« Cellou Dalein n’est pas en sécurité en Guinée » (Fédération UFDG de Dakar)

La fédération UFDG de Dakar craint pour la vie de son leader, Cellou Dalein Diallo, en Guinée. Elle l’a fait savoir au cours d’un entretien que l’un de ses responsables, Ibrahima Diallo, a accordé à deux envoyés spéciaux de Guineematin.com dans la capitale sénégalaise.

Cette inquiétude des responsables locaux du parti fait suite aux deux attaques que le véhicule du chef de file de l’opposition a subies à Conakry. Ils dénoncent l’échec du pouvoir d’Alpha Condé et invitent les Guinéens à résister face aux velléités d’un troisième mandat pour l’actuel chef de l’Etat guinéen et à travailler ensemble pour bâtir une Guinéen paisible et développée.

Décryptage !

Guineematin.com : les Sénégalais viennent de sortir de l’élection présidentielle du 24 février 2019, remportée par le président sortant, Macky Sall. Vous êtes responsable politique guinéen et vous vivez à Dakar, quel constat avez-vous fait de l’organisation de cette élection ?

Ibrahima Diallo : oui, c’est une élection qui s’est très bien passée. C’est une élection calme et paisible. Les électeurs se sont rendus aux urnes et ont voté dans le calme et la sérénité, ils ont voté et sont rentrés à la maison, il n’y a pas eu de problèmes. On peut dire que c’est une élection exemplaire par rapport à beaucoup de pays africains.

Guineematin.com : quelle différence trouvez-vous entre l’organisation de cette élection et l’organisation des élections en Guinée ?

Ibrahima Diallo : bon, ça n’a rien à avoir avec ce qui se passe en Guinée parce qu’ici, ceux qui sont chargés d’organiser les élections, chacun joue son rôle correctement. C’est pourquoi il n’y a pas de violence, il n’y a pas de troubles. Chacun connait son rôle et chacun a sa tâche qu’il exécute de façon correcte.

Guineematin.com : le Sénégal est le pays qui regorge la plus forte communauté guinéenne à l’étranger, comment se porte l’UFDG dans ce pays ?

Ibrahima Diallo : l’UFDG est organisée ici en comités de base, en sections et en fédérations. Il y a deux fédérations : l’une se trouve en Casamance et l’autre à Dakar. On est bien organisé et il y a un fonctionnement correct. Les événements se font de façon structurée et le parti vit et fonctionne très bien au Sénégal.

Guineematin.com : quelles sont les différentes activités que vous menez sur le terrain ?

Ibrahima Diallo : il y a l’animation de la fédération qui est composée de 15 sections, qui elles aussi, ont des comités de base structurés comme indiqué dans les statuts et le règlement intérieur. Donc il y a de l’animation et il y a des événements qui se font régulièrement.

Guineematin.com : il y a d’autres partis politiques guinéens qui sont implantés ici au Sénégal. Quels rapports entretenez-vous avec ces partis ?

Ibrahima Diallo : vous savez, il y a quand même une culture au Sénégal, une culture de collaboration, de civilité. Donc, il n’y a aucun problème entre les partis politiques guinées implantés au Sénégal. Quand il y a des événements d’envergure, nous adressons des correspondances aux partis et nous collaborons. Et quand il y a des événements en Guinée, si ça nécessite une collaboration avec les autres nous le faisons.

Guineematin.com : depuis plus d’une semaine maintenant, le gouvernement guinéen mène une vaste opération de déguerpissement à Kaporo Rails (Conakry). De nombreuses familles ont vu leurs maisons démolies et elles se retrouvent aujourd’hui sans abris. Depuis le Sénégal, comment vous vivez cette situation ?

Ibrahima Diallo : c’est vraiment de la désolation, c’est inhumain ce que le gouvernement de Alpha Condé est en train de faire. Venir attaquer des gens, les déguerpir, casser leurs maisons et les laisser dans la rue sans aucune mesure d’accompagnement, c’est vraiment désolant. Nous voyons le côté irresponsable de ce gouvernement et notre pays est décrié à travers le monde en raison de tout ce qui se passe là-bas.

Guineematin.com : L’opposition républicaine dirigée par le président de l’UFDG, Cellou Dalein Diallo, a dénoncé cette opération et appelé le gouvernement à surseoir à ce déguerpir. Mais, certains ont opposé à cette sortie de l’opposition un discours de Cellou Dalein tenu en 1998 lorsque le premier déguerpissement a eu lieu à Kaporo Rails. A l’époque, votre leader aurait défendu le déguerpissement dans ce quartier. Qu’en dites-vous ?

Ibrahima Diallo : c’est de la pure manipulation. C’est uniquement de la manipulation. Aujourd’hui, on prend un enregistrement sonore qui a eu lieu en 1998, 21 ans avant aujourd’hui, et cet enregistrement sonore était lié à un programme d’ouverture de routes. Ce n’était pas pour chasser des gens, c’était pour tracer des routes et c’était clair. Si on prend aujourd’hui un discours du président Alpha Condé tenu en 1998 et on compare à ce qu’il est en train de faire en ce moment, c’est de la manipulation.

