Déclaration des biens des hauts cadres de l’Etat : voici le rapport de l’audit mené par le Balai Citoyen sur la question

SOCIETE CIVILE GUINEENNE

Cellule Balai Citoyen (CBC)-Guinée
      Siège social :
Coleah-Lansebougni/Guinée-Conakry

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RAPPORT SYNHESE DE L’AUDIT CITOYEN SUR LA DECLARATION DES BIENS DES HAUTES PERSONNALITES DE LA REPUBLIQUE  

(ARTICLE 36 DE LA CONSTITUTION)

  1. Contexte

Cinq ans après l’élection présidentielle de 2010, la Guinée a organisé un deuxième scrutin présidentiel le 11 octobre 2015 qui a vu la réélection du Président sortant. Mais il faut rappeler que pendant le premier mandat du Président de la République, aucune déclaration des biens, ni de publication n’avait été faite conformément à la Constitution en son Article 36. Celui-ci stipule : « Après la cérémonie d’investiture et à la fin de son mandat, dans un délai de quarante-huit (48) heures, le Président de la République remet solennellement au Président de la Cour Constitutionnelle la déclaration écrite sur l’honneur de ses biens.

Les Ministres avant leur entrée en fonction et à la fin de celle-ci déposent à la Cour Constitutionnelle la déclaration sur l’honneur de leurs biens. La déclaration initiale et celle de la fin de mandat ou des fonctions sont publiées au Journal Officiel. Les dispositions du présent article s’appliquent au Président de l’Assemblée Nationale, aux premiers responsables des institutions constitutionnelles, aux Gouverneurs de la Banque Centrale et aux responsables des régies financières de l’Etat ».

Ainsi, par l’intermédiaire d’une lettre ouverte, la Cellule Balai Citoyen a interpellé le Président de la Cour Constitutionnelle sur le respect de l’Article 36 de la Constitution. Le Président de la République s’est acquitté de cette obligation le 6 janvier 2016 et a promis que les Ministres et tous les responsables des institutions et régies en feront autant, conformément à la loi. 

Constatant que l’application des principes liés aux procédures de déclaration des biens pourrait connaitre des difficultés dans sa mise en œuvre, la Cellule Balai Citoyen a demandé la mise en place urgente de la Cour des Comptes au Président de la République le 7 janvier 2016. Cette institution a été mise en place et ses membres nommés le 8 janvier 2016.

Le 28 janvier 2016, lors d’une séance dans le but de suivre la progression du processus de déclaration et de publication des biens, il a été donné de constater qu’un certain nombre de facteurs seraient susceptibles de bloquer le processus de déclaration et de publication des biens. L’analyse avait révélé que non seulement persistait une mauvaise compréhension du champ d’application de l’Article 36, mais aussi que des récupérations politiques pourraient en être faites en rapport avec les préambules de la Constitution qui stipule « le Peuple de Guinée réaffirme sa volonté de promouvoir la bonne gouvernance et de lutter résolument contre la corruption et les crimes économiques. Ces crimes sont imprescriptibles ». Cette dernière disposition fait peur et crée des suspicions au sein des entités concernées à tous les niveaux.

Pour forcer le respect de l’application de cette disposition constitutionnelle pour la première fois en Guinée, il a été jugé nécessaire d’avoir un consensus social national avec l’ensemble des acteurs de la vie nationale. La Cellule Balai Citoyen a pris l’initiative d’organiser dans ce sens des journées d’échanges entre les acteurs de la vie nationale sur l’application de l’Article 36 relatif à la déclaration et la publication des biens par les hautes autorités du pays. Ces journées ont servi de cadres pour l’information, le renforcement de capacités et les sensibilisations des acteurs de la vie nationale sur l’importance de la déclaration des biens.

Le point de départ était le fait qu’accepter d’assumer des mandats ou fonctions visés par l’Article 36 de la Constitution implique obligatoirement de faire la déclaration sur l’honneur de ses biens et les publier conformément à la loi. Ces rencontres ont été également mises à profit pour revenir sur les sanctions encourues pour la violation de cette disposition constitutionnelle ainsi que le rôle et la responsabilité des institutions dans le processus de déclaration et de publication des biens.

En dépit de tous ces efforts, cette prévision constitutionnelle n’a pas connu à cette époque une application effective dans la mesure où la grande majorité des personnes concernées ne se sont pas acquittées de ce devoir.

