Conakry: menacés de déguerpissement, des mendiants disent leurs inquiétudes

Les mendiants et autres désœuvrés qui occupent certains endroits de Conakry sont sommés de quitter leurs lieux de regroupement. Il leur est demandé, par le gouvernorat de Conakry, de quitter les lieux qu’ils occupent au plus tard demain vendredi, 19 avril 2019 à 18h. L’annonce, faite sur les ondes des médias d’Etat, crée l’étonnement et le doute chez les principaux concernés qui savent plus à quel saint se vouer.

Sur les raisons invoquées par le gouvernorat pour exiger le départ des mendiants de certains lieux de Conakry, on parle de débauche et de consommation de drogue. Interrogés ce jeudi 18 avril 2019, ces mendiants ont exprimé leur inquiétude devant cette mesure.

Thierno Diallo

Selon Thierno Diallo, premier responsables des mendiants qui ont élu domicile devant la mairie de Ratoma, les raisons invoquées ne se constatent pas sur les lieux. « Ce qu’ils ont avancé comme raisons ne se fait pas chez nous ici. En guise de témoignage, monsieur le Maire est là, la gendarmerie est là, ils savent s’il y a du banditisme ici ou non. D’ailleurs, au sein de notre groupe ici, on a interdit aux femmes porteuses de pantalon de venir s’asseoir parmi nous. On a interdit aux femmes qui ne portent pas le voile ou le foulard de venir s’asseoir parmi nous. On a aussi interdit les fumeurs et les consommateurs d’alcool de venir rester avec nous. Maintenant, s’ils savent que le banditisme se fait chez nous ici, ils n’ont qu’à apporter les preuves, si non ils nous auraient accusés », soutient Thierno Diallo.

Par ailleurs, notre interlocuteur accuse les autorités de s’en prendre injustement aux mendiants. « Laissez-moi dire à monsieur Maturin Bangoura, gouverneur de Conakry, de voir ce qui s’est passé avec les autres gouverneurs. Ils ont fait du tort aux pauvres mendiants. Qu’il sache que celui qui fait du tort aux pauvres innocents n’aura à faire qu’avec Dieu. Je ne le dis pas parce que cette circonstance est arrivée, mais c’est quelque chose qui doit lui être dit. Pour ces accusations portées contre les mendiants, ils n’ont qu’à venir chez nous ici vérifier. Parmi nous, il y a des gens qui ont mémorisé le coran et qui l’ont traduit. Nous, même si on va mourir, on dira la vérité puisque quand tu meurs pour avoir dit la vérité, tu es sauvé. Donc, je demande au gouvernement de veiller sur cette affaire », a lancé Thierno Diallo.

Mohamed Cissé

Pour sa part, Mohamed Cissé est aveugle. Il passe la journée à la devanture de la mosquée Fayçal, dans la commune de Dixinn. « Nous avons appris cette décision du gouvernement avec beaucoup de tristesse, nous sommes tellement tristes qu’on se demande qu’est-ce qu’on a fait pour être déguerpis. Nous sommes là, nous ne vivons que des sacrifices, de ce que les gens viennent nous donner ici parfois un kilo de riz, parfois 5000 fg. Mais exactement ce que nous avons fait pour être chasser, nous ne savons pas. Il y a certaines femmes qui nous fatiguent ici, elles passent même la nuit ici. On a longtemps parlé, mais aucune solution. Elles peuvent envoyer jusqu’à cinq enfants ici, qui vont courir pour elles alors que nous, on ne peut pas courir parce qu’on ne voit pas… Si on nous dit de quitter on va quitter mais ça va être difficile pour nous, puisque c’est ici que nous gagnons notre vie. La souffrance va doubler », soutient Mohamed Cissé.

Salimatou Chérif

De son côté, Salimatou Cherif, une femme handicapée physique, rencontrée devant la mosquée Fayçal, a lancé un appel aux autorités guinéennes. « Je demande au gouvernement de nous laisser ici. Moi, j’ai des enfants, je n’ai pas où aller pour gagner la dépense. C’est ici que je gagne la dépense. Le mois de Ramadan arrive, ce n’est pas facile. Donc, moi je ne vais pas quitter ici si je ne reçois rien, parce que je n’ai nulle part où aller », martèle la bonne femme.

Propos recueillis par Mamadou Bhoye Laafa Sow pour Guineematin.com

Tel : 666919225 / 622 91 92 25

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