Crise post-électorale à Matoto, maraboutage… Le S/G de la commune à Guineematin

Sékou Conté

La commune de Matoto est la seule qui ne connait jusque-là pas son maire à Conakry. L’élection du maire a été interrompue le 15 décembre dernier par un partisan du RPG Arc-en-ciel quand le candidat de l’UFDG a récolté 24 voix sur les 45. Dans la journée d’hier, lundi 24 décembre 2018, des partisans de Kalémodou, ont voulu le faire installer à la tête de cette commune, la plus grande de la Guinée. Mais, ils ont finalement été dispersés par les forces de l’ordre.

Peu avant ces échauffourées entre les jeunes opposants et les agents des forces de l’ordre, un reporter de Guineematin.com a été reçu par le secrétaire général de la commune de Matoto pour un entretien. Avec monsieur Sékou Conté, il a été question de l’incident qui a émaillé l’élection du maire de Matoto, des objets de marabout découverts dans l’enceinte de la commune….

Décryptage !

Guineematin.com : jusque-là, la commune de Matoto n’a pas de maire. Qu’est-ce qui s’est passé ici le samedi, 15 décembre dernier ?

Sékou Conté : le samedi, 15 décembre dernier, les convocations ont été faites par moi, conformément à la loi, en tant que représentant du ministre de l’Administration du Territoire en la matière, pour inviter les conseillers élus à leur première session d’installation et à la mise en place de leur exécutif. Cette convocation fut faite, le démarrage de l’installation a eu lieu à 11 heures. Mais, comme vous savez, je suis chargé juste de l’organisation et la sécurisation du déroulement de cette installation. Ce qui donc s’est passé en détail, comme les gens trame de gauche à droite, je ne suis pas au courant de ça, je n’ai reçu que des informations controversées, où chacun des groupes se réclamait vainqueur. Il y a eu trouble là-bas, m’a-t-on dit. Et, un agent a crié, des individus se sont introduits dans la salle et ont détruit les bulletins. Je ne sais pas comment ça s’est passé et qui peut être auteur de ça. Parce que moi, j’étais assis à mon bureau avec certains agents de la sécurité et même des services de renseignements que je n’ai pas pu identifier. J’étais dans mon bureau, je n’ai pas bougé, le délégué a couru pour sa propre sécurité.

Guineematin.com : pour beaucoup d’observateurs, c’est le candidat de l’UFDG qui a gagné, et les images prises par les journalistes aussi en font foi. Vous, en tant que représentant de l’administration, vous étiez en contact certainement avec le délégué du ministère à ces élections. Qu’est-ce qu’il vous a dit puisque le décompte était terminé, il ne restait que la proclamation officielle des résultats ?

Sékou Conté : l’information que vous donnez-là, je ne peux pas l’exploiter. Ils n’ont pas proclamé. J’ai appris que les deux (2) camps se réclamaient le chiffre de 23. Et 23 sur 45, signifie que celui qui a 23 est vainqueur. Mais, dire que c’est l’UFDG qui a gagné ou le RPG, je ne saurais le dire et je ne peux pas prêter aussi le flanc à cette réalité, puisque je n’étais ni dans la salle, non plus le compte-rendu ne m’a été fait dans ce sens. Mais, j’ai appris que les deux partis ont réclamé la victoire, et donc il y a eu confusion.

Guineematin.com : le samedi dernier, des jeunes proches du candidat de l’UFDG, Mamadouba Tos Camara, ont investi dans la commune. Ils disaient venir installer Tos Camara. Rappelez-nous ce qui s’est passé.

Sékou Conté : ce jour, j’ai vu quelques jeunes dans la cour, ils disaient qu’ils sont venus installer Tos. Mais, je n’ai vu ni Tos, ni un messager de l’administration m’autorisant à procéder à cette installation. Mais effectivement, il y avait des jeunes qui criaient dans la cour et qui disaient c’est Tos qui a gagné. Mais, je n’ai pas reçu l’instruction d’installer quelqu’un, étant donné que les élections ne se sont pas poursuivies. Parce que ce n’est pas le maire seulement qu’on va installer, c’est l’exécutif dans son entier, le maire et ses vices maires. Il y a sept (7) vices maires. Donc, comment on peut installer le maire sans que les adjoints ne soient désignés ?

Guineematin.com : le même jour, des objets de marabout ont été retrouvés dans l’enceinte même de la mairie. Comment vous avez accueilli tout cela ?

Sékou Conté : j’ai appris par mon chef protocole que cela est arrivé. Comme moi je suis un musulman, fervent croyant, pour moi c’est une simple idiotie. C’est une fabrication des individus pour peut-être pour intimider. Moi, je suis pour l’unicité, je suis un musulman fervent, islamisé. Donc, je ne crois qu’en Dieu. Moi, je considère ça comme un folklore.

