Damaro Camara à Abdoulaye Bah : « un maire installé dans sa concession, son hôtel de ville, c’est la prison »

Amadou Damaro Camara

La Guinée vit depuis quelques semaines une crise sociopolitique qui a entraîné des violences et même des morts d’hommes à Conakry et à l’intérieur du pays d’une part, et qui paralyse le secteur éducatif d’autre part. Il s’agit des problèmes liés à la mise en place des exécutifs des conseils communaux et de la grève des enseignants déclenchée le jour même de la rentrée scolaire en Guinée.

Comment la mouvance présidentielle appréhende cette crise multidimensionnelle qui secoue notre pays ? Que fait-elle pour désamorcer cette situation ? Pour en parler, un reporter de Guineematin.com est allé à la rencontre de l’honorable Amadou Damaro Camara, président du groupe parlementaire de la mouvance présidentielle à l’Assemblée nationale.

Décryptage !

Guineematin.com : le RPG arc-en-ciel voulait organiser une manifestation demain mercredi à Conakry pour réaffirmer son soutien au président de la République et à son gouvernement. Mais, on apprend que les communes concernées ont interdit cette manifestation. Quelle est votre réaction face à cette interdiction ?

Amadou Damaro Camara : je crois que c’était à la demande des sections et sous-sections notamment ici à Conakry qui ont apparemment assez que l’opposition soit seule dans la rue et à toutes les occasions. Ils ont demandé s’ils ne vont pas manifester leur soutien au président de la République. J’avoue que le bureau politique leur a donnés raison et a pris la décision d’organiser cette manifestation. Bon, pas à notre grand étonnement, les communes auxquelles la note a été adressée ont répondu par la négation en invoquant les réels risques d’affrontement entre les éléments de l’opposition et nos marcheurs. Et donc, les communes ont dit qu’avec ce risque, ce n’était pas la peine que cette marche ait lieu.

Guineematin.com : mais, avant même l’annonce de cette interdiction, certains, comme l’honorable Fodé Oussou Fofana, avaient déjà dénoncé une technique communiste de la part du RPG Arc-en-ciel et qui permettrait aux autorités de dire que même le parti au pouvoir a été interdit de manifester. Que répondez-vous aux gens qui pensent ainsi ?

Amadou Damaro Camara : oui savez, il aime parler souvent des pays communistes, il n’en a connu aucun dans sa vie. Moi, j’ai étudié dans un pays communiste, j’ai travaillé dans un pays capitaliste et j’ai vécu dans un pays totalement capitaliste comme les Etats-Unis. J’ai la possibilité de savoir c’est quoi un pays communiste, c’est quoi un pays socialiste, c’est quoi un pays totalement capitaliste. Monsieur Fodé Oussou n’en a aucune idée, c’est quoi un pays communiste, je ne crois même pas s’il a traversé même une fois un pays communiste dans sa vie. Et, c’est sûr qu’il n’a pas appris en économie politique c’est quoi un pays communiste.

Guineematin.com : mais, il n’est pas le seul à penser que le RPG Arc-en-ciel ne voulait pas réellement manifester et qu’il voulait juste que sa marche soit interdite pour qu’on dise que même le parti au pouvoir n’a pas été autorisée à manifester.

Amadou Damaro Camara : mais ils sont libres de penser comme ils veulent. Je ne sais pas pourquoi on va faire ce théâtre. C’est qui est sûr, c’est que nous ne sommes pas l’Etat, nous ne sommes pas l’exécutif. C’est qui est sûr, ce qu’il arrive souvent que le président de la République soit mis en minorité par le parti RPG. Il y en qui lui disent, nous ne sommes pas d’accord.

Guineematin.com : à votre avis, quelle était l’opportunité d’une telle manifestation ?

Amadou Damaro Camara : c’est pour démentir un peu la grande communication mensongère, propagandiste de l’opposition qui croit que le président de la République aujourd’hui est totalement isolé du reste de la Guinée. On voulait juste leur montrer qu’à côté du président de la République, il y a une majorité qui soutient le président de la République. Et, moi j’aurais suggéré aux communes de nous laisser une journée, de laisser aussi une journée à l’opposition pour voir est-ce qu’il y a un désamour entre la population guinéenne et le président de la République ou pas. Ce serait facile de savoir.

Guineematin.com : on va aborder un autre sujet qui n’est autre que la crise qui secoue le secteur éducatif guinéen. Hier, vous et d’autres députés avez rencontré les responsables du SLECG pour tenter de désamorcer cette crise. Mais, on apprend que cette rencontre n’a pas porté fruit. C’est quoi le véritable point d’achoppement ?

Amadou Damaro Camara : il n’y a pas de point d’achoppement, nous ne sommes pas le gouvernement. Si vous voulez, c’était des personnes de bonne volonté qui ont voulu approcher le SLECG. La première question que nous avons posée au SLECG, c’était de savoir qu’est-ce qu’on peut faire ensemble ? Et, nous leur avons fait des propositions, j’avoue qui ont été très mal interprétées à la base, qui ont été extrapolées dans la presse. Alors que pour un début, nous leur avons dit de rester anonymes. Nous ne sommes pas allés au nom du gouvernement, moi je ne suis pas allé au nom de l’Assemblée nationale.

