Menace de grève du SNAESURS : « nous donnons 10 jours au gouvernement »

Lansana Yansané, secrétaire administratif par intérim et porte-parole de du SNAESURS

Alors que le SLECG décide de déclencher une nouvelle grève générale et illimitée à partir de demain, mercredi 10 avril 2019, le SNAESURS aussi menace de lui emboîter le pas. Les deux syndicats rivaux tentent, chacun, de mettre la pression sur le gouvernement autour de la désormais lancinante question du recensement des enseignants, en service dans les institutions d’enseignement supérieur du pays.

Si le SLECG va en grève pour exiger le recensement des enseignants du supérieur conformément au protocole d’accord qu’il a signé avec le gouvernement en janvier dernier, le SNAESURS réclame tout le contraire. Le syndicat national autonome de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique demande à ce que le SLECG ne soit pas impliqué dans le recensement des enseignants du supérieur.

En plus de cela, la structure syndicale a plusieurs autres points de revendications visant l’amélioration de la qualité de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Pour en parler, Guineematin.com a reçu ce mardi, 09 avril 2019, Lansana Yansané, secrétaire administratif par intérim et porte-parole de du SNAESURS.

Décryptage !

Guineematin.com : votre syndicat vient d’adresser un préavis de grève au gouvernement. Qu’est-ce qui vous a motivés à lancer ce préavis de grève ?

Lansana Yansané : c’est par rapport à nos préoccupations au niveau de l’enseignement supérieur que nous avons lancé ce préavis aux membres du gouvernement, notamment au ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, Abdoulaye Yéro Baldé. Ce préavis est parti d’une feuille de route que le congrès constitutif nous a donnée en amont, le 09 mai 2018.

Nous avons demandé certaines choses à Yéro (ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique) qui n’ont pas encore vues leur satisfaction. C’est suite à cela que nous sommes revenus pour lui demander que cette fois-ci, il faut qu’on vienne avec une plateforme revendicative réelle pour qu’il puisse tenir compte de ces points. Et s’il n’arrive pas à les satisfaire avec les membres du gouvernement, alors, nous serons dans l’obligation d’aller en grève.

Guineematin.com : Quels sont justement ces points de revendication ?

Lansana Yansané : Le Syndicat National Autonome de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique (SNAESURS) exige la présence effective des agents recenseurs indépendants des institutions d’enseignement et les centres de recherche pour le recensement, et que la supervision soit assurée par la structure à la base du SNAESRS. Depuis fort longtemps, on avait demandé au ministre à ce qu’on ait un recensement au niveau de l’enseignement supérieur, mais que cela soit piloté par le SNAESURS. Parce que nous avons besoin de valoriser certaines primes et même pourquoi pas les salaires. Cela ne peut être effectué que si seulement et seulement si on a un effectif assaini au niveau de l’enseignement supérieur.

Heureusement, le SLECG est venu exiger qu’il y ait un recensement au niveau de l’éducation. Chose que nous avons vraiment saluée. Mais, nous nous sommes dit que s’il doit y avoir le recensement à l’enseignement supérieur, il faut ça soit en commun accord avec le SNAESURS, qui a déjà remis un document au ministre Abdoulaye Yéro pour exiger ce recensement.

Le SLECG avait demandé à ce que le SNAESURS ne soit pas partie de sa commission de recensement par ce que ce syndicat a empêché les enseignants du supérieur à aller en grève. Ce syndicat, n’a pas assisté à la signature du protocole d’accord qu’il a eu avec le gouvernement. Chose qui est leur droit, et nous ne pouvons pas nous opposer à cela.

Mais nous disons que le SLECG doit s’occuper de l’enseignement pré-universitaire, on envoie des indépendants qui vont se mettre en rapport avec le SNAESURS pour assainir le fichier de l’enseignement supérieur. Maintenant, ce fichier, le SLECG pourra l’exploiter à son besoin. Mais ce n’est au SLECG de venir recenser à l’enseignement supérieur. Nous, nous sommes disponibles pour faire ce travail contre rien, on n’a pas besoin de l’argent pour ça.

