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Déguerpissement à Kaporo rails, Kipé 2 et Koloma 1 : ce que la CGCPI demande au gouvernement

L’impitoyable opération de déguerpissement à Kaporo rails, Kipé 2 et Koloma 1, dans la commune de Ratoma, ne laisse personne indifférent. Dans une déclaration rendue publique ce jeudi, 28 mars 2019, la Coalition Guinéenne pour la Cour Pénale Internationale (CGCPI) a fait savoir qu’elle s’engage auprès du gouvernement guinéen pour traduire en justice tous les fonctionnaires impliqués dans la vente de ces domaines de l’Etat aux citoyens, a appris Guineematin.com à travers un de ses reporters.

Au-delà de l’émotion suscitée par la stratégie utilisée par le gouvernement pour casser les maisons des citoyens dans ces quartiers, l’opinion s’est indignée sur le fait que les victimes se soient fait avoir par les cadres qui leur ont vendu ces domaines. De nombreux guinéens ont réclamé des enquêtes pour situer les responsabilités.

C’est dans cette logique que s’inscrit la Coalition Guinéenne pour la Cour Pénale Internationale (CGCPI). Dans une déclaration rendue publique ce jeudi à la Maison de le Presse, la CGCPI demande au gouvernement de prendre en charge les victimes.

Ci-dessous, Guineematin.com vous propose l’intégrité de la déclaration :

La Coalition Guinéenne pour la Cour Pénale Internationale ( CGCPI ) rappelle, qu’il y a de cela 21 ans, l’Etat guinéen procédait à une opération de déguerpissement des populations habitant le plateau de Koloma, ce, à des fins de récupération d’un domaine de 267,5 hectares qu’il a déclaré réserve foncière de l’Etat suivant décret N°182/PRG/SGG/89 du 16 octobre 1989, décret modifié et complété par le décret N°211/PRG/SGG/89 du 23 novembre 1989 portant création de réserves foncières au profit de l’Etat et autorisant l’ouverture de routes à Conakry…

A l’époque, le dossier Kaporo-rails avait fait l’objet d’une forte campagne de récupération politique et d’instrumentalisation dont le résultat avait débouché sur des actes de violences qui ont été accompagnés par de nombreux cas de violation des droits de l’Homme, notamment l’usage abusif de la force, des arrestations et détentions arbitraires et des scènes de tortures sur des opposants au régime de la deuxième République de feu Général Lansana Conté. Les tristes souvenirs de cette action sont encore présents dans les mémoires de tous les guinéens.

Pourtant, si l’Etat doit récupérer des domaines occupés par ses citoyens, il est de son devoir d’utiliser des procédures légales et humaines tout en intégrant la dimension droits humains dans la manière d’opérer.

Or, notre organisation constate que les agents de l’Etat ont effectué cette opération de déguerpissement dans la violence et le mépris à l’égard de ses propres citoyens, alors que toute action politique doit être entreprise pour améliorer le cadre de vie des populations et non le dégrader.

Dans cette opération de déguerpissement, d’après les victimes, la situation provisoire se présente de la manière suivante : 924 concessions détruites, 12.324 personnes concernées dont 1224 élèves, 13 écoles, 14 lieux de cultes. Il faut également relever un certain nombre de blessés suite aux exactions des forces de sécurité. Le cas de Madame Aissatou Bella Diallo, qui a été atteinte gravement au niveau de son visage, est illustratif.

Une telle attitude des forces de sécurité viole les dispositions de l’article 141 de notre Constitution du 07 mai 2010 qui dispose que : « Les forces de défense et de sécurité sont républicaines. Elles sont au service de la nation. Elles sont apolitiques et soumises à l’autorité civile. Nul ne doit les détourner à ses fins propres »

Pourtant, force est de reconnaître que depuis le déguerpissement de 1998, le gouvernement guinéen n’a presque rien entrepris en vue de viabiliser entièrement les lieux en y édifiant des constructions d’utilité publique. Durant toutes ces années, le site est resté dans un état de délabrement que des cadres de l’Etat et de la commune ont exploité à leurs fins personnelles.

Pour preuve, en plus de quelques bâtiments qui avaient été épargnés lors la démolition des constructions en 1998, des citoyens guinéens exerçaient des activités économiques qui leur permettaient de gagner dignement leur vie et ceux-ci versaient mensuellement de l’argent à des personnes qui n’avaient aucun droit de tirer profit du site.

Cependant, l’Etat n’a jamais cherché à poursuivre et sanctionner ces cadres véreux qui se sont servis du site alors que l’argent généré par son exploitation aurait servi à recaser quelques citoyens affectés par le déguerpissement sur d’autres parties du territoire national.

Par ailleurs, la Coalition Guinéenne pour la Cour Pénale Internationale rappelle que le logement est un droit fondamental de l’homme que l’Etat a le devoir de promouvoir s à travers une politique permettant la construction de logements sociaux en faveur de ses travailleurs et de ses citoyens.

