Conférence diplomatique, 3ème mandat… Le député Diao Kanté à Guineematin

Elhadj Diao Kanté, député, président de la commission des affaires étrangères et des guinéens de l’étranger de l’Assemblée nationale

Dans un entretien qu’il a accordé à Guineematin.com, le président de la commission des affaires étrangères et des guinéens de l’étranger de l’Assemblée nationale, Honorable Elhadj Diao Kanté, s’est prononcé sur plusieurs sujets d’actualité. L’élu du GRUP (et président du parti UNED) a évoqué la conférence diplomatique qui s’est tenue récemment à Conakry, le débat autour d’un changement de Constitution et d’un troisième mandat pour le président Alpha Condé mais aussi la condamnation de Mohamed Touré, le fils du premier président guinéen, Sékou Touré, condamné à 7 ans de prison ferme pour esclavage aux Etats-Unis.

Décryptage !

Guineeematin.com : vous avez pris part à la conférence diplomatique organisée récemment à Conakry. Pourquoi c’est maintenant que la Guinée tient cette rencontre et quel est son intérêt ?

Honorable Elhadj Diao Kanté : ce n’est pas maintenant que la Guinée tient cette conférence. C’est une pratique que nous avions rompue depuis un certain temps. Ce qui porte atteinte aux relations que nous avons avec certains pays et également cela baisse la rentabilité et le rendement de nos missions diplomatiques. Parce que comme vous savez, une mission diplomatique sert de trait d’union entre le pays qui accréditent et le pays d’accueil. Et les relations sont basées sur les informations obtenues par ces représentants-là. De temps en temps donc, on se réunissait pour échanger des informations et réorienter notre politique vis-à-vis de ces pays.

Guineeematin.com : qu’est-ce que la Guinée a à gagner en organisant une telle rencontre ?

Honorable Elhadj Diao Kanté : elle a tout à gagner. D’abord, l’information de nos diplomates. Cela est très important parce que si nos diplomates ne sont pas au bain des réalités dans les pays d’accueil, ils ne peuvent pas les transmettre à l’exécutif. C’est ce que le Président Alpha Condé a dit lors de la séance d’ouverture. L’inconvénient, a-t-il souligné, c’est que nos diplomates ne tiennent pas de conférences pour informer des opportunités que la Guinée offre aux investisseurs et hommes d’affaires mais également des possibilités qu’offrent les pays d’accueil aux opérateurs économiques guinéens d’investir dans ces pays.

Car c’est dans les deux côtés qu’il faut dénicher les avantages et les porter à la connaissance des acteurs impliqués pour le plus grand bien de notre pays. Ce qui implique une large connaissance par nos ambassadeurs de non seulement les réalités politiques, économiques et sociales de la Guinée et des pays d’accueil mais également une maîtrise des règles sur lesquelles est basée la coopération entre les Etats et les nations.

Guineeematin.com : vous avez évoqué le discours du Pr Alpha Condé lors de la séance d’ouverture. Qu’est-ce qui a le plus retenu votre attention dans ce discours ?

Honorable Elhadj Diao Kanté : premièrement, il a critiqué que les ambassadeurs ne tiennent pas de rencontres et de conférences d’information dans leurs pays d’accréditation. Ce qui est vrai et indispensable à mon avis. Deuxièmement, il a proposé à ce que les diplomates accrédités chez nous puissent échanger avec nos ambassadeurs dans les différents pays afin qu’il n’y ait pas de secrets entre nous. On peut plutôt s’enrichir mutuellement.

La troisième chose, il a dénoncé une certaine pratique de choses qui est en cours et qu’on a connue à un moment donné. A l’indépendance, la Guinée était propriétaire de toutes ses chancelleries que nous avions à l’extérieur. Mais il se trouve que toutes ces chancelleries ont été bradées, vendues, disons-le ainsi sans que la valeur ne soit reversée dans les caisses de l’Etat. Donc il a dénoncé cela. Il a aussi dénoncé le fait que certains ambassadeurs travaillent avec le ministre pour recevoir leur budget et lui en retourner une partie. Ce qui est une mauvaise pratique. Ils n’ont pas besoin de ça puisqu’ils ne sont pas nommés par les ministres mais par le Président de la République.

