Tir sur le véhicule de Cellou Dalein : « C’est un acte qui ne doit pas rester impuni », Dansa Kourouma

Dansa Kourouma, président du conseil national des organisations de la société civile

Les voix continuent de s’élever pour dénoncer l’attaque perpétrée contre le véhicule de Cellou Dalein Diallo, le mardi 23 octobre 2018 à Conakry. La voiture dans laquelle se trouvaient le chef de file de l’opposition guinéenne et d’autres leaders de l’opposition républicaine, a reçu une balle qui n’a heureusement pas fait de victime.

Au lendemain cet acte qualifié de « tentative d’assassinat contre Cellou Dalein Diallo » par les opposants, plusieurs personnalités dont des activistes de la société de la société civile se sont rendus au domicile du président de l’UFDG situé dans le quartier Dixinn. Parmi eux, Dr Dansa Kourouma, le président du Conseil National des Organisations de la Société Civile Guinéenne (CNOSCG). L’activiste de la société civile dénonce « une bavure ignoble » et exige la vérité et la justice sur cette affaire.

Décryptage !

Le chef de file de l’opposition guinéenne a été victime vraisemblablement d’une tentative d’assassinat hier alors qu’il tentait de se rendre, avec d’autres opposants, sur l’autoroute Fidel Castro pour tenter de tenir leur manifestation interdite par les autorités. Au lendemain de cet événement qui suscite beaucoup de bruit tant en Guinée qu’à l’étranger, vous êtes venus au domicile de Cellou Dalein Diallo. Quel est l’objet de votre présence ici ?

Dr Dansa Kourouma : d’abord, c’est un acte de soutien et de solidarité envers un homme, qui par le combat politique, défend l’aspiration d’une bonne partie de nos concitoyens. Par conséquent, étant chef de file de l’opposition, cela veut dire qu’il jouit d’une protection de la loi et les garanties dans l’exercice de son droit d’être opposant ; mais aussi, d’incarner le chef de file de l’opposition.

Ensuite, c’est une bavure policière comme on aime souvent à le dire. Le procureur l’a dit d’ailleurs dans sa déclaration, il l’a qualifié de dérapage. Cela veut dire que quand il y a dérapage, l’autorité publique a l’obligation de situer les responsabilités, de savoir pourquoi, comment et qui sont à la base de cette bavure, et que les coupables soient présentés devant la justice pour que l’opinion nationale et internationale soit informée de ce qu’ils ont fait.

Le manque de justice est à la base des conflits qui sont en Guinée. C’est parce qu’on ne rend pas justice que les Guinéens ne s’entendent pas. Si la justice était capable de situer les responsabilités surtout ce qui se passe dans notre pays, il y aurait moins de suspicions entre les citoyens.

En tant que responsable de la société civile, est-ce que vous avez un message à l’endroit des autorités suite à cet événement malheureux ?

Dr Dansa Kourouma : le procureur a l’obligation, c’est un magistrat de profession qui a plusieurs années de carrière, il a une obligation de montrer à ses enfants qu’il est un cadre exemplaire. Il a l’obligation de montrer à sa progéniture qu’il est un homme de conviction, qu’il est capable d’enquêter, de rendre justice et faire respecter la loi. A défaut, il tombe dans une situation d’incrédibilité qui est irréversible.

Une fois encore, nous exigeons une enquête avant de se prononcer sur une tentative d’assassinat ou de meurtre. L’enquête judiciaire, c’est à elle seule de situer la responsabilité sur le type d’acte qui a été perpétré. Le reste devient des commentaires parfois fallacieux. C’est pourquoi nous exigeons une enquête. Certains vont croire qu’exiger une enquête est un désespoir ; mais, non ! Aujourd’hui, quand deux personnes sont en conflit et que ce n’est pas clair, seule l’enquête et la justice peuvent situer pour savoir ce qui s’est passé.