Guineematin.com : l’UFDG menace d’installer son maire, en la personne de Kalémodou Yansané. Vous êtes à votre bureau déjà, c’est pour présider son installation ?

Sékou Conté : que Dieu m’en garde. Je ne le ferai jamais. A mon stade d’aujourd’hui, en tant qu’administrateur qui a eu la chance de gravir beaucoup d’échelons, moi qui suis devant vous, pour la petite histoire, j’ai une formation postuniversitaire en Administration. Après le baccalauréat, je n’ai étudié que l’administration, comment voulez-vous que moi j’accède à des situations comme ça étant donné que je n’ai reçu aucune instruction de mon ministre ? Je connais le code, je pense l’avoir maitrisé pour avoir été un artisan de ce code-là.

Guineematin.com : récemment, le ministre de l’Administration du Territoire, Boureima Condé, avait annoncé la reprise de l’élection du maire de Matoto. Mais, pour beaucoup d’observateurs et de juristes, le ministre de l’administration du territoire n’a pas la capacité de faire reprendre ces élections. Qu’en dites-vous ?

Sékou Conté : je défis et ces observateurs et ces juristes. Ils ont mal interprété la situation. Quand on parle de l’annulation d’une élection, c’est lorsqu’elle n’a pas été terminée, et qu’il a été constaté après réclamation des uns et des autres sur les anomalies, le juge se prononce sur la validité ou la non validité du scrutin. C’est aussi simple que ça. Ici, c’est la première session du conseil communal. L’organisation interne-là ne concerne que les conseillers. Et, c’est le ministre qui est la tutelle des conseillers communaux.

Guineematin.com : en clair, vous voulez dire qu’il peut faire reprendre l’élection du maire ?

Sékou Conté : il peut faire reprendre l’installation. C’était la première session des conseils communaux, après leur élection par le public. Donc, c’est purement règlementaire. Mais, je vais vous dire une seule chose, admettons qu’un match de football soit lancé, et qu’à la 15ème minute ou à la 30ème minute, une première partie se sent en avance, une autre partie conteste les buts marqués. Le match est au quart du jeu. Si le match est même à cinq minutes de la fin, s’il y a des troubles, des cas de force majeure, on reprend donc le match.

Guineematin.com : mais ce jour, ce n’était pas un cas de force majeure. Et ça, c’était un agissement d’un individu venant du RPG…

Sékou Conté : mon cher frère, qu’il soit sur la liste, ou qu’il ne soit pas sur la liste, qu’il soit candidat ou qu’il ne soit pas candidat, je ne saurai le dire, je n’étais pas dans la salle. Le cas de force majeure peut aussi être artificiel. Personne ne savait dans la salle ce jour -là qui pouvait gagner ? Chacun savait qu’il pouvait gagner. Et puis, ce n’est pas un arbitrage de cette manière pour dire que non, celui-ci était sur la liste, c’est lui qui a créé les troubles, il faut valider. Non, ce n’est pas comme ça que ça se passe… Mais, mon frère, c’est aussi simple que ça. 45 personnes sont dans la salle, on vous dit que ça s’est mal passé ou qu’il y a eu confusion. L’un dit qu’il est victorieux, l’autre dit qu’il est victorieux, maintenant on va reprendre. Si toi, tu es sûr de ton équipe, tu sais que tu as 23, les 23 sont derrière toi, tu ne peux pas venir pour confirmer ça ?

Guineematin.com : mais la question qui taraude aujourd’hui les esprits, c’est que les élections ont été émaillées de violences dans certaines communes rurales et urbaines du pays comme Kindia, Guéasso, Kalinko etc. Mais, le ministre Boureima Condé n’a pas fait reprendre ces élections. Pourquoi Matoto fait exception ?

Sékou Conté : là-bas c’était terminé. Si l’élection était terminée ici, c’est-à-dire le maire, les vices-maires installés, le délégué a proclamé les résultats officiellement, si l’autre parti maintenant conteste, on ne peut plus reprendre. Tandis que, celui qui a été délégué par l’Etat, conformément à la loi, ne s’est pas prononcé, parce que ça été contesté à mi-chemin. Et, on a demandé la reprise, pendant cette attente-là, quelqu’un a surgi pour empêcher la poursuite, qu’est-ce que le ministre peut faire en la matière ? Je vous ai dit qu’il est la tutelle de tous les conseillers communaux, c’est du cadre règlementaire purement et simplement et non juridique.

Propos recueillis par Ibrahima Sory Diallo pour Guineematin.com

Tél. : (00224) 621 09 08 18

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