Elhadj Cellou Dalein est un homme de rigueur. C’est pour cette raison qu’il avait fait cette déclaration. Ce n’était nullement pour casser les maisons des citoyens et les laisser dans la rue. Mais pour justifier ce qu’ils sont en train de faire maintenant, on va chercher un discours de 1998 pour le présenter maintenant. Je dis que c’est dommage et c’est regrettable.

Guineematin.com : parlant toujours de Cellou Dalein Diallo, lors de son récent retour en Guinée, les forces de l’’ordre ont attaqué son véhicule et l’ont fortement endommagé. Lui-même aurait perdu momentanément conscience après avoir été aspergé de gaz lacrymogène. Est-ce que vous craignez aujourd’hui pour sa vie en Guinée.

Ibrahima Diallo : le président Cellou Dalein Diallo est en insécurité totale en Guinée. Le gouvernement qui est chargé de sécuriser les citoyens, à plus forte raison les leaders, a failli à son devoir. Sinon, comment voulez-vous, comment comprenez-vous que des forces de l’ordre chargent le véhicule du leader de l’opposition ? C’est extrêmement grave, nous sommes aujourd’hui dans une situation de chaos. Regardez ce qui se passe là-bas et comparez à ce qui se passe au Sénégal, vous avez dû le constater lors de votre séjour ici, il n’y a pas de policiers dans la rue. Et pourtant, c’est une élection présidentielle. Le lendemain de l’élection ici, tout le monde est allé au travail. Mais en Guinée, c’est extrêmement grave ce qui se passe là-bas c’est une dictature pure et simple.

Guineematin.com : le président Alpha Condé tend vers la fin de son second mandat à la tête de la Guinée, quel bilan tirez-vous de sa gouvernance ?

Ibrahima Diallo : je trouve que c’est une gestion chaotique. Alpha Condé est en train de gérer la Guinée comme si la Guinée était sa propriété, lui et son clan. Et, ce n’est pas comme ça qu’on soit gérer un pays. Ce n’est pas un homme d’Etat, c’est un professionnel de la politique qui joue sur la manipulation, la division ethnique et autre, pour rester au pouvoir. Après 9 ans, on se retrouve dans une situation beaucoup moins bonne que celle du temps de Lansana Conté. On est en train de regretter vivement Lansana Conté aujourd’hui.

Au départ on avait espoir qu’un Professeur soi-disant d’Université, venant de la Sorbonne ou je ne sais d’où, allait sortir la Guinée de l’ornière. Malheureusement, il l’a davantage enfoncée. On est dans un gouffre inexplicable. C’est un échec total pour Alpha Condé et son régime.

Guineematin.com : le débat autour d’un éventuel troisième mandat pour le président Alpha Condé est toujours en cours en Guinée. Quelle est votre position là-dessus ?

Ibrahima Diallo : vous savez, quand on obtient le pouvoir par la façon dont Alpha Condé l’a eu, en faisant de la manipulation et en utilisant des armes pour s’imposer, on ne voudra pas partir. Mais, c’est inacceptable ce que les promoteurs du troisième mandat veulent, on ne peut pas l’accepter. On ne peut pas accepter que monsieur Alpha Condé prétende à quel que mandat d’autre que ce soit, surtout que les deux mandats qu’il a eus, il les a usurpés. Tout le monde sait qu’il est venu au pouvoir avec 18%. Il n’a jamais dépassé 18%. En 1993 il a eu un score d’environ 18%, en 1998 c’était pareil. En 2010 aussi il n’a eu que ça.

Guineematin.com : quand vous dites : on ne va pas accepter que le président Alpha Condé fasse un troisième mandat, comment allez-vous empêcher cela ?

Ibrahima Diallo : le peuple de Guinée va se lever et résister, le peuple de Guinée va refuser cette manipulation en s’organisant, en manifestant dans la rue. Et cela, malgré les militaires qu’il a déployés un peu partout pour empêcher les manifestations. Mais, les militaires sont des citoyens guinéens, ils se rendront compte qu’ils sont en train d’aider un dictateur. Ce n’est pas une histoire de l’UFDG, ce sera une histoire du peuple qui va résister de façon résolue contre cette dictature.

Guineematin.com : avez-vous un dernier mot pour clôturer cet entretien ?

Ibrahima Diallo : j’appelle le peuple de Guinée : les jeunes, les femmes, les hommes, l’armée et la police et la société civile surtout, que chacun joue pleinement et convenablement son rôle. Ceux qui sont en train de se faire appeler société civile et qui jouent le jeu du pouvoir, nous leur disons d’arrêter et de penser au peuple de Guinée qui a tant souffert. 60 ans durant, nous avons souffert. Il faut que ça s’arrête. Nous voulons d’une Guinée paisible, une Guinée développée. Avec tout ce que nous avons comme potentiels, nous ne pouvons pas continuer à être à la traîne. Il faut qu’on se lève tous pour se battre pour qu’il y ait des élections libres et transparentes et un développement résolu pour notre pays.

Interview réalisée à Dakar par Alpha Fafaya Diallo et Ibrahima Sory Diallo, envoyés spéciaux de Guineematin.com

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