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Fatou Badiar après sa libération : « je faisais souvent des crises… La prison n’est pas bien… »

Mme Fatou Badiar Diallo, après sa libération, ce mercredi 02 janvier 2019

Comme annoncé précédemment sur Guineematin.com, madame Fatou Badiar Diallo et deux de ses compagnons d’infortune ont été graciés par le président Alpha Condé. En exécution dudit décret, madame Fatou Badiar a recouvré la liberté ce mercredi, 2 janvier 2019, après avoir passé 7 ans, 5 mois et 5 jours à la maison centrale de Coronthie, dans la commune de Kaloum.

Madame Fatou Badiar Diallo, Almamy Aguibou et Mamadou Alpha Diallo font partie des deux cent vingt deux (222) bénéficiaires de la grâce présidentielle. Après sa libération et après avoir retrouvé les siens, madame Fatou Badiar Diallo a accordé une interview à un de nos reporters.

Guineematin.com : comment vous sentez- vous aujourd’hui, après tout ce temps passé en prison ?

Fatou Badiar Diallo : je me sens très heureuse aujourd’hui, je suis très émue. Seulement, je suis malade, je ne suis pas bien portante, parce que je ne peux pas marcher beaucoup. Il me faut tenir quelqu’un pour marcher. Avec la longue durée de la prison, on a attrapé beaucoup de maladies. Il me faut aller me soigner d’abord. Je suis diabétique, hypertendue, cardiaque et j’ai le genou-là qui ne peut pas marcher, les ligaments ont lâché. C’est tout ça qui me fatigue.

Guineematin.com : comment vous avez appris justement cette bonne nouvelle annonçant votre libération ?

Fatou Badiar Diallo : j’étais couchée, j’ai fini ma prière, je suis rentrée me coucher. Ma codétenue qui écoutait la radio a crié d’un seul coup. Elle dit, « Badiar tu es libérée » ! J’ai dit « arrête, tu sais que je suis hypertendue, il ne faut pas m’effrayer ». Elle a dit « oui, tu es libérée ». Je ne m’attendais pas du tout, ça a été une surprise pour moi. Donc, je me suis levée comme elle a insisté et a même allumée la lumière. J’ai ouvert la porte, j’ai entendu toute la sureté (maison centrale) crier d’un seul coup. Après, je sors, il y a un garde pénitencier qui a vu ma porte ouverte, il est venu me prendre en disant « madame, vous êtes libérée, votre nom a été cité en première position ». Je n’en croyais pas à mes yeux. Après j’ai vu le médecin qui venait, le régisseur qui est venu. « Madame, vous êtes libre aujourd’hui ! Madame vous êtes graciée ! ». Je n’en revenais pas, ma tension était élevée. Je me suis assise et j’ai pris mes médicaments. Je tremblais. Le médecin même est venu à mes côtés pour me prendre, me consoler. Je dis vraiment, je suis dépassée de la nouvelle.

Guineematin.com : Vous avez passé plusieurs années en prison. C’était quoi votre quotidien en prison ?

Fatou Badiar Diallo : au début, c’était difficile, beaucoup difficile. Parce que, la maison centrale était très salle, il y avait des odeurs nauséabondes. Tu ne pouvais pas respirer. En mangeant, il faut fermer le nez. Mais aujourd’hui, tu manges au dehors et par terre, tellement que c’est propre. Et ça, c’est grâce au professeur Alpha Condé. Et, la garde pénitentiaire nous a respecté, parce qu’on s’est respecté. Si tu te respectes, on te respecte. Mais, quand tu te comportes mal, ils vont te tenir comme ça.

Guineematin.com : quel souvenir gardez- vous de la prison ?

