kassory Fofana est revenu sur les actions qu’il a réalisées ou qu’il a envisagées pour le développement du pays.

Guineematin.com vous propose ci-dessous ce qu’a dit le Premier ministre sur son action à la tête du gouvernement dans quelques secteurs importants.

Gestion administrative

La Guinée, sur le plan administratif, a été mal gérée depuis la révolution jusqu’aujourd’hui. Je ne suis pas en train de jeter l’opprobre sur tel ou tel régime, je suis en train seulement d’observer qu’on a du chemin à faire pour avoir une administration qui réponde aux besoins de nos populations. Comme il n’est jamais trop tard pour faire du bien, on le commence maintenant.

Dialogue social et politique

Je crois qu’il y a une amélioration d’un point de vue de la stabilité du pays. Les citoyens vaquent à leurs occupations, c’est ça l’objectif recherché. On me reproche d’être un peu dictateur, mais je me souviens en 1991 lorsque Houphouët de la Côte d’Ivoire appelais Alassane Ouattara, le président actuel du pays, il a une réflexion qui est un peu similaire à ce que j’ai dit. Il avait qu’il préfère l’injustice au désordre, c’est à ce moment-là que la loi anti-casse a été votée en Côte d’Ivoire pour faire face à tout ce climat d’instabilité ambiante qui prévalait à l’époque dans le pays.

Alors c’est la même chose en Guinée. J’ai pris comme première priorité de l’action de mon gouvernement, le dialogue social. J’ai fait le tour des Etats-majors des partis politiques pour essayer de les écouter et comprendre les problèmes, et demander qu’ils me saisissent d’un mémorandum sur les voies de sortie de crise. Ce que tous les Etats-majors, je les en remercie, ont fait. Sur cette base, on a organisé au niveau du gouvernement des consultations qui ont permis aujourd’hui à régler la crise politique.

Sécurité

La criminalité a diminué de 25 à 30% sur le trimestre. C’est une réalité. Vous le remarquerez également que la coordination entre les services de sécurité et de défense, avec des missions mixtes de contrôle, de surveillance, ce travail a permis, dans les grandes villes, de cerner les sujets de la sécurité. On est beaucoup plus en sécurité aujourd’hui qu’on l’était il y a trois mois. Ça c’est une évidence. Je ne suis pas en train de dire que tous les problèmes sont réglés, mais ce que je suis en train de dire, c’est que la tendance ou les tendances sont bonnes.

Parlant des cent jours, ce n’est pas un bilan qu’on établit, on se fait une idée des orientations, des indications pour dire que les décisions prises, les actions entreprises vont dans la bonne direction ou vont dans la mauvaise direction. Sur les sujets de sécurité, je pense que les choses se présentent plutôt bien. C’est vrai que la question d’infrastructures est une composante essentielle en matière de sécurité. Parce que si vous êtes dans une situation où il n’y a pas de routes, il n’y a pas d’électricité, où il y a des embouteillages incessants, ça ne facilite pas la résolution des problèmes de sécurité. Mais ces questions aussi sont en voie d’être réglées.

Création d’emplois

Dès ma prise de service, je suis allé à un forum en Belgique et j’en ai profité pour rencontrer l’union européenne, parce que le programme le plus important en termes de financement disponible, c’est un programme de l’union européenne de 65 millions d’euros. Ce programme va permettre d’ouvrir des opportunités à quelques 45 mille jeunes au minimum avec des effets induits qui sont estimés à plus de 200 mille jeunes.

Ce programme va démarrer dans les prochaines semaines. Nous avons également entrepris le répertoire opérationnel pour mieux connaitre les besoins et le marché ; nous avons entrepris en termes tendanciels sur le budget de l’Etat, à faire en sorte que les programmes de formation en termes de budget, atteignent les 15% d’ici 2020 entre l’éducation et la santé.

Lutte contre la corruption

La lutte contre la corruption, c’est un axe majeur de l’action du gouvernement. Les lettres de mission assignées à chaque ministre signées de ma main mettent en exergue clairement ces données par rapport à l’ensemble du gouvernement. C’est le dénominateur commun dans les missions assignées aux membres du gouvernement. Toute une batterie de mesures est en cours dans ce sens. Mais quand les gens disent, il a déjà sanctionné deux cadres accusés de corruption mais ça s’arrête là, qu’on me donne des preuves qu’il y a d’autres cas de corruption prouvés.

Ces deux cas, je les ai trouvés sur la table de mon prédécesseur, c’était des cas déjà instruits qui ont fait le cap de toutes les missions de contrôle. Donc, j’ai pris la décision, pour ne pas être dans l’arbitraire, de les limoger et de les renvoyer devant les tribunaux. A eux de prouver que ma décision n’est pas juste. Mais qu’on me dise pas, sans dossiers, il faut continuer. Nous allons renforcer les philosophies de travail des inspections et les moyens d’intervention.

Ensuite, j’ai déjà dans mon programme de travail, une série d’établissements publics qui doivent faire l’objet de contrôle systématique : contrôle de procédures, contrôle de moyens, contrôle financier. A l’issue de cela, s’il ressort qu’il y a des cas répressibles, on le fera. Et je lance un appel aux citoyens, si vous connaissez des cas de corruption prouvés, les portes de la Primature vous sont ouvertes, venez nous en saisir, nous n’hésiterons pas. Mais il y a aussi un deuxième aspect dans la lutte contre la corruption qui est tout aussi important, c’est l’aspect incitatif.

