Déguerpissement à Conakry : une partie de Bambéto aussi dans le viseur

L’opération de déguerpissement, lancée depuis quelques semaines à Kaporo Rails et Kipé 2, dans la commune de Ratoma, se poursuit impitoyablement sur le plateau de Koloma. Les agents du Ministère de la Ville et de l’Aménagement du Territoire continuent de marquer au rouge les bâtiments sur les lieux. C’est le cas du secteur Campema, à Koloma 1, où les citoyens sont plus que jamais désemparés, a constaté sur place Guineematin.com à travers un de ses reporters.

Dans le quartier Koloma 1, secteur Campema, à quelques pas des tours jumelles de Bambéto, plusieurs bâtiments sont marqués d’une croix. Les propriétaires ont reçu un délai de trois jours pour quitter les lieux. Là, tout le monde s’active à plier bagages. Les uns démontent portes et fenêtres, les autres décoiffent les toits.

Elhadj Marouf Barry, membre du conseil de quartier de Koloma 1 depuis 1982, fait partie des victimes. Il habite la zone depuis le mois septembre 1956. Pour lui, aucune proposition de dédommagement ou de recasement ne lui a été encore faite. « Depuis 1982, je suis membre du conseil de quartier ici, en même temps imam de la grande mosquée de la place. Pendant 20 ans, je dirige la prière ici. Moi, je suis venu à Conakry en 1956.

Quelques temps après mon arrivée, je me suis vu avec les cultivateurs de la zone. Je leur ai demandé de m’aider à avoir un domaine où cultiver. Et ça, c’était le 12 mars 1972. C’est ce qui est mis dans la donation de mon domaine. Quand ils ont commencé le déguerpissement à Kaporo Rails en 1998, ils nous ont dit que Kaporo rails est une zone réservée et par là, c’est un espace vert.

Ainsi, ils étaient venus casser plusieurs bâtiments, mais ils n’avaient pas touché nos bâtiments qui sont par là. C’est au niveau des tours jumelles qu’ils s’étaient limités. Tous les bâtiments que j’ai, aucun n’a été touché et je n’avais pas déménagé. La deuxième République a mis des croix sur mes bâtiments là, mais on ne m’a rien dit jusqu’à présent comme pour dire qu’on va me dédommager ou non.

Cette fois-ci, ils sont venus encore mettre des croix et nous donner un délai de trois jours alors que moi j’ai deux bâtiments ici. Mais comment on va faire maintenant ? Nous n’avons qu’ici. On ne nous a proposé ni dédommagement, ni recasement. Nous demandons aux bonnes volontés de nous aider », a plaidé Elhadj Marouf Barry.

Pour sa part, Thierno Souleymane Bah, originaire de la préfecture de Télimélé, estime que les citoyens qu’on est entrain de chasser de leurs domiciles ne sont pas sous-couvert du gouvernement. Pour lui, un délai de trois jours n’est pas suffisant pour un déguerpissement normal. « J’occupe le bâtiment de mon papa construit en 2000. Un bâtiment de trois chambres, un salon et un magasin.

Mais, c’est seulement hier qu’on a vu une équipe composée de gendarmes et de policiers, venir mettre des croix sur nos bâtiments sans même nous regarder. Ils ont commencé par discuter entre eux. Puis, un d’entre eux, habillé en veste, donna l’ordre de mettre les croix. Actuellement, on plie nos bagages et on cherche vers où se diriger pour les garder », a dit monsieur Bah.

En outre, Thierno Souleymane Bah déplore l’attitude du pouvoir qui n’a pas pitié des citoyens qu’il est censé protéger. « Je dirai au gouvernement que le déguerpissement ne doit pas se faire comme ça. Le gouvernement estime qu’on ne fait pas partie de la population guinéenne, nous ne représentons rien pour l’Etat.

Même si c’est des poules, il faut leur trouver un poulailler. Si c’est vrai que nous sommes de la nation qu’il commande, il n’allait pas agir ainsi contre nous, comme un troupeau de bétail. C’est vrai que ça peut être une zone réservée mais nous, nous souhaiterions que le délai soit beaucoup plus raisonnable qu’il l’est », a-t-il laissé entendre.

Mamadou Bhoye Laafa Sow pour Guineematin.com

Facebook Comments Box