C’est avec le slogan « tous ensemble contre l’excision et les mariages précoces/forcés », que le centre international de recherche et de documentation (CIRD) a lancé hier, Jeudi 06 Septembre 2018, les activités de son ciné-débat dans la salle polyvalente de la maison des jeunes de Mamou.
Cette rencontre d’échange et de sensibilisation pour la lutte contre les mutilations génitales féminines et les mariages précoces et/ou forcés a été l’occasion pour le CIRD de projeter des films sur l’excision et le mariage forcé, mais aussi de donner la parole aux participants (en majorité des jeunes filles) pour s’exprimer librement sur ces problématiques et réfléchir sur des propositions de solution pour endiguer ces « fléaux aux conséquences désastreuses », rapporte un des correspondants de Guineematin.com à Mamou.
Dans son exposé, Docteur Abdourahamane Diallo, le chargé de l’hygiène et de la nutrition à la direction préfectorale de la santé (DPS) de Mamou est largement revenu sur les conséquences liées au mariage précoce. Des conséquences qui, selon lui, vont de l’abus sexuel jusqu’aux complications pour la santé, notamment les grossesses précoces, les fistules obstétricales, la dyspareunie, le dysfonctionnement sexuel en passant par les violences domestiques.
S’agissant de l’excision, Dr. Abdourahamane Diallo a plaidé pour l’arrêt systématique de cette pratique qui entraîne des graves conséquences physiques, psychiques et sociales.
« Si une fille n’est pas excisée qu’est-ce qui va lui arriver ? Rien. Par contre l’excision provoque assez de problèmes chez la fille. Les conséquences immédiates sont les douleurs pendant cette opération. Des douleurs insupportables qu’on n’oubliera jamais dans la vie. Ensuite, ce sont les hémorragies parce qu’on coupe un organe qui contient des vaisseaux sanguins. Ces hémorragies peuvent provoquer des états de chocs hémorragiques, des pertes de connaissance et de tonicité musculaire qui parfois entraînent la mort. Et, si la fille ne meurt pas au cours de l’excision, elle a des séquelles à vie. Des séquelles irréversibles comme les fistules vésico-vaginales et recto-vaginales. C’est-à-dire que la femme perd involontairement les urines ou les sels. Il y a aussi la dyspareunie, le dysfonctionnement sexuel, les difficultés menstruelles qui se manifestent par des règles douloureuses et une accumulation de sang dans le vagin. Egalement, nous avons la formation de calculs dans le vagin, les kystes et abcès de la vulve, les chéloïdes, les infections pelviennes, la stérilité…Avec tous ces problèmes, la femme est rejetée par sa communauté. Elle se voit marginalisée et elle n’éprouve plus de considération pour elle-même. Parfois, cela entraîne des suicides », a expliqué Dr. Abdourahamane Diallo.
De son côté, monsieur Amadou Lamarana Diallo, chercheur au CIRD, a rappelé que la Guinée est l’un des 28 pays où le taux de prévalence de l’excision est le plus élevé au monde.
« Depuis les années 80, on sensibilise sur les méfaits des mariages précoces et les mutilations génitales féminines. Mais, on a constaté par des enquêtes de démographie et de santé qu’il n’y a eu aucun changement. En ce qui concerne l’excision, en 2012, on était à 97% ; et, en 2016, on était aussi 97%. Ça veut dire que le taux de prévalence ne bouge pas. Et, la Guinée fait parti des 28 pays au monde où ce taux est le plus fort. En Guinée, la région de Mamou fait parti des régions où on constate un taux de prévalence de 99% ; c’est-à-dire, la quasi-totalité des femmes. Les gens ont trouvé des astuces de ne plus habiller les filles selon les rites initiatiques. Maintenant, on les habille normalement, on les cache et on continue l’excision, malgré les conséquences néfastes de cette pratique », a indiqué Amadou Lamarana Diallo.
Parlant des mariages précoces et/ou forcés, Amadou Lamarana Diallo n’est allé du dos de la cuillère : « tout le monde sait qu’une fille qui est amenée chez un mari qu’elle n’aime pas est séquestrée. Elle est violée par un homme qu’elle ne considère pas. Et, ça devient pour elle une torture éternelle », a-t-il dit.
Abordant dans le même sens, Boubacar Barry, le secrétaire général changé des collectivités décentralisées de Mamou, a fustigé le comportement des parents qui ne tiennent pas compte de l’âge et du consentement de leurs filles pour leur donner en mariage. En guise d’exemple, monsieur Barry a révélé à l’assistance l’histoire tragique d’une jeune fille de 14 ans qui a été ligotée et ébouillantée par sa mère qui voulait à tout prix lui donner en mariage à un homme qu’elle n’aimait pas.
« Il y a une dame de Tégueréyah (une sous-préfecture de Mamou) qui voulait donner sa fille de 14 ans en mariage. Comme cette dernière a dit qu’elle refuse, sa maman l’a ligotée et a versé de l’eau chaude sur son corps. La fille est venue ici (à l’hôpital régional de Mamou) ; mais, on était obligé de l’envoyer à Conakry. Maintenant, elle est revenue à Mamou. Mais, aujourd’hui, elle ne peut plus rien faire. Ses mains sont complètement gâtées. Elle est devenue une handicapée à vie. Si vous la voyez aujourd’hui, vous aurez les larmes aux yeux », a entre autre expliqué Boubacar Barry, visiblement très attristé par la situation actuelle de cette jeune fille.
A noter que ce ciné-débat grand public a pris fin par la formation d’un groupe de dialogue communautaire qui doit réfléchir sur des propositions de solutions pour endiguer l’excision et les mariages précoces/forcés en Guinée en général et à Mamou en particulier.
De Mamou, Keïta Mamadou Baïlo pour Guineematin.com