Guineematin.com : en refusant que le SLECG participe à ce recensement, est-ce que vous ne vous opposez pas à l’application du protocole d’accord signé le 10 janvier dernier entre l’organisation syndicale et le gouvernement ?

Lansana Yansané : nous ne sommes pas un blocus ni un frein à ce protocole d’accord. Plutôt, nous constituons une aide. Dans la mesure où, nous étions les premiers à demander au ministre Yéro de faire un assainissement du fichier. Si aujourd’hui l’assainissement est venu, il ne pourra que nous appuyer pour que cet assainissement soit fait par nous. Nous, c’est le SLECG qui nous a refusés. Le SLECG avait un combat et il est parvenu à obtenir un accord.

Comme ils se disent qu’ils sont en train de faire un travail pour l’ensemble des travailleurs de l’éducation, je me demande quelle est la raison qui peut pousser le SLECG à refuser que les autres structures syndicales soient impliquées dans cette commission d’assainissement. Le fait que nous ne soyons pas signataires de ce protocole, ne veut pas dire que le SLECG va venir recenser chez nous.

Guineematin.com : mais le SLECG aussi à des membres à l’enseignement supérieur.

Lansana Yansané : si le SLECG avait des membres à l’enseignement supérieur, pourquoi le SLECG n’avait pas réussi à mettre l’enseignement supérieur dans sa grève ? Tous ceux qui étaient au SLECG au niveau de l’enseignement supérieur ont quitté pour rejoindre le SNAESURS.

Guineematin.com : peut-être que si le SLECG n’a pas réussi à paralyser l’enseignement supérieur, c’est parce que le ministère de tutelle s’est employé à casser le mouvement, notamment en mutant les responsables du SLECG dans les universités.

Lansana Yansané : pas du tout. Je m’inscris en faux dans la mesure où, ce n’est pas le ministre qui dirige le syndicat. Le syndicat, c’est l’émanation des travailleurs. Selon l’article 87 de la convention du BIT, chaque travailleur est libre d’appartenir à une structure syndicale, et chaque entité des travailleurs est libre de créer sa structure syndicale. Ce qui fait que le ministre n’a rien à avoir par rapport à ça. Et si le SLECG avait réellement ces représentants à l’enseignement supérieur, ces représentants-là à auraient dû manœuvrer pour que l’enseignement supérieur soit dans la grève. Mais, du fait que ces éléments-là n’existaient plus, ils n’ont pas pu affecter l’enseignement supérieur.

Et je vous dis, le SLECG a été créé par l’enseignement supérieur. Aboubacar Soumah a récupéré une structure vide de contenu. Et, nous sommes allés vers lui pour qu’on puisse faire une unité syndicale pour que l’enseignement supérieur soit représenté au sein de ce bureau exécutif. Chose qu’il n’a pas acceptée. Et nous ne pouvons pas être opposés à ça dans la mesure où, c’est son droit. Parce qu’il a réussi à récupérer la structure.

C’est pourquoi, nous nous sommes dit, laissons cette structure, il ne faut pas se mettre dans une guerre de récupération de structure. Il n’a qu’à gérer ça, et nous aussi essayons de créer une structure qui est propre à l’enseignement supérieur. Et c’est cette structure que nous avons créée, qui ne s’occupe que des préoccupations de l’enseignement supérieur, rien que l’enseignement supérieur.

S’il y a grève ailleurs, ça ne fait pas notre préoccupation. Nous, ce qui constitue les véritables et réelles préoccupations de l’enseignement supérieur, c’est ceux que nous défendons. Tels que la formation des formateurs, la recherche, l’équipement des laboratoires et des bibliothèques. Voilà quelques éléments que nous avons comme préoccupations que les autres sûrement n’ont pas dans leurs préoccupations.

Nous sommes d’accord avec le SLECG que s’il arrive à décrocher de l’argent, c’est bien. Mais nous aussi, pour avoir de l’argent au niveau de l’enseignement supérieur, il faut remplir un certain nombre de conditions. C’est pourquoi, le salaire d’un enseignant du supérieur, ne doit pas être égal au salaire d’un enseignant de l’enseignement préuniversitaire.

