Liberté de la presse : un journaliste menacé par le gouverneur de Labé

Idrissa Sampiring Diallo, membre du bureau exécutif, chargé de la coordination en Moyenne Guinée des activités de l'OGDH
Le journaliste Idrissa Sampiring Diallo se sent menacé par le Gouverneur de Labé

Le journaliste Idrissa Sampiring Diallo se sent menacé par la plus haute autorité de sa région natale et de service. Elhadj Madifing Diané, ancien ministre de la sécurité et actuellement gouverneur de la région administrative de Labé, a menacé de faire arrêter et emprisonner le correspondant de Guineematin.com et de l’Agence guinéenne de presse (AGP) à Labé.

Les menaces du Gouverneur Diané auraient commencé suite au meurtre de l’étudiant Amadou Boukariou Baldé, bastonné à mort par des agents de la sécurité qui avaient été déployés à l’université de Labé, le 31 mai dernier sur ordre du tout puissant Gouverneur. Le l’étudiant aurait rendu l’âme à l’hôpital régional de Labé ; mais, les autorités locales auraient voulu faire croire que le jeune Amadou Boukariou Baldé a cessé de respirer au cours de son évacuation sur Conakry pour éviter des manifestations de ses camarades qui auraient pu perturber la ville de Labé. Le fait de rendre publique que cet étudiant a expiré son dernier souffle à l’hôpital régional de Labé trouble le sommeil du gouverneur qui ne pardonne pas cette révélation au journaliste…

Ce samedi, 15 juin 2019, Idrissa Sampiring Diallo devait se rendre dans la préfecture de Mali pour assurer la couverture médiatique d’une série d’activités du ministre de la jeunesse et de l’emploi des jeunes dans cette préfecture, relevant de la région administrative de Labé. Mais, le correspondant de Guineematin.com à Labé a dû annuler son déplacement à la dernière minute, en raison de menaces du gouverneur de Labé, Madifing Diané, proférées contre lui. « Hier, vers 22 heures, j’ai reçu un appel du ministre de la jeunesse et de l’emploi des jeunes, Mouctar Diallo, pour que je l’accompagne aujourd’hui à Mali où il doit mener des activités. Donc, on s’est donné rendez-vous au gouvernorat. C’est ainsi que ce matin, je me suis rendu au gouvernorat. Mais, dès que le gouverneur m’a vu, il a appelé tous ceux qui étaient présents au rez-de-chaussée, même ceux qui ne travaillent pas au gouvernorat. Il a appelé notamment le responsable de l’ANAFIC pour lui dire qu’il le prend à témoin que s’il me voit à Mali, il va me faire arrêter et me déférer à Conakry. Il dit que c’est lui qui représente le chef de l’Etat à Labé », a-t-il expliqué.

Face à cette menace du gouverneur, notre confrère a annulé son voyage à Mali. Il a fait le point de la situation au ministre Mouctar Diallo qui l’avait invité, avant de rentrer chez lui. Mais, d’où est parti ce problème entre Idrissa Sampiring et Madifing Diané ? « Ce problème est partie du fait que j’ai relayé la version non officielle de ceux qui disent que le jeune Boukariou (l’étudiant qui est décédé récemment à la suite de violences exercées sur lui par des agents des forces de l’ordre à l’université de Labé, ndrl) est mort à l’hôpital de Labé. Le gouverneur voulait que je m’en tienne à sa version. Mais, j’ai relayé ce que lui-même a dit en tant que gouverneur de Labé et j’ai même diffusé la vidéo où il dit que le petit est mort sur la route de Conakry ; mais, j’ai également relayé la version de ceux qui ont dit qu’il est mort à l’hôpital de Labé. Depuis, il m’en veut à mort à cause de cette question du lieu de la mort de Boukariou », confie le journaliste.

Selon ce correspondant de Guineematin.com, le fait qu’il soit également correspondant de l’Agence Guinéenne de Presse (AGP) dans la région est sans doute l’une des causes de la mésentente entre lui et le gouverneur. « Les administrateurs territoriaux (préfets et gouverneurs) pensent que le correspondant de l’AGP a la même mission que le correspondant de la voie de la révolution (devenue aujourd’hui la RTG). Malheureusement pour nous correspondants de presse, l’information ne circule pas entre le département de la communication et celui de l’administration du territoire. Les administrateurs territoriaux pensent que le correspondant de l’AGP est placé sous leur tutelle, ils ne savent pas que c’est une profession libérale, ils pensent que le correspondant de l’AGP est un porte-bouilloire qui est obligé de répéter tout ce qu’il entend de la version officielle ou bien qui est obligé de prendre position en faveur de la version officielle. Or, le journaliste reste journaliste ! Ce n’est pas à toi de dire tel à raison, tel n’a pas raison. Ce n’est pas parce que l’autorité se sent embêtée qu’elle va vouloir dire que le correspondant de l’AGP n’a pas le droit de donner la parole à celui qui ne pense pas comme elle. C’est tout le problème qui nous oppose. Apparemment, pour lui, parce que je me suis donné la liberté de tendre mon micro à quelqu’un qui n’est pas comme lui et qui a une version contraire à la sienne, il considère que je mérite d’être réprimé. Avant ça, il m’avait déjà menacé, tout simplement pour avoir dit qu’il y a eu une intervention musclée des services de sécurité à l’université, il a dit que si je blague avec lui, il va m’écraser. Aujourd’hui, il me dit que s’il me voit à Mali il va m’arrêter et briser ma carrière. Donc, je sens que j’ai à faire à un nostalgique d’un passé récent ou de la voie de la révolution. Il pense que le correspondant de presse doit aller au bureau du gouverneur ou du préfet pour rédiger sa dépêche, c’est tout le problème », a-t-il laissé entendre.

Idrissa Sampiring Diallo annonce toutefois qu’il ne se laissera pas se faire museler par les menaces du gouverneur ou de qui que ce soit. Notre confrère promet de conserver sa liberté d’esprit qui lui est reconnue et de continuer à travailler en toute indépendance et de façon totalement professionnelle. Ce qui fait encore craindre pour sa sécurité dans cette région… « A compter de ce samedi jusqu’à la fin de la vie du Gouverneur Madifing Diané, si je disparais ou quoi que ce soit m’arrive, il doit être le premier suspect pour ma famille et mes amis », a prévenu le journaliste.

Propos décryptés par Amadou Oury Touré pour Guineematin.com

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