Tiguidanké Diaka Condé aux femmes : « arrêtez de sillonner les bureaux, allez travailler »

La célébration de la fête internationale des droits des femmes, ce vendredi 08 mars 2019, est l’occasion de magnifier le combat de la gent féminine. En Guinée, de nombreuses femmes parviennent à se hisser au sommet de la pyramide dans un environnement où leur marginalisation et lésion. C’est le cas de madame Traoré Tiguidanké Diaka Condé, conductrice de bus et d’engins lourds en service à l’aéroport international de Conakry Gbessia.

Dans un entretien accordé à un reporter de Guineematin.com madame Traoré Tiguidanké Diaka Condé est revenue sur ses débuts dans ce métier, sa vie de famille, les difficultés qu’elle rencontre, et autres….

Guineematin.com : comment avez-vous appris ce métier ?

Tiguidanké Diaka Condé : c’est une longue histoire. J’ai commencé à conduire à la SOTRAGUI en 2015, c’est là-bas qu’on m’a formé. Donc, après la SOTRAGUI, j’ai eu des contrats dans les institutions, notamment la fédération internationale de la Croix rouge au moment d’Ebola et à l’UNICEF. J’ai voyagé beaucoup, j’ai même fait le tour de la Guinée quand j’étais avec l’UNICEF.

Quand mon contrat est fini à l’UNICEF, j’ai postulé à l’aéroport international de Conakry Gbessia où j’ai été retenue par la société SOGEAC (Société de Gestion de l’Aéroport de Conakry). Donc là, j’ai fait d’abord le stage de huit (8) mois. Après ça, on m’a embauché. Actuellement, je travaille sur la piste : on roule les tapis, élévateurs etc. Je fais tout ça sur la piste.

Guineematin.com : ce métier est souvent réservé aux hommes. Comment en êtes-vous arrivée-là ?

Tiguidanké Diaka Condé : j’ai aimé ce métier depuis que j’étais petite. Je voulais même faire la Mécanique quand j’étais à l’école primaire. Mais, mon père m’a dit d’étudier d’abord. Arrivée au lycée, j’ai fait le bac un, mais je n’ai pas réussi au bac 2. Donc, je me suis dit d’arrêter. Je me suis mariée, j’ai fait des enfants, ils sont six aujourd’hui.

Mais, après quelque temps, j’ai décidé d’aller vers mon métier de rêve qui était la conduite. C’est ainsi que j’ai commencé à conduire à la SOTRAGUI. Mais avant, j’avais suivi des cours de conduite à la CEPERTAM. C’est là-bas que j’ai eu mon permis de conduite. C’est après ça que je suis allée à la SOTRAGUI. Et aujourd’hui, Dieu a fait que je suis à l’aéroport de Conakry.

Guineematin.com : vous êtes mariée, mère de six (6) enfants. Comment parvenez-vous à cumuler le ménage et vos activités professionnelles ?

Tiguidanké Diaka Condé : oui, ce n’est pas facile. Mais, comme mes enfants sont grands maintenant, certaines peuvent préparer. Moi aussi, le jour de mon repos, je prépare pour mon mari. Mais vraiment, je n’ai pas de problème dans mon ménage. J’assume (rires).

Guineematin.com : quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes souvent confronté ?

Tiguidanké Diaka Condé : dans ce métier, je peux dire non. Parce que vous savez, si une femme apprend les métiers des hommes, elle est favorisée. Donc pratiquement, depuis la SOTRAGUI jusqu’ici, moi je n’ai pas rencontré de difficultés. Parce qu’ici, je ne me presse pas. Je fais mon travail comme il le faut.

Donc, les engins que je conduis ici à la SOGEAC, je les conduis facilement. Parce qu’ici même, c’est automatique. Sinon, partout où je suis passé, c’était avec des engins manuels que je travaillais. Alors qu’ici, c’est automatique, donc je n’ai aucune difficulté.

Guineematin.com : vous avez franchi plusieurs étapes avant d’être à l’aéroport. Quels sont vos projets ?

Tiguidanké Diaka Condé : oui, j’ai beaucoup d’ambitions. Mais vous savez, toutes les choses ont un moment. J’ai un projet qui me tient à cœur. C’est de créer une société de transport ; mais, une société où ne travailleront que les femmes. Que tu sois contrôleuse, receveuse, tout le personnel ne sera que de femmes. Mais, vous savez en Guinée ici, ce n’est pas facile. Tu peux monter un projet, mais si tu n’as pas les fonds, difficilement ça marche. Donc, je suis patiente, peut-être que Dieu garde quelque chose pour moi.

Guineematin.com : est-ce que vous avez un message particulier à l’endroit des femmes à l’occasion de cette fête des femmes ?

Tiguidanké Diaka Condé : oui, j’ai un message pour les femmes. Une femme ne doit pas rester que pour préparer. Une femme doit se battre, faire comme les hommes ou plus. Déjà, je salue le courage des femmes guinéennes. Il y a aujourd’hui des femmes ministres, des femmes entrepreneures, des femmes peintres, etc. Donc, je dis aux femmes de sortir pour travailler. Quand tu finis de préparer, tu dois sortir travailler.

La femme ne doit pas s’assoir toujours à la maison pour dire, merci monsieur. Je prends l’exemple sur moi-même. Je suis mariée bien-sûr, mais mon mari, quand il rentre souvent à la maison, il trouve que j’ai fait des choses que lui devait faire. Cela est dû au fait que je travaille. Le mari ne peut tout donner à sa femme, souvent il peut être coincé. Mais, si toi tu es à la maison, tu attends seulement, ce n’est pas bon. Parce que je le jour où le mari est coincé, comment tu pourras lui venir en aide ?

Donc, les femmes doivent travailler. L’autre problème, les femmes guinéennes sont complexées, elles ne veulent pas faire le boulot des hommes. Moi je leur demande de sortir et de prendre l’exemple sur moi. Parce que j’ai appris le métier des hommes et je n’ai jamais chômé. Donc, je demande aux femmes qui prennent les sacs et sillonner dans les bureaux d’arrêter et d’aller travailler.

Je leur demande de prendre leur courage à deux mains et de travailler comme moi. Je demande au président de la République, le professeur Alpha Condé, d’autonomiser les femmes. Je souhaite qu’il le fasse, parce qu’il y a beaucoup de femmes qui ont des projets. Mais, si on n’a pas de soutien, si on n’a pas l’aide du gouvernement, on ne pourra rien.

Propos recueillis par Ibrahima Sory Diallo pour Guineematin.com

Tél. : (00224) 621 09 08 18

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