Guineeematin.com : c’est la corruption et le détournement des deniers publics en un mot ?

Honorable Elhadj Diao Kanté : en un mot c’est cela effectivement qu’il s’agit. C’est de la corruption et le détournement des deniers publics.

Guineeematin.com : je rappelle que vous êtes un ancien diplomate et vous avez servi dans plusieurs pays d’Afrique noire, du Maghreb et d’Europe. Dites-nous, comment ça se passait sous la 1ère République ?

Honorable Elhadj Diao Kanté : oui c’est vrai, j’ai été ambassadeur en Libye, au Nigéria, en Algérie et en URSS (ex-Union soviétique). Cela ne se passait pas de cette manière. Au point de vue budgétaire, il y avait une prévision par chaque ambassadeur. Le fonctionnement et les salaires. Ce document est étudié au ministère des finances et envoyé au ministère des affaires étrangères. Une fois, le budget est retenu, les fonds sont débloqués trimestriellement. Les pièces comptables sont envoyées chaque mois au département des finances et des rapprochements sont faits chaque année. Maintenant, les salaires sont versés individuellement et le loyer aussi. Chacun choisit de se loger selon le prix et le standing qu’il préfère.

Guineeematin.com : en tant qu’ancien diplomate, comment vous trouvez aujourd’hui l’état de nos chancelleries à l’étranger ?

Honorable Elhadj Diao Kanté : c’est regrettable. J’ai été dans certains pays, visiter nos chancelleries. Malheureusement l’état d’entretien laisse à désirer. L’argument utilisé est que les fonds ne viennent à temps et suffisamment.

Guineeematin.com : et, qu’est-ce qu’il faut pour corriger cette situation ?

Honorable Elhadj Diao Kanté : je crois qu’il faut améliorer l’ancienne méthode. C’est de procéder à des prévisions. Envoyer les fonds et passer au contrôle. On ne peut pas habiter dans des taudis pour représenter un pays. Cela n’est pas admissible.

Guineeematin.com : souvent on dit que l’eau versée ne se ramasse pas. Mais pourtant, qu’est-ce qu’il faut selon vous pour récupérer ses édifices bradés ?

Honorable Elhadj Diao Kanté : c’est très difficile de revenir là-dessus. Beaucoup de ces auteurs ne sont plus de ce monde. C’est une balle partie qu’il est difficile de rattraper. Ce qu’il faut faire, c’est d’éviter de pareils cas. Evidemment, l’Etat peut tout et tout est possible.

Guineeematin.com : depuis un certain temps, l’actualité nationale est dominée par le débat autour de la proposition d’une nouvelle Constitution ou d’un troisième mandat pour le président Alpha Condé. Quelle est votre position sur ce débat ?

Honorable Elhadj Diao Kanté : je ne voudrais pas en parler puisque je ne suis pas saisi d’une quelconque proposition de modification ou de changement de Constitution. Ce qui est sûr, c’est qu’une loi est faite pour gérer une situation donnée. Et il est normal si la situation évolue, d’adapter la loi. Cela peut être 5 ans, 10 ans, 15 ans. Donc parler de la modification de la constitution est tout à fait normal. Mais ce que je trouve bizarre, c’est de lier la révision de la constitution à un changement forcément de mandat, c’est ce que je trouve bizarre.

Guineeematin.com : vous êtes un des doyens de la classe politique nationale. S’il vous est donné de faire des propositions pour améliorer la Constitution, qu’allez-vous dire ?

Honorable Elhadj Diao Kanté : je dirais qu’il faut regarder notre Constitution. Il va s’en dire que notre Constitution est dépassée sur beaucoup de points. Par exemple, quand je parle de la loi électorale, le système électoral guinéen est presque unique en Afrique. A l’uninominal, vous avez un 10ème qui élit un député ici et là-bas, 10% de l’électorat élisent un député. Les deux élus ont le même rang et siègent au même endroit. Ce qui n’est pas normal. Sans oublier que ceux qui votent ne connaissent pas leurs candidats. Alors que si les députés sont élus en fonction des circonscriptions électorales, les élus de tous les bords auront quelque chose en commun.

