Dakar : le président de l’Union des Ressortissants Guinéens dit tout à Guineematin (interview)

Thierno Boubacar Sidighi Diallo

Les sénégalais se rendront aux urnes demain dimanche, 24 févier 2019, au compte de l’élection présidentielle. Face à Macky Sall, président sortant, quatre autres candidats sont engagés dans la course pour le fauteuil présidentiel.

Les deux envoyés spéciaux de Guineematin.com au pays de la Téranga ont mis leur visite à profit pour s’entretenir avec le doyen Thierno Boubacar Sidighi Diallo, président de l’Union des Ressortissants Guinéens au Sénégal. Avec monsieur Diallo, plus connu sous le nom de Thierno Boubacar Koubia Matakaou, il a été question du quotidien de nos compatriotes vivant au pays de la Téranga, de leur relation avec les autorités sénégalaises, des difficultés rencontrés et de sa lecture sur l’actualité sociopolitique de notre pays.

Guineematin.com : est-ce que vous pouvez nous dire le nombre de guinéens enregistrés dans votre association ?

Thierno Boubacar Sidighi Diallo : actuellement, les chiffres exacts des ressortissants guinéens au Sénégal sont difficiles à connaitre. Certains parlent de trois millions, d’autres disent quatre millions, des chiffres annoncent deux millions cinq cent. Mais, je crois que ceux qui parlent de 2 millions 500 mille guinéens n’ont pas menti.

Guineematin.com : la campagne pour l’élection présidentielle sénégalaise du 24 février vient d’être bouclée. Dans l’ensemble, comment cette campagne s’est déroulée ?

Thierno Boubacar Sidighi Diallo : du côté des ressortissants guinéens au Sénégal, notre apport a été l’organisation d’une lecture du saint Coran pour la bonne tenue de cette campagne et que les élections se tiennent dans un climat de paix. Cela a été fait le jeudi dernier. De 11 heures jusqu’à 20 heures nous étions au siège de la Moyenne Guinée, en compagnie des membres des trois autres régions naturelles.

Guineematin.com : la campagne pour l’élection présidentielle vient de s’achever. Vous pensez qu’elle s’est passée dans les règles de l’art ?

Thierno Boubacar Sidighi Diallo

Thierno Boubacar Sidighi Diallo : vous savez, nous sommes des étrangers. Un bois a beau duré dans l’eau, il ne deviendra jamais caïman, nous enseigne-t-on. Nous avons des enfants qui sont nés ici, nous avons parmi nous, certains qui sont nés ici. Mais, par rapport à la campagne et même la présidentielle, nous nous sommes dits d’être neutre et de ne pas communiquer sur le processus. Nous souhaitons que nos compatriotes vivant à Dakar et qui ont acquis la nationalité aillent voter tôt le matin pour leur candidat et reviennent à la maison pour attendre patiemment les résultats. Maintenant, pour la campagne, celui qui ne va pas sur le terrain pour vivre les évènements ne saura vous dire avec exactitude ce qui s’est passé. Les informations que nous recevons, c’est toujours dans les médias, nous ne nous sommes pas rendus nous-mêmes sur le terrain. Si non, comme je l’ai dit tantôt, de notre côté, nous n’avons cessé de prier à la mosquée pour la bonne tenue de ce processus électoral ici au Sénégal.

Guineematin.com : nous savons que les guinéens sont très nombreux ici au Sénégal. Comment vous êtes organisé au sein de cette association ?

Thierno Boubacar Sidhigui Diallo : notre association se porte bien. Comme toutes les autres, c’est une organisation non gouvernementale, à but non lucratif. Nous n’avons pas de budget. Nous misons beaucoup plus sur le social. Celui qui était à la tête de l’union est décédé, c’est ainsi qu’on m’a porté à la présidence. Cependant, avant sa mort, il était un proche collaborateur au sein de l’Union. Depuis 1978, je travaille avec la communauté guinéenne vivant au Sénégal. Ce n’était pas moi qui était président, mais vous verrez que je travaillais depuis cette époque jusque maintenant en parfaite harmonie avec les membres. Et, c’est ce qui continu jusqu’à présent. Nous assistons aux baptêmes, nous assistons les gens quand il y a un décès, nous accueillions et assistons certains de nos proches qui sont dans des difficultés entre-autres.

Guineematin.com : quels étaient vos rapports avec Elhadj Mamadou Beau Keïta, l’ancien ambassadeur qui était là, puisqu’il a été rappelé ?

Thierno Boubacar Sidighi Diallo : nos relations avec l’ancien ambassadeur étaient que lorsqu’il y a une fête en Guinée, ou si quelqu’un est décédé et qu’on n’a pas pu l’identifier, ou s’il y a un hôte de marque guinéen qui arrive à Dakar, il nous communique et nous à notre tour, nous informons la communauté. Aussi, s’il y avait des cérémonies religieuses, il nous faisait appel, et on se retrouvait chez lui pour la lecture du saint Coran.

