Primes non payées : un contractuel de l’éducation dénonce l’existence de listes parallèles

Mamadou Baïlo Bah, enseignant-contractuel, chargé des cours d’Economie au Lycée des Jeunes Filles Dar-es-Salam

Alors que de nombreux contractuels de l’éducation sont à couteaux tirés avec le gouvernement pour leur recrutement à la fonction publique, d’autres n’ont jamais perçu leurs primes de trois mois d’activités. C’est le cas de Mamadou Baïlo Bah, enseignant-contractuel, chargé des cours d’Economie au Lycée des Jeunes Filles Dar-es-Salam, dans la commune de Ratoma. Dans une interview accordée à un de nos reporters, au siège de Guineematin.com, monsieur Bah a dénoncé cette situation et interpelle les autorités.

Guineematin.com : vous avez donné cours depuis le mois d’octobre 2018. Vous nous apprenez que vous n’avez pas reçu les primes promises à vous par le gouvernement. Comment en est-on arrivé là ?

Mamadou Baïlo Bah : c’est au début du mois d’octobre que nous avons vu une lettre circulaire à la Direction Communale de l’Education (DCE) de Ratoma, venant du ministère de l’Education Nationale, qui demandait aux DCE de recruter des enseignants contractuels au compte de l’année scolaire 2018/2019. Nous avons déposé nos et on a été pris. Ensuite, on a été dans les différentes écoles. Personnellement, on m’a muté au lycée des jeunes filles de Dar-es-Salam. Il y a des dossiers qui attestent que nous avons été mutés. Dans les écoles, on nous a donnés des emplois de temps. Moi, j’ai commencé les cours le 08 octobre 2018 et j’ai continué jusqu’en fin janvier 2019. Ce qui fait quatre (4) mois.

Guineematin.com : récemment, les contractuels ont reçu leurs primes de trois mois, soit au total 1 million 200 mille francs guinéens. Comment se fait-il que ne soyez pas sur la liste des bénéficiaires de ces primes ?

Mamadou Baïlo Bah : vers la fin du mois de décembre, ils avaient initié de venir payer les enseignants contractuels qui ont travaillé depuis le début de l’année scolaire. Et, lorsqu’ils sont venus payer ces contractuels en début d’année, moi et un autre ami, de la même école que moi, nous n’avons pas été payés. Nous avons cherché à savoir si nous étions seuls dans ce cas de figure, on a appris effectivement qu’au lycée Sonfonia, au lycée-collège Kaporo Rails, à Kipé, et un peu partout, certains n’avaient pas été payés. Il y a des gens qui ont été omis.

Guineematin.com : que vous ont dit les responsables de vos écoles et même au delà ?

Mamadou Baïlo Bah : bien sûr que nous avons demandé les raisons de notre omission. A l’école, nos chefs ont dit que c’est peut être à la DCE que nous avons été omis, peut-être qu’ils n’auraient pas remontés nos noms avec la liste des gens qui sont venus payés. Ensuite, nous avons demandé à l’inspectrice régionale de l’éducation de Conakry, qui m’avait trouvé dans une salle de classe au plus fort de la grève. Elle nous a dit de faire la liste des gens omis pour la lui déposer. A son retour de l’intérieur du pays, où elle était partie pour le payement des contractuels, mais sans jamais obtenir de résultats. Comme ça a trainé, je me suis rendu à la DCE de Ratoma mais on m’a répondu que le département ne leur a rien dit sur notre cas. J’ai appelé l’inspectrice régionale de l’éducation qui m’a répondu que ce n’était pas à elle de payer les gens, mais de remonter les listes de ceux qui n’ont pas été payés. C’est pourquoi, nous nous demandons aujourd’hui pourquoi on n’a pas été payé, parce que c’est un droit que nous réclamons. On ne sait pas où se plaindre.

Guineematin.com : on a appris que les responsables de certaines écoles ont remontés des noms de gens qui ne seraient même pas des contractuels. Qu’en est-il ?

Mamadou Baïlo Bah : oui, c’est bien vrai parce que le jour de la paye, j’ai vu des visages que je n’avais jamais vu. Il ya des personnes qui ont été payées et qui n’ont jamais donné cours dans notre école. Nous sommes face à une injustice. Pourquoi des gens qui ont travaillé ne sont pas payés ? Pourquoi paye-t-on des gens qui n’ont rien fait. Vous savez, on a abandonné nos heures dans les écoles privées pour être contractuels au public. Personnellement, j’avais 18 heures de cours dans les écoles privées. C’est ce que j’ai réduit à 6 heures pour aller au public. Aujourd’hui, on n’a rien reçu, même un kopeck. Il y en a qui logent loin et qui payent du transport pour aller enseigner mais sans jamais rien percevoir jusqu’au moment où je vous parle. J’ai tout laissé pour rendre service à l’Etat. L’Etat nous a utilisés et veut nous jeter comme une peau de banane qu’on jette à la poubelle.

Guineematin.com : n’avez-vous pas pensé à vous constituer en mouvement pour réclamer vos droits ?

Mamadou Baïlo Bah : il y a une coordination des enseignants contractuels. Les autorités ont dit qu’il y a un surplus dans les écoles. Ils ont dit qu’il y en a dix sept mille. Mais, si vous comptez les enseignants qui évoluent dans les écoles, ça n’atteint même pas les 10 mille contractuels. D’où viennent les 7 milles autres là ? On se demande bien. Ils ont gonflé les listes. Qui l’a fait ? A quel niveau ? C’est là la question. Ils ont aussi parlé d’un test de recrutement à la fonction publique, nous n’avons pas peur de ce test. Mais, à partir du moment où ils ont payé certains pour omettre d’autres, on se demande si le prochain test ne connaitra pas le même sort. On pourrait organiser un test formel pour recruter ceux que l’on souhaite, à notre place ou à la place des enseignants qui ont eu le test. C’est ce qui nous inquiète.

Guineematin.com : quel appel avez-vous à lancer ?

Mamadou Baïlo Bah : l’appel que je lance au gouvernement, c’est de penser à nous. Nous avons souffert et nous les avons sauvés à un moment où ils avaient chaud. N’eut été les contractuels, ça allait péter. On na accepté de se sacrifier contre vents et marrées. On nous a traités de menuisiers, de mécaniciens, etc. Mais, nous avons eu le dos large, nous avons accepté de donner les cours pour sauver l’Etat. A leur tour, ils ne devraient pas jeter à la poubelle comme une peau de banane. Aux enseignants contractuels, comme le bureau de la coordination l’a dit, qu’on cesse de donner les cours. On ne s’est pas engagés pour remplacer qui que ce soit, tout monde sait qu’il y a un manque criard d’enseignants tant à Conakry qu’à l’intérieur du pays. Donc, on doit cesser d’abord de donner cours dans toutes les écoles publiques jusqu’à ce que nos situations soient réglées.

Propos recueillis par Alpha Mamadou Diallo pour Guineematin.com

Tél. : 628 17 99 17

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