De quoi s’agissait-t-il ? Nous avons demandé au SLECG, sur les 48 mille enseignants, il y a au-moins une bonne dizaine de milliers qui ne sont pas enseignants, mais qui ont atteint la fonction publique avec le statut d’enseignants. Ils prennent des primes que je considère indûment. Nous leur avons dit, retournez en classes, qu’il y ait une commission mise en place par le Premier ministre, vous allez vous joindre à cette commission, nous allons apporter notre caution à cette commission pour que nous puissions faire un premier tri qui ne peut pas se faire si les fonctionnaires ne sont pas en classes.

Nous sommes maintenant en session budgétaire, il y a un salaire prévu pour les 48 mille enseignants dans le budget de 2018. Mais, peut-être qu’en nettoyant le fichier, nous pouvons aboutir à économiser un certain montant qui était jusque-là indûment perçu. Pour le budget 2019, on pouvait éventuellement redistribuer une partie de cette économie, même sous forme d’un treizième mois de salaire par exemple. Ça ne pouvait pas continuer d’année en année pour la simple raison que si on détecte des fictifs cette année, sur le budget de 2020 ce n’est pas prévu, donc il n’y aura pas autant d’argent.

Mais, nous avons aussi proposé, premièrement des primes, qu’ensemble on décide de la domiciliation de ces primes au niveau le plus proche du lieu d’enseignement, telle qu’une mairie. Une mairie d’une commune rurale, on connait bien quelles sont les écoles sur son territoire et quels sont les enseignants qui sont là-bas. Et désormais, on a voulu leur proposer qu’on ait une prime à Conakry différente de celles des préfectures, et rehausser plus les primes dans les sous-préfectures. C’était des propositions comme ça qui n’étaient pas des solutions ponctuelles, mais des solutions beaucoup plus pérennes qu’on aurait dû faire ensemble.

Mais pour eux, il fallait faire d’abord une proposition sur les huit millions sinon ils ne peuvent pas se retourner à la base pour leur dire de retourner en classes. Mais, nous avons été très clairs avec eux, la règle budgétaire dans tout pays, c’est que le 20 novembre prochain, la chaine des dépenses s’arrête. Quiconque leur dira qu’ils peuvent être payés en novembre, en décembre, dans le budget de 2018, leur aurait mentis. Ce n’est pas parce qu’on ne les aime pas ou parce qu’on veut leur faire du mal, c’est parce que c’est totalement impossible.

Ils ont rétorqué non, il y a eu la loi de finances rectificative, nous leur avons dit oui, il y a eu la loi de finances rectificative mais c’est parce qu’il y a eu la baisse des recettes qu’il y a eu cette loi de finances rectificative au mois de septembre. C’est pour autoriser l’exécutif à réadapter le budget initial que nous avons déjà voté en décembre de l’année dernière. Bon, ils ont refusé, mais on n’a pas raccroché, on reste toujours à leur disposition.

Guineematin.com : certains estiment que le gouvernement a très mal géré cette crise en adoptant une attitude de fermeté face aux grévistes. Est-ce que c’est votre avis aussi ?

Amadou Damaro Camara : il y a que l’année dernière, on a fait une augmentation de 40%. Moins d’un an après, on demande 400% d’augmentation du salaire de base. Vous-mêmes jugez le réalisme ! Dans quel pays du monde on peut avoir 400% d’augmentation de salaire en une fois ?

Guineematin.com : mais honorable, aujourd’hui c’est le statu quo, les cours sont toujours perturbés par endroits aussi bien à Conakry qu’à l’intérieur du pays. La situation perdure et chacun des deux camps : gouvernement et SLECG campe sur sa position. Que faut-il faire selon vous pour mettre fin à cette crise qui n’a que trop duré ?

Amadou Damaro Camara : c’est de la responsabilité de tout le monde, des parents d’élèves, du gouvernement et des syndicats. Il y a ce qu’on appelle la responsabilité syndicale.

Guineematin.com : vous pensez donc que la revendication du SLECG est irréaliste ?

Amadou Damaro Camara : eux-mêmes savent que ce n’est pas possible. Ce n’est pas qu’ils n’ont pas besoin, ça ne suffit même pas pour leurs besoins. Mais l’Etat n’a pas les moyens de les payer, ça fait 800 euros comme salaire de base, ça n’existe nulle part dans la sous-région.

Guineematin.com : on va reparler de la situation politique avec l’installation de maires parallèles à Kindia et à Kalinko dans Dinguiraye par l’UFDG. Avez-vous une réaction là-dessus ?

Amadou Damaro Camara : un maire installé dans sa concession, son hôtel de ville c’est la prison. Le maire élu va à l’hôtel de ville, un maire qui s’autoproclame dans sa concession, a un autre hôtel de ville qui est la prison, et Kindia a une très belle prison.

Guineematin.com : nous sommes au terme de cette interview, avez-vous un dernier mot à placer ?

Amadou Damaro Camara : il faut que les Guinéens comprennent que le pays est en danger, c’est notre richesse à nous tous. Et, nous devons tout faire pour la préserver. C’est mon message à tout le monde.

Interview réalisée par Ibrahima Sory Diallo pour Guineematin.com

Tél. : (00224) 621 09 08 18

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