Guineematin.com : vous êtes à l’étranger. Quels sont vos rapports avec les autorités sénégalaises ?

Thierno Boubacar Sidighi Diallo : nous entretenons de très bonnes relations avec les autorités sénégalaises. Pourquoi ? Les décideurs savent que nous travaillons en parfaite harmonie avec les autorités religieuses, qui sont très bien écoutés et qui sont respectées ici. Le président sortant, Macky Sall aussi nous considère, il nous prend comme des sénégalais, il nous donne la paix du cœur dans ce pays.

Guineematin.com : dans une organisation, il y a toujours des difficultés. Quels sont les difficultés auxquelles vous êtes confrontés ici au Sénégal ?

Thierno Boubacar Sidhigui Diallo : oui, bien-sûr. Nous avons quelques difficultés. Les enfants qui sont nés ici, certains d’entre-eux ont leur père ou mère qui ont acquis la nationalité sénégalaise. D’autres par contre naissent ici, mais leur père et mère n’ont souvent pas la nationalité sénégalaise. Mais, les autorités sénégalaises ont, depuis près de trois mois environ, commencé à nous rendre difficile l’obtention de la carte d’identité pour les enfants dont je viens de vous parler. Avant, il n’y avait pas assez de contraintes dans l’obtention de ce sésame. Autre difficultés, certains de nos compatriotes sont souvent arrêtés et emprisonnés. D’autres sont arrêtés parce qu’ils ont violé les lois du pays, sans le savoir, il y en a c’est pour leur mauvais comportement. Mais le problème, ils sont souvent détenus pendant longtemps, sans qu’il n’y ait un jugement, sans qu’on ne sache même ce pourquoi ils sont arrêtés. Donc au sein de l’union, nous rencontrons ces difficultés avec les autorités du pays. Ça, nous aimerions que si le président sortant arrivait à être réélu, qu’il nous aide à régler ce problème.

Guineematin.com : on sait que vous êtes au Sénégal, mais vous suivez permanemment ce qui se passe dans notre pays. Quelle lecture vous faites de l’actualité guinéenne ?

Thierno Boubacar Sidighi Diallo : nous les guinéens vivant au Sénégal, comme vous constatez, à mes côtés la présence d’oustaze Moussa Conté à mes côtés, Hadja Diaraye Diallo, Thierno Mamadou Cellou, Hadja Kadiatou Cissé et tous les autres, c’est de cette façon que nous pensons à nos compatriotes restés au pays. Cette union, cette harmonie que nous connaissons ici au Sénégal entre guinéens, cela manque en Guinée. Il n y a pas de social, pas d’harmonie, pas d’entraide entre nos frères et sœurs en Guinée. La gouvernance, c’est une chaine, il n’y a pas que le président de la République. Quand nous partons en Guinée, après avoir franchi la frontière sénégalaise, nous sommes souvent exposés à des tracasseries au niveau des barrages guinéens. Ce qui n’est pas le cas ici au Sénégal.

Guieematin.com : quel message vous avez à lancer aux autorités et aux populations guinéennes ?

Thierno Boubacar Sidighi Diallo

Thierno Boubacar Sidighi Diallo : notre message à l’endroit des guinéens, c’est d’accepter de respecter la loi. Aux gouvernants, nous leur demandons d’avoir pitié des gouvernés. Que les forces de l’ordre, tous ceux qui sont au niveau des barrages, qu’ils arrêtent d’harceler les passagers. Souvent, la délivrance des cartes d’identité est interrompue et quand tu voyages, les agents au niveau des barrages te réclament la carte d’identité. Et quand tu présentes une carte dont la date est arrivée à expiration, on te soutire beaucoup d’argent. Ou bien quand tu présentes ta carte consulaire, les agents te disent qu’ils n’en ont pas besoin. Ça, nous exhortons les autorités guinéennes à y mettre fin. Notre souhait, c’est que de la manière dont on acquiert nos cartes consulaires ici, c’est de cette façon que nous aimerions acquérir nos cartes d’identité nationale et les passeports, c’est-à-dire ici à l’ambassade de Guinée au Sénégal, sans qu’on ne se déplace jusqu’en Guinée pour ces documents. Je remercie tous mes collaborateurs au sein de l’Union. Je remercie les présidents des quatre régions naturelles représentées au sein de l’Union : la Basse Guinée est représentée par Elhadj Fofana, la Haute Guinée par Elhadj Amara Kourouma, la Guinée Forestière par monsieur Nicolas et la Moyenne Guinée par Thierno Souleymane Barry, tous membres de l’union. Je remercie aussi mon adjoint, celui avec qui je fais pratiquement tout, Oustaze Moussa Conté. Je remercie aussi Hadja Diaraye Diallo et tous les autres.

Propos recueillis à Dakar par Ibrahima Sory Diallo et Alpha Fafaya Diallo, envoyés spéciaux de Guineematin.com

Tél. : (00221) 78 169 09 46

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