Dans le même élan, la Cellule Balai Citoyen a adressé une lettre ouverte en 2018 au Président de la Cour Constitutionnel après la formation du nouveau gouvernement, où se trouve à la tête le Docteur Ibrahima Kassory Fofana, pour l’interpeller par rapport au respect de l’Article 36 de la Constitution.

Au niveau de la méthodologie adoptée pour la réalisation de ce rapport d’audit citoyen sur la déclaration des biens des hautes personnalités de la République, conformément à l’Article 36 de la Constitution, il est important de savoir que la Cellule Balai Citoyen a commencé à entreprendre ce travail d’ampleur en décembre 2015 pour ne l’achever qu’en février 2019. Les fruits de ce travail découlent donc d’un long et rigoureux processus de collecte et d’analyse. Les données qui constituent ce rapport ont été récoltées à la suite d’enquêtes et d’investigations entreprises par l’administration technique de la Cellule Balai Citoyen en collaboration avec ses consultants et certains médias.

Un atelier regroupant les personnes et entités touchées par l’Article 36 afin de leur expliquer le bien-fondé de notre démarche ainsi que des rencontres avec la Cour Constitutionnelle, la Cour des Comptes et le Ministre en charge des relations institutionnelles eurent lieu. L’ensemble de ces différents échanges, mises en relation et recherches a permis à la Cellule Balai Citoyen de mettre en place un système de récolte de données fiables afin de vérifier le respect de l’Article 36 de la Constitution, disposition majeure de lutte contre la corruption et de moralisation de la gestion de la vie publique.

Des avancées considérables ont été constatées dans l’application de ce principe après que lui-même, chef de gouvernement, se soit acquitté de ce devoir constitutionnel. Mais il faut cependant préciser que de gros efforts restent à fournir par rapport au respect effectif de cette disposition constitutionnelle car nombreux sont les Ministres du gouvernement, responsables des institutions et régies financières qui continuent à être en conflit avec la loi par rapport à cette disposition.

  • Considérant au plan universel que le Contrôle Citoyen de l’Action Publique (CCAP) tire principalement sa source de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, selon laquelle tous les citoyens ont le droit « de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique [et] d’en suivre l’emploi » (art.14) ;
  • Considérant de même que l’Article 15 de cette Déclaration énonce que « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration » ;
  • Considérant le préambule de la Constitution, le peuple de Guinée réaffirme sa volonté de promouvoir la bonne gouvernance et lutter résolument contre la corruption et les crimes économiques. Ces crimes sont imprescriptibles. La Constitution affirme son opposition à la corruption et à l’injustice ;
  • Considérant le protocole additionnel de la CEDEAO sur la bonne gouvernance et la démocratie ;
  • Considérant l’Article 21 alinéa 2 de la Constitution qui dispose « Il (Le peuple) a un droit imprescriptible sur ses richesses » ;
  • Considérant l’Article 26 de la Constitution qui dispose « Quiconque occupe un emploi public ou exerce une fonction publique est comptable de son activité, et doit respecter le principe de neutralité du service public. Il ne doit user de ses fonctions à des fins autres que l’intérêt de tous » ;
  • Considérantla Convention des Nations Unies contre la corruption adoptée le 31 octobre 2003 ;
  • Considérantla Convention de l’Union Africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption adoptée le 11 juillet 2003 à Maputo ;
  • Considérant la loi L013/2005 du 04 juillet sur le régime des associations en République de Guinée ;
  • Considérant la loi L/2017/041/AN du 04 juillet 2017 portant prévention, détection et répression de la corruption et des infractions assimilées, se référant des Articles 2, 9, 30, 32, 60, 61, 94, 100 et l’arsenal répressif d’autres lois organiques ;     
  • Conscients de la nécessité de respecter la dignité humaine et d’encourager la promotion des droits économiques, sociaux et politiques, conformément aux dispositions de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, et des autres instruments pertinents concernant les droits de l’Homme ;
  • Préoccupés par les effets négatifs de la corruption et de l’impunité sur la stabilité et le développement politique, économique, sociale et culturelle de la Guinée ;
  • Reconnaissant que la corruption compromet le respect de l’obligation de rendre compte et du principe de transparence dans la gestion des affaires publiques, ainsi que le développement socio-économique de la Guinée ;
  • Conscients de la nécessité de s’attaquer aux causes profondes de la corruption en Guinée ;
  • Convaincus de la nécessité de mettre en œuvre en priorité une politique pénale pour protéger la Guinée contre la corruption et les détournements de deniers publics par une lutte sans merci contre les prédateurs de l’économie ;

Nous vous présentons le rapport d’audit citoyen de la plateforme de jeunesse Cellule Balai Citoyen dont les travaux ont duré 26 mois.

