Aide-mémoire à l’attention de Monsieur le Premier Ministre/Chef du Gouvernement

La Cellule du Balai Citoyen dans sa mission de veille, d’alerte, d’interpellation et de propositions voudrait attirer votre attention sur ses vives préoccupations sur la conduite de notre nation dont vous assumer une responsabilité importante.

Monsieur le Premier Ministre, votre nomination sans surprise d’ailleurs pour des observateurs de la scène politique, au poste de Chef du Gouvernement pour mettre en œuvre la politique du Président de la République, a eu lieu dans un contexte de tensions politiques et sociales, qui d’une façon ou d’une autre ne cesse d’affecter le fonctionnement des activités de bien de secteurs.

Ces tensions politiques faites de manifestations de rue pour contester la violation des accords politiques des élections locales du 04 février 2018 mais aussi pour des revendications sociales, avec leur lot de morts et de destructions de biens publics et privés, ne laissent pas indemne l’image de notre pays déjà encornée par la mal gouvernance depuis des décennies. L’interdiction par votre gouvernement de toute manifestation à caractère social et politique et l’installation des postes d’appui (PA) sur le long de l’autoroute le prince constituent des violations flagrantes et systématiques des droits humains.

Votre nomination est intervenue dans un contexte d’interrogations relativement au mutisme du Président de la République sur les intentions qui lui sont prêtées de vouloir lever le verrou constitutionnel limitant le nombre de mandats présidentiels à deux malgré la clarté de notre constitution sur cette disposition.

Votre décision de fondre votre parti politique dans le parti au pouvoir, le RPG, à deux ans de la fin du dernier mandat présidentiel en cours de l’actuel locataire de Sekoutouréya, pourrait prêter à équivoque.

Les attentes des citoyens de ce pays aux ressources naturelles énormes mais parmi les plus pauvres de la planète, sont nombreuses, très nombreuses.

Sur le plan politique, la Guinée reste toujours coincée dans un tourbillon de crises cycliques dues pour l’essentiel à l’inobservation du calendrier républicain, l’irrespect des accords politiques à foisonnement, l’opacité des processus électoraux, l’ethnicisation de la politique et de la gestion des affaires de l’Etat, l’affaiblissement et la chosification des institutions de régulation de l’action publique, la prolifération des propos d’incitation à la haine ethnique, la violence etc.

Du point de vue de la gouvernance, la Guinée reste aux derniers rangs dans les classements des organisations internationales y afférentes. Des Guinéens sont poursuivis, jugés et condamnés pour corruption dans des pays occidentaux, alors qu’à l’interne, l’impunité continue de faire lésion en dépit des dénonciations par des acteurs locaux comme des médias étrangers, des cas de corruption touchant de plus proches collaborateurs du Chef de l’Etat.

En outre, Monsieur le Premier ministre, malgré nos multiples interpellations dans notre dernière correspondance, nous voudrions vous tenir informé que les dispositions de l’article 36 de la Constitution relative à la déclaration écrite sur l’honneur des biens des hautes personnalités de l’Etat n’ont pas été respectées par certains ministres de votre gouvernement, des responsables de régies financières et certains présidents des institutions constitutionnelles ni dans le délai, ni dans les actes. Il vous appartient également de tout mettre en œuvre afin que ces hautes personnalités concernées par cette disposition soient soumises au respect de cette obligation constitutionnelle à défaut de démissionner de leurs postes respectifs, au cas contraire, elles s’exposent à des poursuites judiciaires car la loi est faite pour tous.

C’est dans la même veine que vous devriez vous évertuer à rendre effective et en toutes circonstances, l’obligation de rendre compte.

La Guinée est encore loin des standards internationaux et régionaux en matière de respect des droits de l’Homme et de l’état de droit.

La tenue du procès du massacre du 28 septembre 2009 est toujours soumise à des rafistolages mineurs.

L’identification des auteurs victimes des violences politiques et leur indemnisation tel que inscrites dans les Accords Politiques de 2013, 2015 et 2016 balbutient toujours.

Les réformes des secteurs de la justice et de sécurité n’ont pas encore atteint leur vitesse de croisière et ont plus que jamais besoin d’être oxygénées.

La série de kidnapping de nos concitoyens est pour rappeler les nombreux défis sécuritaires auxquels notre pays doit faire face dans un contexte régional caractérisé par les menaces à la paix, qui n’épargnent aucun pays.

Sur le plan socio-économique, les guinéens s’enlisent dans la paupérisation.

Cet état de fait continue de pousser les jeunes de ce pays à emprunter les chemins de l’aventure meurtrière. Les jeunes guinéens grossissent les rangs des migrants clandestins au sort peu reluisant pour l’image de l’Afrique et de notre cher pays au niveau international.

L’accès minimal aux services sociaux de base reste toujours un luxe pour des millions de guinéens, contraints à toujours protester pour avoir de l’électricité et de l’eau potable.

Les nombreux dégâts matériels et les pertes en vies humaines consécutifs aux revendications pour l’électricité, ces deux dernières années notamment en Basse Côte, sont une parfaite illustration de l’état piteux de l’accès des guinéens aux services sociaux de base.

La liste des maux qui gangrènent notre pays dans les secteurs susmentionnés devrait être le chantier de tout gouvernant investi de la seule mission républicaine de s’inscrire dans les méandres de l’intérêt supérieur de la nation.

La politisation à outrance de l’action gouvernementale, les fuites en avant devant les défis, la partialité dans la prise de décisions, la satisfaction des besoins d’un clientélisme politique et/ou communautariste, vont toujours produire les mêmes effets : l’immobilisme de l’action publique, les crises politiques, institutionnelles et sociales à répétition et les annonces de grands remaniements ministériels sans grandes alternatives.

Puisse Allah, en cette fin d’année du calendrier grégorien, vous rendre toujours conscient que vous exercez une parcelle du pouvoir politique et administratif au service exclusif de la satisfaction de ces nombreuses attentes du peuple de Guinée.

Pour être agrées, ces prières devraient être précédées par une volonté politique forte et des actes concrets forts.

Fait à Conakry le 14 Décembre  2018

Administrateur Général

   Sékou KOUNDOUNO

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