Difficultés des non-voyants lors des examens nationaux : Georges Niang tire la sonnette d’alarme

Georges Sagna Niang, président de l'association des aveugles et malvoyants
Georges Sagna Niang, président de l'association des aveugles et malvoyants
Georges Sagna Niang, président de l'association des aveugles et malvoyants
Georges Sagna Niang, président de l’association des aveugles et malvoyants

A quelques semaines des examens nationaux session 2019, l’heure est aux préparatifs tant au niveau des responsables éducatifs que des candidats. Parmi les candidats, figurent des élèves particuliers : des aveugles et malvoyants, au nombre de 10, tous niveaux confondus. Ce qui constitue une particularité pour l’union guinéenne des aveugles et malvoyants.

Georges Sagna Niang, le président de cette association, est revenu sur les préparatifs des examens pour ces candidats, au cours d’un entretien qu’il a accordé à Guineematin.com, interpellant les autorités sur certaines difficultés que rencontrent les aveugles lors de ces échéances.

Décryptage !

Guineematin.com : bonjour monsieur Niang, 10 candidats aveugles et malvoyants prendront part aux examens nationaux de cette année. C’est une première dans notre pays. Qu’est-ce que cela représente pour votre organisation ?

Georges Sagna Niang : effectivement, la particularité de ces examens, c’est la présence de 10 candidats déficients visuels. Cette année, nous avons, au niveau de l’école primaire Sogué de la cité de solidarité, 4 candidats déficients visuels qui doivent passer l’examen d’entrée en 7ème année ; au niveau du BEPC, nous avons 3 candidats dont 2 filles ; et au niveau du Baccalauréat, nous avons 3 candidats dont 2 garçons.

Guineematin.com : ces candidats déficients visuels ne sont pas comme les candidats normaux, comment se passent aujourd’hui leurs préparatifs ?

Georges Sagna Niang, président de l'association des aveugles et malvoyants

Georges Sagna Niang : au niveau d’abord de l’examen d’entrée en 7ème année, à l’école primaire du centre Sogué, les préparatifs vont bon train, toutes les dispositions sont prises à leur niveau pour leurs candidats. Et au niveau du secondaire, c’est un système qu’on appelle système d’intégration, ça ce n’est pas une école des déficients visuels mais des écoles privées qui acceptent de recevoir les déficients visuels au sein de leurs établissements pour suivre les cours avec les élèves normaux. Et à ce niveau, les écoles, en général, qui ont des candidats au Brevet et au Bac ont déjà fini avec leurs programmes.

Le problème est au niveau des services des examens des différentes communes. L’année passée, nous n’avions pas eu des candidats au BEPC et au Bac, seulement à l’examen d’entrée en 7ème année où on avait des candidats. Les autres années où nous avons eu des candidats, nous avons toujours eu des difficultés pendant les examens. Cette fois-ci, c’est pour cela je préfère tirer la sonnette d’alarme à temps pour que des dispositions soient prises au niveau du ministère de l’éducation nationale et de l’alphabétisation. Peut-être que monsieur le ministre n’est pas au courant de ce programme et que la Guinée doit réellement se frotter les mains, être fière de présenter des candidats déficients visuels. Au moment où la sous-région présente des centaines de candidats déficients visuels, nous nous sommes à 10 encore. Ça veut dire le taux est très minime, mais c’est déjà un pas.

Guineematin.com : vous parlez de difficultés auxquelles les déficients visuels font face pendant les examens nationaux. De quoi s’agit-il au juste ?

Georges Sagna Niang : d’abord, ces déficients visuels composent avec les mêmes sujets que les autres enfants normaux sur toute l’étendue du territoire national, il n’y a pas de sujets particuliers pour ces enfants. Seulement, la particularité, c’est la spécificité de l’écriture braille. Ce n’est pas donné à tout le monde de déchiffrer nos écritures, nous avons des spécialistes en la matière. Quand il s’agit du BEPC, nous essayons de les regrouper dans une même commune pour pouvoir faciliter le suivi et leur évaluation, parce qu’il faudrait un surveillant spécialisé en braille qui vienne dicter le sujet noir blanc pour l’aveugle, qui prend en braille. Et l’aveugle en question lui aussi, il essaye de traiter son sujet en braille.