Donc, voilà un peu. Nous ne sommes pas opposés. Nous donnons un avis favorable au SLECG de faire son recensement. S’il veut venir à l’enseignement supérieur, il vient pour se mettre en commun accord avec nous, et puis nous bosserons ensemble. Mais nous écarter à la mine de la production et nous dire finalement que c’est lui qui va faire le recensement, ça c’est hors de question. On ne peut pas avaler ça. Dans la mesure où il y a eu une force qui a maintenu les enseignants du supérieur à ne pas aller en grève. Cette force doit être reconnue. Si le SLECG avait la force, il aurait dû mettre les enseignants en grève au niveau du supérieur.

Guineematin.com : à vous entendre, on a comme impression que vous menez une guerre de positionnement et que vous allez lancer votre préavis de grève juste pour répondre SLECG.

Lansana Yansané : ce n’est pas pour répondre à l’avis de grève du SLECG. Nous, nous avons des préoccupations. Nous nous avons 14 points inscrits dans notre préavis de grève. Premièrement, je parlais tantôt de la présence effective des agents recenseurs indépendants dans les institutions d’enseignement et les centres de recherche pour le recensement, et que la supervision soit assurée par la structure à la base du SNAESURS. Deuxièmement, la publication immédiate de l’arrêté d’engagement de 451 homologues avec une prise en charge à partir de janvier 2019.

Vous savez, le SLECG annonce qu’il y a 10 homologues à Kindia qui n’ont pas été engagés depuis 15 ans. Nous nous inscrivons en faux. Dans la mesure où depuis 2005 jusqu’à maintenant, il y a eu plus de 105 engagement à la fonction publique. Même en 2017, il y a eu 369 qui ont été engagés au niveau de l’enseignement supérieur.

En septembre 2018, on a recensé tous les homologues de toutes les institutions d’enseignement supérieur et des centres de recherche qui nous ont donné un effectif de 451 qui doivent être engagés au compte de l’enseignement supérieur, y compris les homologues de Kindia. Alors nous nous sommes posé la question de savoir où étaient les 10 homologues que le SLECG revendique et qui ont exercé plus de 15 ans. Ce n’est pas vérifié.

Ensuite, nous demandons la publication immédiate de l’arrêté d’abrogation du licenciement de 7 enseignants chercheurs. Il y a trois mois, 7 enseignants chercheurs qui ont été licenciés à l’université de Kindia pour des raisons inavouées. On a mené des démarches partout et on a vu qu’il n’y a aucun fond de dossier valable qui justifie le licenciement de ces gens-là. Et nous avons exigé à ce que ces gens soient rétablis de leur droit. Donc, nous exigeons cela.

Ensuite, le retour de l’arrêté conjoint. Vous n’êtes pas sans savoir en 2017, le ministre Yéro avait pris un arrêté conjoint n°2356 en commun encore avec son homologue de l’économie et des finances pour accorder une certaine valorisation des primes et indemnités spéciales aux enseignants chercheurs de Guinée. Cet arrêté a été annulé. Et nous nous sommes dits, qu’il faut que cet arrêté revienne, par ce que quand un syndicaliste bénéficie de quelque chose, on ne doit pas le lui retirer. Donc, on doit maintenir parce que ça va dans l’intérêt des enseignants du supérieur.

Il y aussi la valorisation des primes des heures supplémentaires, de vacation et des frais de mission d’enseignement. Ensuite, nous demandons une bonification en grade. C’est-à-dire une augmentation de deux grades de tous les détenteurs de Master, de DEA et des diplômes équivalents, pour encourager la formation. En 2016, il y a eu la transposition dans la nouvelle grille. Mais très malheureusement, dans cette transposition, il y a eu d’énormes erreurs.

Comme ceux qui ont fait ce travail, la plupart sont détenteurs d’une maitrise, ils ont transposé en leur faveur, en occultant la valeur que les autres ont eue avec l’effort. C’est pourquoi, nous demandons que quand tu as un Master ou un DEA, tu dois bénéficier d’un avantage et dépasser celui qui a par exemple une maitrise. Cela, pour que les autres soient encouragés à faire la formation.

