Retard de la subvention : Tham Camara à Guineematin

Amadou Tham Camara

Le monde médiatique guinéen vit actuellement un moment d’inquiétude. Inquiétude due aux différentes sanctions prononcées par la HAC à l’encontre des journalistes, les procès dans lesquels se retrouvent souvent des hommes de médias, la modification de la loi L002 portant liberté de la presse en Guinée et aussi le refus du Gouvernement de décaisser la subvention à la presse privée.

Pour parler de ces différentes préoccupations, un journaliste de Guineematin.com s’est entretenu avec Amadou Tham Camara, le président de l’association guinéenne de la presse en ligne (AGUIPEL). 

Décryptage !

Guineematin.com : il y a quelques jours, le ministre de l’information et de la communication a reçu les associations de presse de notre pays. Les discussions ont tourné autour du projet de modification de la loi L002 relative à la liberté de la presse en Guinée. Parlez-nous de cette rencontre.

Amadou Tham Camara : nous avons effectivement été reçus par le ministre de la communication, monsieur Amara Somparé. Il était question de discuter un peu du projet de révision de la loi sur la liberté de la presse et de la loi sur la Haute Autorité de Communication. Nous avons appris par voie de presse qu’une révision est en cours. C’est le ministre lui-même qui l’avait annoncé. Evidemment, puisque nous n’avons pas été associés à ce processus, nous étions quelque peu inquiets. Donc, nous avons voulu rencontrer le ministre, c’est pour savoir quels sont les tenants et les aboutissants et quelles sont les raisons pour lesquelles il y aura un nouveau projet de loi.

Dans ses explications, le ministre nous a rassurés qu’il ne s’agit nullement de remettre en cause le principe de dépénalisation des délits de presse. Mais, plutôt de tenir en compte des nouveaux types de médias qui ne sont pas dans la loi sur la liberté de la presse, à savoir les web radios, les web TV et d’autres innovations. Nous avons pris acte de la déclaration du ministre, mais nous avons quand même souhaité avoir une copie de la loi.

Ce qui nous permettra, en tant quand qu’acteurs, puisque nous n’avons pas été associés en amont, de faire des propositions parce que ce sont des questions qui nous touchent directement. Donc, de faire des propositions concrètes en vue d’améliorer ou d’amender. Donc, c’est un peu la quintessence de notre rencontre avec le ministre de la communication.

Guineematin.com : qu’est-ce qu’il y a à craindre concrètement dans la révision de la loi sur la liberté de la presse ?

Amadou Tham Camara : je ne sais pas parce que je n’ai pas lu le projet. Donc, je ne peux pas vous dire qu’est-ce qu’il y a à craindre, qu’est-ce qu’il y a à risquer. Aussi longtemps qu’on n’a pas le contenu, on ne peut rien dire. En tout cas, le ministre nous a dit que le délit de presse ne sera pas dépénalisé. Nous ne pouvons que nous en tenir à cela. Mais, nous ne savons pas quelles sont les reformes, qu’est-ce qu’il y a dans le projet. Nous ne savons absolument rien. Lorsque nous aurons la copie du projet, nous dirons voici ce qu’il y a à éliminer, voilà ceci est un recul, voici ceci est une avancée. Mais aussi longtemps que nous n’aurons pas le texte à notre disposition, il est difficile de dire quoi que ça soit.

Guineematin.com : est-ce que l’environnement politique actuel fait craindre une restriction des libertés en Guinée, pas que sur la presse ?

Amadou Tham Camara

Amadou Tham Camara : il est clair que la situation sociopolitique est très délétère. Il y a une crise syndicale, il y a une crise politique. A cela s’ajoute un agenda électoral qui ne facilite pas la chose. Il y a les législatives, il y a la présidentielle en vue. Donc, ce qui fait que tout le monde a les nerfs à fleur de peau. Est-ce que pour autant, il y a à craindre une restriction des libertés ? Je dirai oui, parce qu’il appartient aux gouvernants d’encadrer les libertés constitutionnelles. Mais, de laisser les libertés constitutionnelles s’exercer tout en les encadrant.

Toutes les libertés sont consacrées par la constitution, donc elles doivent s’exercer en toute indépendance, mais en toute responsabilité. Je pense que les gouvernants doivent pouvoir laisser les gens exercer que ça soit le droit de s’exprimer, le droit de manifester, le droit de grève, tout ça, sont des droits constitutionnels. Donc, cela doit s’exercer en toute liberté, mais en toute responsabilité. Il appartient aux gouvernants de les encadrer, mais tout faire pour que ces droits constitutionnels-là ne soient pas entravés.

Guineematin.com : ces derniers temps, plusieurs journalistes ont été sanctionnés par la HAC (Haute Autorité de la Communication) et d’autres font face à des poursuites judiciaires. Qu’est-ce que vous faites, en tant qu’associations de presse, pour la protection des journalistes ?

Amadou Tham Camara : lorsqu’il s’agit des journalistes de notre association, évidemment nous montons au créneau, c’est-à-dire lorsqu’il s’agit des journalistes de la presse en ligne. Les cas que vous venez de citer, ils ne sont pas de la presse en ligne, ce sont des journalistes essentiellement de la radio. Donc, lorsque nous sommes interpellés par les associations qui ont en première position la responsabilité de ces journalistes-là, c’est-à-dire l’URTELGUI, eh bien, nous nous associons à leur démarche et nous montons au créneau pour dénoncer, s’il y a abus d’autorité, ou s’il y a abus de pouvoir. Maintenant, lorsque c’est le nôtre, c’est nous-mêmes qui initions la démarche et nous demandons la solidarité aux autres. Mais lorsque c’est les autres, il leur appartient de prendre l’initiative de la démarche et nous nous solidarisons.

Guineematin.com : on est à un peu plus d’une semaine de la fin de l’année, les médias privés n’ont toujours pas reçu leurs subventions. Que s’est-t-il passé cette année ?

Amadou Tham Camara : manifestement il y a un blocage, je ne sais pas qui bloque, mais il y a un blocage. Parce que la dépense a été engagée, liquidée, contrôlée. C’est au niveau de la lettre de paiement au niveau du ministre de l’Economie et des Finances qui est la dernière étape, que c’est bloqué. Bloqué par qui ? Je ne sais pas. Mais, c’est regrettable, parce que la loi de finances prévoit cette dépense-là. Et cette subvention permet d’appuyer les entreprises de presse les plus vulnérables, mais surtout la maison de la presse. Parce que la maison de la presse est à 80% supportée par la subvention. Donc, si la subvention n’est pas là, il est évident que la maison de la presse va se retrouver dans de grandes difficultés.

Guineematin.com : et aujourd’hui, qu’est-ce que vous comptez-faire face à cette situation ?

Amadou Tham Camara : nous continuons à prendre notre bâton de pèlerin, nous ne désespérons pas puisque nous sommes à quelques jours de la fin de l’année. Nous allons continuer à voir les autorités. Nous avons vu déjà tout le monde, mais nous ne désespérons pas. Nous allons tout faire pour que le montant qui est un dû, soit tout simplement décaissé. Parce que je ne crois pas que les autorités, leur volonté c’est que la maison de la presse soit fermée. Mais, il est évident que si la subvention n’est pas payée, la maison de la presse va se retrouver dans de très grandes difficultés.

Ibrahima Sory Diallo pour Guineematin.com

Tél. : (00224) 621 09 08 18

Facebook Comments Box