Fête des femmes : zoom sur Djessira Diabaté, menuisière

En prélude à la journée internationale de la femme qui sera célébrée demain, jeudi 08 mars 2019, Guineematin.com donne la parole à des femmes qui se démarquent et parviennent à assurer leur autonomisation. C’est le cas de Djéssira Diabaté, l’une des rares femmes qui pratiquent la menuiserie à Conakry. Cette dame qui travaille dans l’ombre a accepté de se confier sur sa vie.

Décryptage !

Guineematin.com : vous pratiquez la menuiserie qui est un métier des hommes si on peut le dire ainsi, d’où est venue l’idée de se lancer dans ce métier ?

Djessira Diabaté : j’étais en terminale quand j’ai décidé d’arrêter les cours à l’école. J’ai étudié jusqu’au sixième mois de l’année scolaire, mais après le Bac blanc j’ai abandonné. Je ne voulais pas faire le Bac depuis l’ouverture au mois d’octobre, mais mes parents m’ont forcée à le faire. Je ne voulais pas faire le Bac parce que j’avais peur d’échouer.

Quand j’ai abandonné donc les cours peu avant le Baccalauréat, je me suis orientée à l’école professionnelle de Fria où j’ai suivi la formation des canadiens pendant trois ans. Après les trois ans, je me suis retrouvée encore dans le même centre professionnel pour être avec des ouvriers africains. Je voulais faire la technique et j’ai choisi la chaudronnerie.

J’ai fait deux mois avec monsieur Gombauld à la chaudronnerie et la menuiserie c’était monsieur Guy. Il y avait une fille qui faisait la menuiserie et moi la chaudronnerie. Les deux experts ont dit que la fille-là serait bien en menuiserie parce qu’elle a fait les sciences expérimentales. L’autre qui fait la menuiserie est bien en chaudronnerie parce qu’elle a fait les sciences mathématiques.

Ils ont fait un changement et l’ont expliqué au directeur du centre. Après ce changement, j’ai beaucoup parce que je ne voulais pas. Mais aujourd’hui, le bois c’est ma vie. Quand on m’a envoyée à la menuiserie, j’étais toujours parmi les trois premiers et l’autre fille était toujours première à la chaudronnerie.

Guineematin.com : après la formation, vous avez commencé à exercer immédiatement ou bien il y a eu une autre étape ?

Djessira Diabaté : pour démarrer cette activité, j’ai dû vendre des feuilles d’oignon afin de trouver un peu d’argent pour commencer à exercer mon métier. Je n’avais personne à qui je pouvais demander de l’argent et je ne voulais pas chômer. Je voulais être exemplaire en Guinée.

Guineematin.com : vous pratiquez ce métier depuis plusieurs années, qu’est-ce que cela vous a apporté ? Qu’est-ce qui a changé dans votre vie ?

Djessira Diabaté : je n’ai ni mère, ni père, et mon mari est décédé en 2012. Mais grâce à ce métier, je vis bien avec mes enfants. Je suis autonome. Ce que je gagne ici, c’est dans ça que je paie la scolarité de mes enfants, j’assure la dépense et le reste j’achète le madrier avec pour faire encore un lit ou bien une armoire.

Guineematin.com : est-ce que vous rencontrez des difficultés dans l’exercice de votre activité ?

Djessira Diabaté : bien sûr ! Les difficultés sont nombreuses. Parce que je n’ai pas tous les équipements qu’il me faut et je n’ai pas non plus d’argent. Donc, je souffre actuellement. J’ai l’envie et la détermination de travailler, de rendre un service à mon pays mais je n’ai pas de soutien. Je suis obligée d’employer beaucoup de force physique pour travailler parce que je n’ai pas de machines. J’achète le bois à Dabondy, je fais le sciage là-bas la nuit et j’envoie mes planches ici le matin. La seule machine avec laquelle je peux travailler, c’est la machine de façonnage. Tout le reste je le fais à la main.

Guineematin.com : l’humanité célèbre ce jeudi, 08 mars, la fête internationale de la femme. Une occasion de promouvoir l’émancipation des femmes et le respect de leurs droits. A cette occasion, que souhaitez-vous qu’on fasse pour les femmes de métier comme vous ?

Djessira Diabaté : c’est pour dire à la nation guinéenne que tout ce que l’homme fait, la femme peut le faire. Si on veut, on peut. Ce que je demande au gouvernement, au lieu de prendre les femmes intellectuelles pour les mettre devant à l’occasion du 08 mars, je crois que le gouvernement devait chercher les femmes techniciennes qui sont engagées dans la technique et installées sans l’aide du gouvernement. C’est elles qui doivent être devant et après les intellectuelles viennent maintenant nous accompagner.

S’ils ne font pas ça, ils auront commis une erreur. On doit mettre l’accent sur les femmes qui sont dans l’ombre et après on fait la Mamaya. Le 08 mars n’est pas une fête de Tabaski, ça c’est fête des femmes. Quand on dit des femmes, c’est toutes les femmes, on ne doit pas laisser les autres femmes derrière.

Guineematin.com : avez-vous un message à l’endroit des filles et femmes de Guinée ?

Djessira Diabaté : ce que je donne comme message aux femmes guinéennes, aux femmes africaines, c’est de se lancer dans la technique. Elles ne doivent pas mettre dans leur tête que la vie se limite sur les blancs ou dans les bureaux. Si tu fais la technique, tu peux travailler dans un bureau et tu peux travailler ailleurs. Je vais dire aux filles que la technique c’est leur destin parce que la technique ne ment pas comme la terre. Si tu travailles, tu vas gagner. Est-ce que je peux attendre quelqu’un pour m’embaucher ? Si j’ai un fonds, je peux travailler.

Interview réalisée par Siba Guilavogui pour Guineematin.com
Tel : 620 21 39 77/ 662 73 05 31

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