Guinée : l’heure de vérité a sonné

Lamarana-Petty DIALLO

Libre Opinion : Depuis l’annonce de la destitution, en violation de la loi, du président de la Cour Constitutionnelle, M. Kéléfa Sall, la Guinée s’enlise dans la crise. Un climat de désordre s’est installé. La tension entre pouvoir, société civile, partis politiques et syndicats est au paroxysme. L’arbitraire atteint des sommets himalayens. Le tout à la date anniversaire des 60 ans d’indépendance de notre pays.

Pourtant, on n’est pas sénile à 60 ans. La nation guinéenne est encore jeune. Elle n’est atteinte ni de sénilité encore moins d’Alzheimer…

Qu’ont-ils donc ? Qu’est-ce qui a pris les hommes au pouvoir de vouloir souiller une fois de plus notre indépendance ? Est-ce dire que septembre 2008 ne leur aurait pas suffi ? Faut-il tenter encore le diable en foulant au sol la constitution guinéenne, fondement de la République par la destitution arbitraire du président de la Cour Constitutionnelle, fidèle gardien de la loi durant les neuf ans qui lui sont impartis ?

Les dirigeants actuels, le premier d’entre-eux, pensent-ils que les Guinéens se sont libérés de la colonisation étrangère pour être soumis à celle de leurs propres frères ? Si tel était le cas, il est encore grand temps qu’ils s’avisent et comprennent qu’ils se sont trompés.

Il n’est jamais tard pour la paix. Il n’est point de honte à reculer de soi-même quand l’action entreprise engage la vie de la nation, des citoyens et de l’Etat. Il est encore temps, disais-je, car rien ne va plus en Guinée. Les dés sont jetés par la faute d’une poignée d’illuminés ; mais, le match est loin d’être fini. Il vient à peine de s’annoncer.

Le top départ n’est pas donné. Il reste quelques heures pour que la paix, une paix des braves s’installe. Cela seule qui empêcherait de braver, d’outrepasser l’interdiction faite à la société civile, aux partis politiques de l’opposition et aux syndicaux de manifester.

Cette éviction de M. Kèlèfa Sall risque d’être le coup d’envoi d’une confrontation entre le système en place et les défenseurs de la démocratie. Ceux-ci, réunis sous la bannière du « Balai Citoyen » et des organisations évoquées plus haut, appellent les Guinéens à se mobiliser pour dénoncer le putsch orchestré contre le président de la Cour Constitutionnelle. Et, en même temps le rétablir dans ses fonctions.

Aujourd’hui, les appels à la mobilisation fusent de toutes parts. Il faudrait remonter en 2008 pour trouver les mêmes échos. Les situations sont quasiment identiques. En effet, par sa volonté de se présenter aux élections présidentielles, Moussa Dadis Camara, chef de la junte au pouvoir avait voulu défier le peuple de Guinée. Il avait sûrement oublié que qui défit un Général ne saurait obtempérer à un capitaine. On connait la fin du match.

Le même scénario se répète. Si les intentions qu’on lui prêtes sont fondées, on peut dire que le président guinéen actuel veut jouer au Dadis. Avec plus de subtilité bien sûr. Age et expériences obligent.

La stratégie serait d’écarter l’obstacle, Kéléfa Sall, adversaire du troisième mandat par une destitution interne. Si ce premier ballon d’essai passe, on actionne le suivant.

A savoir recevoir les procès-verbaux de la soi-disant destitution de M. Sall, et ceux de la désignation de son remplaçant Mohamed Lamine Bangoura, entériné dans la foulée le vote des huit conseillers frondeurs (encore qu’il est bien gentil de les appeler ainsi car en politique le mot traître convient mieux) par un décret.

La fête des 60 ans d’indépendance est justement bien indiquée pour occuper les esprits, le temps que passe la tempête. Naturellement, le principal intéressé, détenteur du décret de nomination garde, entre-temps le silence. C’est ce que nous observons actuellement car aucun mot n’est venu du sommet (sic). Tout est dit et fait par les huit conseilleurs car « Ponce Pilate n’a jamais connu Judas » veut on faire croire aux Guinéens.

Mais, la stratégie tout comme le scénario ne semblent marcher. Les Guinéens ont pris conscience qu’ils ont avalé trop de scorpions et de couleuvres. Fort de leur capacité de tout gober, le pouvoir leur présente maintenant des boas. Ils se disent majoritairement, ça suffit.

Si ce coup de force passe, plus rien ne résistera au pouvoir en place. Rien ne pourra arrêter la machine du troisième mandat. Les acteurs de tout bord en ont conscience.

L’heure tant du choix que de la vérité est donc arrivée. Soit le pouvoir réalise son dessein. Dans ce cas, à l’enfer démocratie, alternance, partis d’opposition, mouvements citoyens, syndicats, etc. Ce sera vive Fama qui aura, comme il l’a promis, ramené « la Guinée là où Sékou Touré la laissée ».

Le jour se lève avec plein d’interrogations. Ces dernières peuvent se transformer en espoir si le système en place, toute raison gardée, pense au peuple de Guinée. Au cas contraire, l’épreuve de force est inévitable. Et, quand un peuple se mobilise, rien ne peut lui résister.

La crise créée à la Cour Constitutionnelle risque de déboucher sur la fin de la démocratie, des libertés fondamentales, de l’Etat de droit et le règne de l’anarchie et de la dictature ; la fin de l’opposition et de tout espoir d’alternance en 2020 et pour longtemps…

Face à ces défis et enjeux, aucun Guinéen, défenseur de la loi, de la constitution, de la démocratie ne peut rester indifférent. Nous devons nous mobiliser comme dans le passé de Conakry à Cotonou, de New-York à Ndjamena, de N’Zérékoré à Luanda, de Pita à Paris, de Dakar à Dubréka, de Kankan à Montréal pour défendre la République, dénoncer l’arbitraire et la violence.

Quand la loi est bafouée, la nation en danger, le devoir nous incombe de nous lever comme un seul homme pour restaurer la paix et la démocratie.

Vive la Guinée, une et indivisible.

Par Lamarana-Petty DIALLO

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