Quand nous parlons de la qualité de l’enseignement, il faudrait qu’il y ait ce qu’on appelle le niveau de l’enseignant. Et, l’enseignant ne peut avoir le niveau que s’il a une formation solide. C’est pourquoi, on exige que les enseignants aient des Masters, des DEA, le Doctorat et jusqu’à ce qu’ils deviennent des Professeurs.

Nous demandons également le déblocage des avancements automatiques annuels et la correction des erreurs de transposition de 2016, en tenant compte de l’ancienneté. Actuellement, celui qui est rentré aujourd’hui dans la fonction publique, il a la même valeur celui qui est ancien. Nous demandons donc à qu’on reconnaisse le temps que vous avez pris pour qu’on puisse vraiment vous valoriser.

Ensuite, nous demandons le non-retour des enseignants mutés par nécessité de service et qui ont refusé de rejoindre leurs postes de mutation. Dans les revendications du SLECG, ils ont dit qu’il y a des gens qui ont refusé de rejoindre leurs postes pour faits de grève. Nous nous disons que c’est faux. Dans la mesure où il n’y a pas eu de grève dans l’enseignement supérieur. Si quelqu’un est muté à l’enseignement supérieur, comment se fait-il qu’il a été muté pour faits de grève ? Ça ne se vérifie pas.

Et ces gens, depuis qu’ils ont été mutés, par manque de respect à l’autorité de l’Etat, ils ont refusé de rejoindre leurs postes. Comment se fait-il qu’une structure syndicale puisse se lever et demander le retour de ces gens-là ? Ceux-là qui ont refusé d’obtempérer sous l’autorité de l’Etat et qui disent qu’ils doivent revenir à leurs anciens postes ? Nous, nous sommes pour le respect de l’autorité de l’Etat.

Nous exigeons aussi le retour de la ligne de recherche dans les Institutions d’Enseignement Supérieur. Vous savez que les institutions d’enseignement supérieur, nous nous sommes autonomes. Nous recevons des subventions, et dans ces subventions, il y a ce qu’on appelle la ligne recherche qui vise à appuyer les enseignants chercheurs qui veulent faire les recherches, pour faire leurs activités de recherche.

Aujourd’hui, le gouvernement a gelé cette ligne-là. Ce qui fait qu’aujourd’hui, les enseignants ont négligé le côté recherche. C’est la raison pour laquelle nous exigeons que cette ligne-là soit respectée pour que nous ayons la possibilité de faire les recherches au niveau de l’enseignement supérieur.

Nous demandons aussi le retour de la ligne investissement dans l’enseignement supérieur. Comme nous sommes dotés de budgets autonomes, c’est aux institutions de faire des investissements. Mais aujourd’hui, cette ligne aussi est bloquée par le ministère de tutelle. On exige donc que le ministre ramène cette ligne au niveau des institutions pour qu’il y ait des investissements dans les IES. Nous avons aussi des collègues assistants qui doivent bénéficier d’un certain nombre de primes qui leur permettront d’être encouragés dans leur formation. Si ces homologues ne sont pas financés pour faire des recherches, comment ils vont mieux former ?

Nous avons aussi la ligne de la formation des formateurs qui se trouve gelée au niveau de l’enseignement supérieur. Il faudrait qu’il y ait une commission tripartite pour pouvoir gérer ces fonds-là. La CRDG (Conférence des Recteurs et Directeurs Généraux) des institutions d’enseignement supérieur, le syndicat SNAESURS, et puis le département.

Les trois parties vont se retrouver pour voir ceux qui doivent bénéficier de la formation. Voilà ce que nous exigeons du département. Sans cela, nous allons partir en grève. On a lancé notre préavis de grève hier. Nous donnons 10 jours au gouvernement. Si dans les 10 jours prévus par la loi on n’a aucune réponse favorable, nous allons lancer l’avis de grève.

Interview réalisée par Mohamed DORE pour Guineematin.com

Tel : (00224) 622 07 93 59

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