C’est leur circonscription, c’est leur localité et c’est même leurs mandants, donc ils ont intérêt à collaborer pour faire face aux préoccupations de leurs mandants. Egalement, vous avez le Président de la République, l’Assemblée nationale, les élus locaux, ils ont chacun un mandat de cinq ans. Ils ne sont pas élus à la même date. Avec les tensions qui s’y attachent, on a besoin de ramener ces élections en une opération. Je crois que réviser la Constitution est une chose normale, mais lier cette révision à forcément augmenter ou diminuer le nombre de mandats, c’est ce que trouve bizarre.

Guineeematin.com : si on vous demandait votre choix sur un troisième mandat ou la limitation du nombre de mandat à deux. Quelle serait votre position ?

Honorable Elhadj Diao Kanté : la première loi électorale disait que pour être Président de la Guinée, il faut avoir 40 ans au moins et 70 ans au plus. Le Président Conté, quand il a voulu se présenter pour un 3ème mandat, a juste apporté une modification en disant que pour être candidat, il faut être de nationalité guinéenne et âgé de 35 ans au moins. Ce n’est pas fait pour lui. Ce sont les électeurs qui pourront apprécier la mention qui est faite sur l’amendement.

Guineeematin.com : autre question d’actualité, c’est celle liée à la condamnation de Mohamed Touré, fils du premier président guinéen, aux Etats-Unis. Comment vous avez accueilli sa condamnation ?

Honorable Elhadj Diao Kanté : c’est vous les journalistes qui m’avez appris cette nouvelle. Et, je dis que c’est dommage, c’est regrettable. Il est reproché d’un acte produit sur un territoire et est condamné par les autorités de ce territoire, on ne peut que regretter cette chose.

Guineeematin.com : qu’est-ce que la Guinée pourrait faire pour lui venir en aide, en tant que fils d’ancien Chef d’Etat ?

Honorable Elhadj Diao Kanté : je dirais, peut-être pas en tant que fils d’ancien président mais il est guinéen. Il n’a pas perdu sa nationalité. S’il est condamné en tant que citoyen américain, il reste tout de même guinéen. En tant que tel et pour les raisons qu’il est condamné, il faut le dire, en Guinée, cela n’est pas considéré comme un crime. Il a reçu une parente en éducation qui a grandi avec lui. Pour nous, c’est une assistance que nous apportons.

Guineeematin.com : tout de même, est-il juste qu’il envoie ses enfants à l’école et laisse sa « protégée » sans éducation ?

Honorable Elhadj Diao Kanté : oui c’est vrai, cela arrive. Mais tout dépend de la conjoncture. Envoyer une fille pour entretenir les enfants et permettre à madame d’aller au travail, on considère qu’on améliore ses conditions de vie puisqu’elle mange mieux, se couche mieux et est mieux entretenue.

Guineeematin.com : sauf qu’en restant au pays, elle aurait au moins appris le Coran et un métier ?

Honorable Elhadj Diao Kanté : ça, c’est une supposition.

Guineeematin.com : pour terminer, l’acquisition des passeports pose problème surtout aux Guinéens basés à l’étranger. Qu’est-ce que votre commission peut faire pour faciliter la tâche à nos compatriotes ?

Honorable Elhadj Diao Kanté : nous avons rencontré le ministre des affaires étrangères sur le sujet. Il nous a été dit qu’au niveau du département de la sécurité que la question est traitée. Et cela est vrai. Nous avons rencontré beaucoup de missions à l’extérieur chargées de livrer les passeports à nos compatriotes. Je pense que ça se fait, peut-être pas à la vitesse et aux conditions que certains le souhaitent. Mais ça se fait quand même.

Propos recueillis et décryptés par Abdallah BALDE pour Guineematin.com

Tél : 628 08 98 45

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