  • Situation globale du niveau de respect et d’application de l’Article 36 portant sur la déclaration des biens

Cette partie du rapport dresse des tableaux qui édifient la situation globale du niveau de déclaration des biens stipulé à l’Article 36 de la Constitution par les membres du gouvernement, les responsables des institutions républicaines et les responsables des établissements publics et parapublics en République de Guinée. Ils renseignent sur les personnes, les fonctions qu’elles occupent, et les périodes de déclaration pour les cas de ceux qui l’ont fait. Également, ils permettent d’avoir de larges connaissances sur le niveau de violation de cette disposition et les personnes responsables.

DECLARATION SUR L’HONNEUR DES BIENS DES HAUTS CADRES DE L’ETAT A LEUR ENTREE ET A LEUR SORTIE

  1. Présidence de la République
  2. Institutions Constitutionnelles
  3. Gouvernement Mamady Youla
  4. Gouvernement Ibrahima Kassory Fofana
  5. Gouverneur de la Banque Centrale de la République de Guinée
  6. Régies Financières
  • RECOMMANDATIONS

A l’issue de cette enquête sur la déclaration sur l’honneur des biens des responsables avant leur entrée en fonction et à la fin de celle-ci, la Cellule Balai Citoyen soucieuse du respect de la Constitution, la lutte contre la corruption, la promotion de la bonne gouvernance et de la transparence dans la gestion du patrimoine public, formule les recommandations suivantes :

  • L’application stricte et intégrale des textes de lois de la République ;
  • Une large communication autour de l’Article 36 de la Constitution et de la loi L/2017/041/AN du 04 juillet 2017 portant prévention, détection et répression de la corruption et des infractions assimilées ;
  • L’application stricte de l’Article 29 alinéa 5 de la loi organique L/2011/006/CNT du 10 mars 2011 portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle ;
  • L’application stricte de l’Article 3 alinéa 4 de la loi organique L/2013/046/CNT du 18 janvier 2013 portant organisation, attributions et fonctionnement de la Cour des Comptes et le régime disciplinaire de ses membres ;
  • Elaboration et mise en vigueur par le Chef de l’Etat sur proposition du Premier Ministre et Chef du Gouvernement de la loi L/2017/041/AN du 04 juillet 2017 portant prévention, détection et répression de la corruption et des infractions assimilées ;
  • La publication au journal officiel de la République de la déclaration sur l’honneur des biens des responsables concernés par l’Article 36 de la Constitution ;
  • Au Procureur de la République, en tant que garant des préoccupations des citoyens, de veiller conséquemment à l’application stricte de cette disposition constitutionnelle et, à tout moment et tout lieu, de mettre en mouvement les cadres indélicats qui ne se prêtent pas à l’application de cette disposition ;
  • A l’Agence Nationale de Lutte contre la Corruption, l’arrêt total de tout atelier de sensibilisation et d’information sur les méfaits de la corruption, d’agir contre tous prédateurs de l’économie afin de regagner la confiance des citoyens ;
  • Veiller afin que les écarts entre la déclaration initiale et celle de fin de fonction soient dument justifiés ;
  • Accentuer la participation de la Société Civile dans la lutte contre la corruption.

Très prochainement suivra la publication du rapport d’audit citoyen sur la déclaration des biens des membres du gouvernement Mamadi Youla, gouvernent Dr Ibrahima Kassory Fofana, les responsables de la Banque Centrale, de l’Assemblée Nationale, des institutions constitutionnelles et des établissements publics et parapublics.

LES STATISTIQUES GLOBALES DE L’AUDIT

No Entité Concernés Déclarés entrées Pas infos entrées Déclaré sortie Pas infos sortie Reconduits déclaré Reconduits non infos Pourcentage
01 Régie financière 25 01 24 ——- ——- ——- —– 4 %
02 BCRG 01 01 00 —– —– —– —– 100%
03 Institution Constitutionnelle 11 10 01 —– —– —– —– 90,90%
04 Gouvernement Kassory Fofana 35 24 11 01 —– —– —– 34,28%
05 Gouvernement  Mamady Youla 34 28 06 05 15 08 06 33 ,32%
06 Présidence de la République 03 03 00 —– —– —– —– 100%
Totaux 109 67 42 06 15 06 06 60,41%

CITOYEN

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