Gaz lacrymogènes contre les opposants : l’Hon. Ben Youssouf Keïta promet la radicalisation du combat

Honorable Ben Youssouf Keita

Comme annoncé dans nos précédentes publications, la marche appelée hier jeudi, 13 décembre 2018 par l’opposition guinéenne a été empêchée. Comme lors des prochaines manifestations, les opposants emmenés par Cellou Dalein Diallo ont été stoppés peu après leur départ. Les forces de l’ordre ont fait usage de gaz lacrymogènes pour les disperser, les obligeant à rebrousser chemin. La nouveauté, c’est que cette fois, les gaz lacrymogènes ont été jetés jusque dans le domicile du chef de file de l’opposition où plusieurs personnes sont tombées en syncope. Mais,cela ne semble pas dissuader les opposants. Ces derniers promettent de poursuivre le combat jusqu’à ce qu’ils soient entendus par le pouvoir. Et, le député Ben Youssouf Keïta, président de la commission santé de l’Assemblée nationale, promet la « radicalisation » du combat politique. Le député de l’UFDG l’a dit au cours d’un entretien qu’il a accordé à un journaliste de Guineematin.com, peu après l’empêchement de cette autre manifestation.

Décryptage !

Guineematin.com : l’opposition voulait manifester ce jeudi à Conakry ; mais encore une fois, les forces de l’ordre ont empêché cette marche en jetant du gaz lacrymogène sur les manifestants. Expliquez-nous ce qui s’est réellement passé parce que vous étiez dans le cortège ?

Honorable Ben Youssouf Keïta :c’est au niveau de l’université Gamal Abdel Nasser de Conakry que nous avons été pris en charge par des policiers et des gendarmes dans leur pick-up. Ils ont poursuivi le cortège, et au niveau du 02 août ils ont divisé le cortège en deux. Les policiers et les gendarmes qui venaient derrière ont coupé le cortège pour que ceux qui sont devant l’hôpital Donka commencent à pulvériser la tête du cortège à l’aide du gaz lacrymogène, tout comme ceux qui sont derrière. Ce qui m’a beaucoup choqué, c’est que c’était une vraie haine parce que c’est des pluies de bombes lacrymogènes qui sont tombées sur notre cortège.

Pire encore, devant le plus grand hôpital de Guinée, l’hôpital Donka, on bombarde par des gaz lacrymogènes des paisibles citoyens qui ne font que réclamer leurs droits en s’opposant purement et simplement à la violation de la constitution, notamment son article 10. Il y a eu beaucoup de jeunes qui ont piqué de crises, il y a eu beaucoup de leaders qui ont respiré massivement du gaz lacrymogène, y compris des députés.

Guineematin.com : vous avez été pourchassés jusqu’au domicile de votre leader, Cellou Dalein Diallo. Comment avez-vous vécu ce retour, surtout sur une corniche aussi étroite et où du gaz lacrymogène continuait à pleuvoir sur votre cortège ?

Honorable Ben Youssouf Keïta : sur le chemin du retour, nous avons été pourchassés. Malgré que nous revenions à la case départ, cela n’a pas empêché les agents de nous poursuivre et de continuer à nous pulvériser de bombes lacrymogènes jusque dans le domicile du chef de file de l’opposition où il y a eu une dizaine de filles et de garçons qui n’ont pas supporté cette aspiration de gaz. Ils sont tombés en syncope, certains ont piqué des crises. C’est vraiment incompréhensible et nous ne savons pas quelle est la haine qui anime ces forces de l’ordre contre une population qui ne fait que réclamer son droit. La constitution dit qu’aucune force de l’ordre n’est obligée d’appliquer ou d’exécuter un ordre manifestement illégal. Cet ordre de nous asperger du gaz est manifestement illégal parce que nous réclamons notre droit.

Guineematin.com : beaucoup estiment aujourd’hui que l’opposition doit changer de stratégie parce qu’elle a manifesté depuis plusieurs années, mais les lignes ne bougent quasiment pas. Et maintenant vous n’arrivez même plus à manifester. Qu’en dites-vous ?

Honorable Ben Youssouf Keïta : mais, c’est ce que la constitution nous confère. Nous sommes des républicains et nous n’allons pas faire comme ce que monsieur Alpha Condé a dit quand il était dans l’opposition. C’est-à-dire que quand vous êtes brimés à répétition,vous n’avez qu’un seul choix : les armes. Nous, nous n’allons pas le faire.Nous allons accéder au pouvoir  par les voies légales, par les urnes. Nous allons appliquer l’article 10 de la constitution, c’est-à-dire manifester. Vous avez vu, même si nous faisons des sit-in, nous sommes pulvérisés, quand nous marchons pacifiquement, nous sommes pulvérisés et même si nous observons une grève de la faim, nous sommes pulvérisés. Alors, que faut-il faire ?

Guineematin.com : abandonner le combat peut-être.

Honorable Ben Youssouf Kéïta : si nous abandonnons, nous aurons trahi nos martyrs. Ce n’est pas seulement les 103 jeunes tombés sous le régime de monsieur Alpha Condé ; mais aussi les 157 personnes tombées sous le régime de feu Général Lansana Conté vers la fin de son règne au niveau du pont du 08 novembre et les 150 qui sont tombés au stade du 28 septembre sous le régime du capitaine Dadis Camara. Donc, nous ne pouvons pas baisser les bras. C’est la démocratie, il faut qu’elle perdure, coûte que coûte, vaille que vaille.

Guineematin.com : à quoi est-ce qu’on peut s’attendre maintenant ?

Honorable Ben Youssouf Kéïta : on peut s’attendre à la radicalisation de notre combat. Plus que jamais, nous sommes déterminés parce que nous n’avons pas droit de baisser les bras.Beaucoup de jeunes qui sont tombés n’ont pas laissé d’enfants. Beaucoup n’étaient pas mariés. Ils ont sacrifié leurs vies pour que la démocratie se pérennise. Donc, nous allons continuer le combat, et si nous tombons, d’autres se lèveront.

Entretien réalisé parAlpha Assia Baldé pour Guineematin.com

Tél : 622 68 00 41

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