C’est pourquoi, la Coalition Guinéenne pour la Cour Pénale Internationale, soucieuse de la protection des droits des populations face à tous les excès des pouvoirs publics, interpelle le gouvernement guinéen sur ses obligations internationales en matière de promotion des droits humains notamment le droit au logement, à la santé, à l’emploi et à l’éducation, droits reconnus par notre Constitution du 07 mai 2010 en ses articles 5 à 26. En la matière, les articles 15,19, et 23 de la Constitution prévoient respectivement que :

« Chacun a droit à la santé et au bien-être physique. L’Etat a le devoir de les promouvoir, de lutter contre les épidémies et les fléaux sociaux » (article 15)

« La jeunesse doit être particulièrement protégée par l’Etat et les collectivités contre l’exploitation et l’abandon moral, l’abus sexuel, le trafic d’enfant, et la traite humaine. Les personnes âgées et les personnes handicapées ont droit à l’assistance et à la protection de l’Etat, des collectivités et de la société. La loi fixe les conditions d’assistance et de protection auxquelles ont droit les personnes âgées et les personnes handicapées ». (Article 19)

« Il assure l’enseignement de la jeunesse qui est obligatoire » (articles 23 alinéa 8)

« Il crée les conditions et les institutions permettant à chacun de se former » (articles 23 alinéas 9).

Parlant des instruments juridiques internationaux, et à titre purement illustratif, les articles 26 de la Déclaration Universelle des droits de l’Homme du 10 décembre 1948, 12 et 13 du Pacte International Relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturelles des Nations Unies du 16 décembre 1966 disposent respectivement que :

« Toute personne a droit à l’éducation. L’éducation doit être gratuite au moins en ce qui concerne l’enseignement élémentaire et fondamental. L’enseignement élémentaire est obligatoire » (article 26 de la Déclaration universelle).

« Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale… » (Article 12 du Pacte de 1966)

« Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent le droit de toute personne à l’éducation… » (Article 13 du Pacte de 1966)

La CGCPI rappelle au Gouvernement qu’aucune situation d’exception ou d’urgences ne doit justifier les violations des droits humains (article 6 de la Constitution).

Pourtant, les opérations de déguerpissement des populations de Kaporo-rails et de Kipé2 risquent d’empêcher beaucoup d’enfants de continuer leurs études car la priorité de leurs parents est comment se trouver un nouveau logement.

Ces enfants des familles déguerpies sont aussi protégés par le code de l’enfant et la convention internationale relative aux droits de l’enfant. Il est du devoir de l’Etat de créer les conditions pour leur permettre de continuer leurs études.

La Coalition Guinéenne pour la Cour pénale internationale interpelle également le gouvernement sur la nécessité de publier les preuves d’indemnisation des populations qui se sont installées sur le site de Kaporo-rails et de Kipé II avant 1989, et d’indemniser celles qui n’ont pas été indemnisées, ce, conformément à l’article 04 du décret N°211/PRG/SGG/89 du 23 novembre 1989 précité et l’article 1 de la Constitution du 07 mai 2010 : « Le droit de propriété est garanti. Nul ne peut être exproprié si ce n’est dans l’intérêt légalement constaté de tous et sous réserve d’une juste et préalable indemnité».

L’Etat, caractérisé par le principe de la continuité, et les archives disponibles, un tel exercice rétablirait la confiance perdue chez les citoyens de Kaporo-rails et prouverait à l’opinion nationale et internationale le caractère légal de l’opération de déguerpissement.

La Coalition Guinéenne pour la Cour Pénale Internationale souhaite que l’affaire Kaporo-rails et de Kipé II inspire le Gouvernement dans les prochaines étapes de récupération de ses autres réserves foncières pour éviter une démultiplication de la frustration.

La CGCPI s’engage à agir auprès du Gouvernement guinéen pour traduire en justice tous les fonctionnaires qui seraient impliqués dans des activités de corruption liées aux attributions et cessions des parcelles dans la zone de Kaporo-rails et de Kipé II, car les crimes économiques sont imprescriptibles, comme le prévoit le Préambule de notre Constitution du 07 mai 2010 : « Le peuple de Guinée réaffirme…..sa volonté de promouvoir la bonne gouvernance et de lutter résolument contre la corruption et les crimes économiques. Ces crimes sont imprescriptibles ».

En considération de tout ce qui précède, la Coalition Guinéenne pour la Cour Pénale Internationale demande à l’Etat guinéen :

-De procéder au recasement et à l’indemnisation des populations victimes du déguerpissement de Kaporo-rails, de Kipé II et Koloma,

-D’allouer aux familles déguerpies de moyens matériels et financiers leur permettant de faire face aux besoins humanitaires fondamentaux y compris les études des enfants qui sont à l’approche de leurs examens,

-De réfléchir en vue de l’organisation, dans les meilleurs délais, d’une conférence nationale sur le foncier en République de Guinée.

-De promouvoir et ou vulgariser, en français et en langues nationales, les textes fondamentaux régissant le foncier en Guinée, notamment le Code civil, le Code foncier et domanial, le Code minier, le Code révisé des collectivités locales, le Code de l’habitat, le Code de la construction

Aux partenaires bis et multilatéraux de la Guinée

-D’assister la Guinée afin de trouver des solutions équitables par rapport au foncier dans notre pays ;

Aux organisations de la société civile et aux associations de victimes

-D’œuvrer pour la promotion et la protection des droits de l’homme en la matière.

Propos recueillis et décryptés par Mamadou Bhoye Laafa Sow pour Guineematin.com

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