Il faut créer des conditions de valorisation des ressources humaines, tels que les gens qui gèrent la chose publique, et la capacité technique de le faire et la motivation y compris financière de pouvoir le faire. Comment pouvez-vous confier 200 milliards de gestion à quelqu’un et lui donner le salaire d’un million de francs ? Ce n’est pas possible. Alors, j’ai demandé au ministre en charge de l’emploi, de travailler sur la revue du système de rémunération pour que là aussi il y ait une adéquation entre l’effort, le sacrifice, le niveau de salaire ou d’indemnités.

Transports

Lorsque nous prenions service, il n’y avait pas de services publics de transports à Conakry. Mais aujourd’hui, je ne dirai pas que tous les problèmes sont réglés mais le train Conakry Express qui transporte de milliers de travailleurs a repris service. Et on a mis une quarantaine de bus sur l’axe Kaloum-Dabompa. Dans une dizaine de jours, le deuxième axe Hamdallaye-Dixinn sera également mis en œuvre pour une dizaine de bus. Et nous allons réparer quelques bus qu’on a trouvés dans le parc. Au total, dans les trois prochains mois, nous parlerons d’une centaine de bus dans Conakry pour essayer d’améliorer les conditions de transport dans la ville.

Logement

Nous arrivons dans une situation où il n’y a jamais d’initiatives sérieuses en termes de logements à prix abordable. Il y a des contraintes majeures en termes de logement. La première contrainte, c’est les terrains à bon marché ; la deuxième contrainte qui est la principale, c’est la contrainte financière. Aujourd’hui les deux contraintes ont un début de règlement. Le gouvernement a sécurisé plus de 35 mille hectares de terres à Conakry et dans les capitales régionales, ces terres seront mises à la disposition des promoteurs immobiliers pour entreprendre la construction des programmes d’habitat sociaux à prix modéré.

Sur ce programme, nous avons conclu une convention de financement la semaine dernière avec le système bancaire et j’espère que tout le système sera mis en place d’ici la fin de l’année. Comment cela va se passer demain ? Vous êtes fonctionnaire, parce qu’on commence par les fonctionnaires, vous aurez droit à accéder à un crédit immobilier sur 10, 15, 20 ou 25 ans. Et c’est à un taux d’intérêt de 6%. Ce taux, vous ne le trouverez nulle part dans la région.

Et ce, malgré les conditions macroéconomiques pas assez satisfaisantes en Guinée par rapport à la sous-région. Mais l’Etat va indirectement soutenir ce programme par un refinancement de la Banque centrale, du système de crédit alloué par les Banques primaires à 2% de refinancement. Ce qui permet au système primaire de prêter aux fonctionnaires à 6% sur une période de 10 à 25 ans. Donc à partir du début de l’année prochaine, je l’espère, ce programme sera en marche.

Assainissement

Le gouvernement en a fait son cheval de bataille, mais il y a deux perspectives qu’il faut regarder. La perspective à court terme. Parce que nous avons pris fonction dans des conditions où Conakry, la vitrine guinéenne, était dans un tel état d’insalubrité que ça devenait préoccupant. Préoccupant même du point de vue de la santé des populations. Nous étions à l’approche des grandes pluies, il fallait faire quelque chose pour éviter que les épidémies ne nous rattrapent en 2018. Dieu merci, les mesures prises, même elles ne règlent pas structurellement le problème, ont permis d’éviter les grandes épidémies.

D’où l’idée de mettre beaucoup d’argent, parce que figurez-vous, on a sorti plus de 40 mille tonnes d’ordures de Conakry. C’est beaucoup d’argent. Nous avons aussi décidé de consacrer le dernier samedi de chaque mois à l’assainissement. Ce n’est pas une action spectaculaire, mais c’est un symbole. Parce que le problème d’assainissement, le problème hygiénique, c’est un problème comportemental. Il faut créer chez le guinéen le réflexe de citoyen pour ne pas salir la chaussée, pour faire à ces obligations d’abord de citoyen, nettoyer autour de soi. Ça c’est important.

Donc ces actions symboliques ont permis de limiter les dégâts. Mais la solution structurelle, elle existe, elle est financée. Ça je peux me permettre de l’annoncer. A la fin de l’année, nous aurons un opérateur technique qui va être choisi, les équipements seront achetés. Ce qui va permettre à la Guinée, de s’attaquer de manière durable et pérenne à cette situation. Nous avons l’engagement financier de la communauté européenne et de la Banque Islamique de Développement donc 54 millions de dollars consacrés à cette situation.

Argent qui sera dépensé sur l’achat des équipements, sur la rémunération des réparateurs qui seront chargés de faire ça, sur l’aménagement de la décharge de la minière et sur l’aménagement d’une nouvelle décharge, parce que celle de la minière a atteint ses limites. Je profite d’ailleurs de l’occasion pour demander aux populations de Dar es-salam de bien vouloir déménager, il y a de leur sécurité. On ne peut pas attendre parce qu’en cas d’éboulement, c’est des pertes des vies humaines comme on en a connu il y a deux ans. La décharge de la minière est devenue dangereuse pour cohabiter avec les populations. Donc il y a une solution pérenne qui pointe à l’horizon. C’est en fin d’année ou au plus tard en début d’année prochaine que le système sera mis en place.

Propos recueillis par Alpha Fafaya Diallo pour Guineematin.com

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