Kaporo Rails : des victimes racontent leur calvaire après le passage des casseurs

L’opération de déguerpissement au quartier Kaporo Rails, lancé le 20 février dernier par le gouvernement, a plongé de nombreux citoyens dans une situation misérable. Jetées dans la rue, plusieurs familles dorment désormais à la belle étoile. Rencontrées ce samedi 2 mars 2019, de nombreuses victimes disent avoir enregistré des pertes énormes, a appris sur place Guineematin.com à travers un de ses reporters.

Les victimes de l’impitoyable opération de déguerpissement de Kaporo Rails sont aujourd’hui désemparées. Les pertes subies sont immenses et les déguerpis ne savent plus où aller.

Diallo Ismaïl : « je suis là depuis 1991 et j’ai grandi ici. Vraiment, on a trop souffert. Je suis père de famille, marié à une femme et j’ai un enfant. J’ai perdu beaucoup de choses, c’est inestimable. C’est une perte que peux estimer à 70 millions de FG. Actuellement, je passe la nuit dehors. Ma femme et mon enfant sont partis logés chez nos parents à Kagbélen. Je me sens trop mal. Si je pense que je suis un Guinéen et que ce genre de choses m’arrive comme si j’étais un étranger. Il devrait nous avertit avant de démolir pour qu’on puisse se préparer. Mais, venir subitement avec force et vous dire quitter votre maison que vous avez construire dans la sueur, c’est très difficile pour moi. J’ai perdu ma maison qui était composée de 3 chambres et d’un salon ».

Elhadj Amadou Barry : « j’habite ce quartier avec ma famille depuis 1990. J’ai plus 20 enfants avec moi ici. Ils ne nous ont pas avertis de quitter les lieux à temps. Ils sont venus tout casser. Ça fait vraiment mal. On n’a pas où aller maintenant moi et ma famille. Avoir le manger, c’est un problème, à plus forte raison qu’on casse ta maison, c’est pour nous plonger dans la misère. Je demande une aide de la part des bonnes volontés, par que je ne pense pas si l’Etat va nous donner. Moi, j’ai perdu 2 bâtiments qu’on peut estimer à des milliards. Le premier bâtiment était composé de 6 chambres et 1 salon et le deuxième bâtiment était composé de 5 chambres. J’ai beaucoup d’enfants. Actuellement, ils sont éloignés de leur école, et vraiment le problème de transport nous fatigue. Il devrait attendre à la fermeture des classes pour déguerpir. Mais comme ça, nous avons de sérieux problème avec nos enfants. On a été même déguerpis par gaz lacrymogène. Je demande seulement aux bonnes volontés de me venir en aide. C’est triste! »

Bah Alhassane : « on a été déguerpis, on n’a pas de logement fixe. Nous sommes devenus des SDF (Sans domicile fixe) dans notre propre pays. Certains de nos familles sont à Démoudoula et d’autres sont à la Cimenterie. C’est pour dire que nous sommes dispersés. C’est comme ça qu’on passe la nuit actuellement. Nous sommes obligés d’accepter, on n’a pas le choix. Moi, je suis un étudiant à l’ENAM, avec cette distance, ça va jouer sur mon transport pour me rendre à l’école. Là où on était, j’avais un frère qui est véhiculé. Il me prenait tous les jours pour me déposer en ville. Mais actuellement, nous nous sommes dispersés par le déguerpissement. Je ne sais plus quoi faire. C’est mal à accepter mais, on n’a pas le choix. C’est une situation déplorable. Je suis très déçu par ce qu’il y’a environ une semaine que je ne pars pas à l’école. Je suis vraiment attristé et mon avenir est menacé. Pour mes frères qui font l’examen, leur sort est dans les mains de Dieu. Ils étudiaient juste dans les écoles qui sont près de nous. Mais actuellement, ils sont à Démoudoula et La Cimenterie. La liste des candidats est déjà déposée. Nous avons peur vraiment. On va essayer de les faire transférer dans d’autres établissements scolaires qui sont proches d’eux ».

Thierno Dioudia Baldé : « j’étudie à l’université de Kindia. Mes parents ont été victimes déguerpissement. J’ai été obligé d’arrêter les cours pour venir compatir à la douleur. Par ce qu’on a tout perdu. Ma famille est dispersée. D’aucuns sont à Kagbélen et d’autre à Sonfonia. Ça n’a pas de sens. Une famille est faite pour vivre ensemble. Et puis nous n’avons qu’une seule maison. On ne sait pas pour le moment où aller. C’est mon avenir qui est en danger. Puisque nous traversons une période difficile à l’université. On ne sait pas à qui demander de l’aide. L’Etat qui devrait venir nous donner, ce sont eux même qui viennent pour nous déguerpir. Maintenant, on se pose la question où aller, à qui demander de l’aide. Mon grand frère dispensait les cours dans une école privée ici. Mais maintenant, il va perdre son emploi, je pense. Tous les élèves qui étudiaient ici sont tous parti, les écoles sont vides. Je suis dans le désespoir ».

Diallo Adama Dian : « On est là depuis 1989. Nous avons été deux fois victimes de déguerpissement. On avait deux maisons. Lors du premier déguerpissement en 1998, on a perdu notre première maison. Une partie de notre famille a été obligé d’aller au village. Aujourd’hui encore, nous sommes victimes. Le vendredi dernier, on a reçu les gens ici en nous disant, quitter la maison. Donc, nous n’avons pas le choix. C’est l’Etat qui est fort. Pour l’instant, nous n’avons nulle part où aller. Au moins, si le gouvernement pouvait nous indemniser, ça serait mieux. Lors du déguerpissement en 1998, ils ont dit qu’il y’a eu des gens qui ont été indemnisés, mais personne n’a été indemnisée. L’information là est fausse. Si l’Etat avait débloqué une somme pour les victimes, nous n’avons rien vu comme dédommagement ».

Propos recueillis par Mohamed DORE pour Guineematin.com

Tél. : (00224) 622 07 93 59

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