Fatou Badiar Diallo : je garde un souvenir de mon médecin, Dr. Issiagha. Je garde un souvenir pour le régisseur, Bangoura. A chaque moment, à chaque heure, quand je tombais malade, on l’appelle, il vient, il m’assiste. S’il y a des médicaments là-bas, il me les apporte. Ce que seulement je garde, je n’ai pas eu une prise en charge. Chaque fois que je suis malade, c’est moi qui paye mes médicaments, ce sont des proches, c’est des personnes de bonne volonté qui m’envoient des médicaments, qui paient mes ordonnances qui coutent très chères. C’est les médicaments du diabète, de la tension, tout ça, ça coute très cher. Ça, c’est à la charge de mes proches, parce que je n’ai personne dehors, sauf mes enfants.

Guineematin.com : maintenant que vous êtes sortie de prison, quelle va être la suite ?

Mme Fatou Badiar Diallo

Fatou Badiar Diallo : après la prison, d’abord, je me soigne. Le professeur Alpha Condé a pensé à me libérer. Ce n’est pas lui qui m’a mise en prison, c’est Dieu. Et, Dieu a voulu qu’il me libère, et c’est lui qui m’a gracié, je le remercie. Et, je prie tout le monde de ne pas lui parler de mal, de le remercier pour moi. Je charge vous la presse, de remercier le professeur Alpha Condé. Tout le monde n’a qu’à le remercier, que personne ne prenne rigueur sur lui. C’est mon destin. Dieu pouvait me reprendre là-bas, parce que j’ai beaucoup souffert. Je faisais tout le temps des crises. Il n’y a pas deux (2) semaines encore, je suis tombé la nuit. On a envoyé l’ambulance pour m’amener à l’hôpital. J’ai dit non, laissez tomber, quand Dieu voudra faire ce qu’il veut, il va le faire. Donc, pour moi, c’est un président que je ne peux pas oublier dans ma vie. Bien-sûr, j’ai fait toutes ces années en prison, c’est Dieu qui l’a voulu. Je pouvais être au dehors et tomber malade. Je pouvais être au dehors et mourir. Il y a beaucoup de personnes qui venaient derrière-moi, mes parents, tous sont décédés. Moi, je suis là. Grâce à Alpha Condé, aujourd’hui je suis libre. Donc, je prie tous les guinéens qui m’aiment, qui ont prié pour moi, qui ont apporté leur soutien à moi, de le remercier.

Guineematin.com : aujourd’hui, il y a certains de vos codétenus, Alpha Oumar Boffa Diallo (AOB) et Jean Guilavogui qui sont toujours en prison. Qu’est-ce que vous avez à leur dire ?

Fatou Badiar Diallo : je dirais au professeur Alpha Condé de penser à tous les détenus de la maison centrale. La prison n’est pas bien ; mais, c’est un destin pour tout le monde. Je prie Dieu qu’il pense à eux et à les libérer. Je pense au Commandant AOB et à Jean Guilavogui, on était tous là-bas. Donc, il n’a qu’à penser à eux, avoir pitié d’eux, comme il a pensé à nous, pour les libérer.

Guineematin.com : dans quel état d’esprit se trouvent-ils ?

Madame Fatou Badiar Diallo : bon, c’est le destin. Nous tous, on a vu des gens qu’on a gracié pendant près de huit ans. Chaque année, on gracie des gens. Tant que ton tour n’est pas arrivé, tu ne peux pas y croire, tu ne peux pas t’énerver, tu ne peux rien faire.

Guineematin.com : quel est votre dernier mot ?

Fatou Badiar Diallo : je remercie humblement mes avocats. Je remercie tous mes avocats, sans exception. Et, je remercie Me Bamba, les ONG des Droits de l’Homme, les bonnes volontés qui venaient aussi nous assister. Je remercie mes avocats qui ont beaucoup fait sans argent. Parce qu’on n’a rien à leur donner. A chaque fois qu’on soulève notre problème, ils sont là. Cela, sans aucun franc. Je remercie Me Bea qui n’est pas venu aujourd’hui, mais je pense à lui. Je préfère qu’il vienne à mes côtés aujourd’hui, parce qu’il a beaucoup fait. Ils ont tous souffert avec nous.

Propos recueillis par Ibrahima Sory Diallo pour Guineematin.com

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