« Google a créé un clavier pour écrire pulaar », annonce le co-fondateur de l’alphabet ADLAM

Comme indiqué dans deux de nos précédentes dépêches, Koundara accueille la 4ème assemblée générale de l’Association Winden Janguen ADLAM. Cette rencontre de promotion et de vulgarisation de la langue Pulaar s’est ouverte ce samedi, 05 janvier 2019. Elle va durer trois (3) jours et réunira des délégations venues de différentes préfectures de la Guinée et de certains pays voisins. Venu des Etats-Unis d’Amérique pour assister à la session, Abdoulaye Barry, un des créateurs de l’Alphabet ADLAM, s’est confié à l’envoyé spécial de Guineematin.com à Koundara. Il est revenu sur les acquis et les perspectives de l’alphabet ADLAM.

Guineematin.com : parlez-nous de la genèse de l’alphabet Winden Janguen ADLAM ?

Abdoulaye Barry : mon frère et moi avions eu l’idée de créer cet alphabet vers la fin de l’année 1989. Vous savez à l’époque, la communication n’était pas très développée. Donc les gens, pour communiquer avec leurs parents, écrivaient des lettres pour envoyer. Et généralement, ces lettres-là étaient écrites en pulaar mais avec l’alphabet arabe. Mais il se trouve que nous avons des phonèmes en pulaar, qui n’existent pas en arabe. Donc, il était très difficile de représenter tous les sons peuls en utilisant le caractère arabe. Ce qui fait que les gens écrivaient généralement comme cela leur convenait. Donc, la lecture de ces lettres n’était pas donnée à tout le monde.

Mon papa lisait des lettres et c’est à côté de lui qu’on a appris à faire cette lecture et on s’est rendu compte de ces insuffisances dans l’utilisation du caractère arabe pour écrire le pulaar. Donc, c’est à partir de là que mon frère et moi avons promis à notre père qu’on allait créer un alphabet pulaar pour pouvoir corriger ces insuffisances. On s’enfermait dans nos chambres et on essayait de dessiner, d’imaginer à quoi ressemblaient les caractères et on essayait de les dessiner. C’est ainsi qu’on a réussi à écrire les 28 lettres qui constituent l’alphabet ADLAM aujourd’hui.

Guineematin.com : cet alphabet existe depuis plusieurs maintenant, quels sont ses acquis jusque-là ?

Abdoulaye Barry : il y a eu plusieurs acquis. Comme vous le constatez ici à Koundara, il y a une convergence des gens venus de partout à travers le monde : le Mali, le Ghana, la Côte d’Ivoire, les Etats-Unis, la Gambie et d’ailleurs. Ça c’est déjà un acquis. Donc, c’est une façon de nous réunir autour de notre langue et autour de l’écriture aussi. Et l’autre acquis, c’est que l’alphabet est présent dans les appareils téléphoniques. Si vous avez un appareil Androïd, vous pouvez écrire, échanger avec les gens en utilisant le caractère ADLAM. ADLAM est l’une des rares écritures africaines qui a un clavier développé par Google, et Google nous a créé beaucoup d’autres outils : les outils de recherche des mots cachés. Ce qui était écrit par exemple en latin, peut être écrit en ADLAM en cliquant simplement sur un bouton. Les autres acquis, c’est qu’il y a beaucoup de livres qui sont écrits en pulaar et on peut aussi écrire sur un ordinateur en pulaar. C’est présent avec Chrome et même avec Windows etc.

Guineematin.com : aujourd’hui, quels sont les perspectives notamment pour la Guinée, votre pays d’origine ?

Abdoulaye Barry : on a beaucoup d’objectifs, mais le principal c’est d’uniformiser la langue. Parce que vous savez que le pulaar varie d’un pays à un autre et parfois même d’une région à autre. On veut donc faciliter, à travers ADLAM, la compréhension mutuelle entre tous ceux qui parlent cette langue. C’est-à-dire quand un peul du Nigeria se rencontre avec un peul de la Guinée, qu’ils communiquent aisément, facilement. Vous savez le pulaar aurait pu servir comme langue de communication dans les différents pays africains comme elle est parlée dans 16 pays de l’Afrique de l’Ouest du Centre. Donc en uniformisant la langue, en la développant, ça pourrait éventuellement jouer un rôle d’unification dans la sous-région.

L’autre objectif qu’on a, c’est éventuellement créer un centre d’ADLAM en Guinée ici. Parce que l’écriture est née ici et même si elle est étudiée aujourd’hui jusqu’au Soudan, mais l’origine c’est la Guinée. Donc, on voudrait qu’il y ait une académie ici afin que les gens viennent se performer dans l’écriture et dans la langue ici. Des livres de Mathématiques, de Sciences, de Biologie écrits en pulaar existent déjà. Mais, on veut beaucoup plus faire la diffusion de ces documents, écrire beaucoup plus et propager l’écriture à travers l’Afrique et à travers le monde.

Guineematin.com : un mot sur l’organisation de cette 4ème édition ?

Abdoulaye Barry : nous sommes très contents. Ça a été un long voyage, mais nous sommes impressionnés par le travail qui est fait déjà sur le terrain. Nous voyons qu’il y a la mobilisation et que les gens sont prêts. Et, nous les remercions pour tout le travail qui a été fait. J’espère que cette 4ème assemblée générale sera une très grande réussite aussi.

Propos recueillis à Koundara par Ibrahima Sory Diallo, envoyé spécial de Guineematin.com

Tél. : (00224) 621 09 08 18

Facebook Comments Box