Dembo sur la CENI : vers une crise au sein de l’opposition (interview)

Elhadj Dembo Sylla, premier V/P de l’UDG et vice-président de l’Assemblée nationale

L’actualité politique nationale est dominée actuellement par la recomposition en vue de la CENI, avant le début du processus d’organisation des élections législatives. Les acteurs de la classe politique et de la société civile s’activent en ce moment à l’interne pour désigner les personnes devant les représenter au sein de la nouvelle commission électorale. Si cette opération devrait, à priori, se passer sans problème au sein de la mouvance présidentielle, ça ne devrait pas être le cas du côté de l’opposition. Et pour cause, les membres de l’opposition républicaine, groupe dirigé par Cellou Dalein Diallo, ne reconnaissent pas les autres partis qui se réclament de l’opposition mais qui ne sont pas derrière le chef de file de l’opposition guinéenne, comme l’UFR de Sidya Touré.

C’est en tout cas ce qui ressort d’un entretien que l’honorable Dembo Sylla, vice-président de l’UDG et membre de l’opposition républicaine, a accordé à un journaliste de Guineematin.com hier, lundi 07 janvier 2019. Pour lui, seuls les partis qui combattent aux côtés de Cellou Dalein Diallo sont les vrais partis d’opposition en Guinée. Et par conséquent, sont les seuls habilités à désigner des représentants au nom de l’opposition. On peut s’attendre donc à des grincements de dents entre les camps des deux anciens Premiers ministres de Lansana Conté.

Guineematin.com vous propose ci-dessous notre entretien avec le député Dembo Sylla.

Guineematin.com : l’actualité politique guinéenne est marquée aujourd’hui par la recomposition de la CENI conformément à la nouvelle loi. L’heure est actuellement à la désignation des représentants des différentes parties concernées. Qu’en est-il au sein de l’opposition républicaine à laquelle vous appartenez ?

Elhadj Dembo Sylla

Honorable Dembo Sylla : je rappelle que selon la loi, il est accordé à l’opposition républicaine 7 places sur les 17 de la composition de la CENI. Je crois qu’au moment venu, le ministre de l’Administration du territoire s’adressera au chef de file de l’opposition pour lui demander la désignation des représentants de l’opposition républicaine à la CENI. Vous savez bien que la loi qui régit cette désignation a déterminé les partis qui peuvent envoyer à la CENI leurs représentants.

Les conditions sont définies dans la loi : il faut avoir participé aux deux grandes élections dernières avant la mise en place de cette CENI, avoir deux députés au moins à l’Assemblée nationale mais aussi avoir les compétences pour les personnes qui doivent être désignées.

Nous, en tant qu’Union Démocratique de Guinée (UDG), membre de l’opposition, nous remplissons les conditions qui nous permettent de désigner le moment venu, c’est-à-dire lorsqu’on sera saisi par le chef de file de l’opposition, nous désignerons notre représentant. Nous avons déjà suffisamment de ressources humaines, et comme ça nous désignerons la personne ou les personnes qui nous serons demandé pour faire partie de l’équipe de l’opposition républicaine à la CENI.

Guineematin.com : vous parlez toujours de « l’opposition républicaine » alors qu’on sait qu’il y a d’autres partis qui ne sont pas membres de cette frange de l’opposition guinéenne qui remplissent aussi les critères définis. Je veux parler notamment de l’UFR.

Honorable Dembo Sylla : de ma compréhension, j’entends par opposition, toute celle qui, selon la loi, s’oppose fondamentalement à la gouvernance du parti au pouvoir. Juridiquement ou politiquement parlant, on est opposition que lorsqu’on ne partage pas le mode de gouvernance du parti du pouvoir. Mais, lorsqu’on s’implique dans la gestion du pouvoir de façon socio-administrative, politique, financière, etc. avec le parti au pouvoir, dans les définitions que je connais ou qu’on m’a apprises dans les universités et dans les écoles de droit et de politique, vous faites partie de la mouvance, de la gouvernance.

Donc, l’opposition c’est celle qui critique, qui n’est pas d’accord sur le mode de gestion de l’Etat par le parti au pouvoir. Et ces partis se trouvent aujourd’hui regroupés au sein de l’opposition républicaine et ont à leur tête le chef de file qui est l’honorable, Elhadj Cellou Dalein Diallo.

Guineematin.com : vous voulez dire donc que l’UFR n’aura pas de représentants parmi les 7 places accordées à l’opposition ?

Honorable Dembo Sylla : une fois encore, je ne désigne pas tel ou tel parti. C’est vrai qu’on entend beaucoup de partis dire qu’ils sont dans l’opposition plurielle, qu’ils ne sont pas dans la file. De ma compréhension et en tant qu’homme de droit, ça se distingue très bien : ou on participe à la gestion de l’Etat avec le parti au pouvoir avec le Président qui organise les élections, en ce moment, on est de son obédience, ou on ne participe pas à sa façon de gouverner le pays, on voit autrement son mode de gouvernance, on est dans l’opposition.

Et depuis que nous agissons dans l’opposition républicaine, tous les partis qui sont là, ce sont des partis qui n’ont rien à avoir avec le gouvernement actuel du Président de la République et de son parti, le RPG Arc-en-ciel et tous les autres qui ont décidé de venir avec lui pour apporter leur contribution à la gestion du pouvoir. Ce à quoi nous, on est opposé.

Guineematin.com : mais l’UFR ne participe plus aujourd’hui à la gouvernance du pays : Mohamed Tall a été limogé du gouvernement et Sidya Touré a démissionné de son poste de Haut-Représentant du chef de l’Etat. Et c’est un parti qui critique aujourd’hui la façon dont le pays est géré.

Honorable Dembo Sylla : je n’ai pas d’avis sur ça. Je vous dis une fois de plus, il y a des principes, peut-être que c’est une déformation professionnelle. Moi, je suis juriste, j’ai fait des études de droit politique, de droit constitutionnel. Je me cale à ce niveau et sur la base de tous les textes que nous avons en vigueur et qui déterminent qui est de l’opposition et qui est de la mouvance. Donc, celui qui dit qu’il est de l’opposition a des comportements qu’il doit mettre en œuvre sur l’échiquier politique.

Alors franchement, je dis que l’opposition, c’est celle qui ne participe pas du tout à la gestion du pouvoir en quelque forme qu’elle soit avec le parti au pouvoir et avec le Président élu. Et nous, nous sommes dans ce cadre. Au sein de l’opposition républicaine, nous sommes au moins 18 partis politiques. C’est des partis qui sont dans la logique des textes et du droit politique en ce qui concerne la définition d’un parti d’opposition.

Propos recueillis par Alpha Assia Baldé pour Guineematin.com

Facebook Comments Box