Au-delà de cela, il ne peut pas y avoir ces dérapages sans des commanditaires, il faut qu’on sache qui les a commandités. Une fois encore, en tant que membre de la société civile guinéenne, je présente toute ma compassion au chef de file de l’opposition, au parti UFDG et à toute la classe politique, notamment l’opposition républicaine. C’est un acte qui ne doit pas rester impuni et nous veillerons pour que l’enquête soit menée dans la diligence, dans le professionnalisme et que le sort réservé à ceux qui ont commis cet acte soit connu.

En revanche, je viens aussi en tant que citoyen guinéen qui a des relations et des bonnes relations avec le chef de file de l’opposition. Au-delà d’être acteur de la société civile, c’est une personne avec qui, j’ai des relations personnelles. C’est une obligation pour moi de partager sa peine et de lui prodiguer des conseils : son discours doit être différent de mon discours et de votre discours. Il y a près de 50% de nos concitoyens qui sont derrière lui. Cela veut dire que ce n’est pas un guinéen ordinaire.

Il doit prendre de la hauteur, véhiculer un message qui puisse garantir la stabilité dans notre pays. Le discours qu’il va tenir est très déterminant dans le reste du processus. Donc, je le suggérerais de prendre de la hauteur. S’il a pu échapper à cela, c’est grâce à Dieu, nous devons rendre hommage à ce Dieu. Ce n’est pas sa force et ce n’est pas aussi l’incompétence de ceux qui ont tiré ; mais, c’est parce que Dieu a voulu qu’il soit sauvé. En tant que croyant, il doit s’en remettre à la volonté de Dieu, il n’y a pas de vengeance à faire.

C’est celle de Dieu qui est définitive et c’est elle qui est infaillible. Une fois encore, on ne peut pas prétendre diriger un pays sans traverser des épreuves de ce genre. Notre manière de nous tenir face à cette épreuve, c’est cette récompense que Dieu peut nous donner. Une fois encore, c’est une bavure ignoble et regrettable pour notre pays et pour notre démocratie. Les Guinéens se sont spécialisés dans la violence politique et il faut que ça cesse.

On ne peut pas continuer à être parmi les premières nations à montrer le chemin de l’indépendance et être derrière quand il s’agit de l’exercice des règles démocratiques. C’est la justice qui doit s’exprimer. Au-delà de la solidarité et des dénonciations, nous nous exigeons une justice. Cette fois-ci, nous regardons le procureur dans le viseur. Il faut que le rapport de cette enquête soit connu, que les auteurs soient interpellés et traduits devant les juridictions de notre pays. Le procureur a l’obligation de poser sa marque.

Vous savez, l’un des grands problèmes de la Guinée, c’est l’intégrité. Quand on est un haut cadre de l’Etat, on est aussi préoccupé par les actes qu’on veut poser et leurs répercussions sur notre descendance. C’est plus important que ce que nous vivons aujourd’hui. Le procureur doit monter aujourd’hui qu’il est un magistrat convaincu, intègre et honnête. Le rapport de cette enquête est un élément important pour la stabilité.

Et, il faudrait bien que cette enquête aboutisse. Ce que je veux garantir, ce que nous veillerons pour que cette enquête soit la plus diligente possible. Ce n’est pas parce que les autres qui sont morts sont morts pour rien ; mais, c’est parce qu’on a touché à une personne pour la cause de laquelle, ces personnes sont mortes. Donc, ce n’est pas le même degré d’importance et d’intérêt qu’on va accorder à cette enquête.

D’emblée, on ne peut pas juger d’avance. On ne peut pas dire si c’est un policier qui a tiré ou bien si c’est un gendarme. Ça peut être aussi un sniper camouflé quelque part qui cherche à ce que ce pays s’embrase. Donc, l’enquête permettra de savoir celui qui a tiré, est-ce que c’est un homme en uniforme ou c’est une autre personne qui a été payée pour le faire ou bien c’est un acte isolé. C’est ça l’objet de l’enquête.

En tout cas, moi je suis très déçu que dans mon pays, que les Guinéens meurent lors des manifestations et que l’on soit incapable de situer les responsabilités. C’est une honte pour moi-même en tant que guinéen.

Propos recueillis par Alpha Assia Baldé pour Guineematin.com

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