Ensuite, les épreuves de ces candidats déficients visuels et les épreuves des candidats voyants ne peuvent pas être emballées dans les mêmes copies. Les copies en braille doivent être emballées dans des enveloppes kaki sur lesquelles on écrit « pour aveugles » ; là, il y a une différence. Sinon, à la correction, il y en a qui peuvent rencontrer ces copies braille, qui ne connaissent pas et qui les prennent carrément pour jeter à la poubelle. C’est pour cela que nous prenons des dispositions pendant la correction pour qu’il y ait une commission braille, composée de spécialistes en la matière, pour corriger les copies des candidats aveugles et malvoyants.

Aussi, le gouvernement, l’Etat prend en charge les cahiers de brouillon pour les personnes voyantes mais pas pour les aveugles. Les aveugles utilisent les papiers bristol à la place du braille, et même ça, nous ne sommes pas subventionnés par le département. Les enveloppes kaki dans lesquelles on emballe les épreuves des malvoyants sont souvent payées par moi. Pendant les examens, personnellement, à titre volontaire, je fais le tour de tous les centres où il y a des candidats déficients visuels pour m’enquérir de leurs réalités, pour ne pas que leurs copies se perdent, pour leur dire comment gérer ces enfants. Parce que souvent, après l’épreuve, il faut donner un petit temps de 5 minutes à l’aveugle pour qu’il puisse ranger ses copies en braille et qu’il les mette en ordre. Tout ça, il faudrait le dire aux gens qui ne le savent pas.

Guineematin.com : est-ce que vous avez cherché à avoir des discussions avec les responsables éducatifs pour essayer de trouver des solutions à ces problèmes à temps ?

Georges Sagna Niang : c’est pour cela je lance un appel à monsieur le ministre de l’éducation nationale et de l’alphabétisation pour lui dire de prendre ce problème à deux bras. Tous les cadres presque du ministère de l’éducation nationale me connaissent dans cette situation, ce n’est pas aujourd’hui que nous présentons des candidats déficients visuels. Depuis plus d’une décennie, nous présentons des candidats déficients visuels. Il y en a qui ont terminé et qui sont cadres de l’Etat, d’autres sont partis à l’étranger, il y a même des journalistes aussi.

Mais chaque année, il faudrait que le même problème revienne sur la table par la négligence de certains cadres de l’éducation par apport aux examens des personnes déficientes visuelles. Seulement la direction communale de Dixinn qui se met entièrement à notre disposition et qui nous aide dans le regroupement de nos candidats à Dixinn. Les autres communes, je m’en plains et je continuerai à m’en plaindre aussi.

Guineematin.com : donc aujourd’hui votre souhait, c’est d’être entendu par le ministre en personne ?

Georges Sagna Niang : oui, par ce que dès le départ, j’ai informé tous les cadres qu’on connait de l’éducation pour ne pas que les mêmes problèmes se répètent encore cette année. Et chacun m’a demandé de l’appeler à l’approche des examens, pour qu’il essaye de gérer le problème. Mais aujourd’hui, les téléphones restent fermés, les messages vocaux ne sont pas écoutés, c’est un regret quand même parce que je ne le fais pas pour moi, mais pour la nation. Les cadres ne répondent plus à mes appels, c’est lorsqu’il y aura des problèmes le jour de l’examen que chacun va dire tu m’as pas appelé. Parce que parfois, c’est pendant l’examen que les difficultés surviennent.

Les candidats non-voyants sont toujours installés en retard dans les centres : ils viennent, on dit bon on ne savait même pas qu’il y a des candidats malvoyants. Il me faut souvent passer au moins 10 coups de téléphones, déranger toute l’éducation pour que ces candidats soient installés. Ce n’est pas normal, c’est leur droit aussi. C’est le temps pour moi aussi de tirer le chapeau au ministère de l’enseignement supérieur qui ne ménage aucun effort après le baccalauréat pour l’orientation de ces enfants déficients visuels dans les institutions d’enseignement supérieur, selon nos demandes. Ça, le ministre Yéro est à féliciter. Mais, il faudrait que le pré-universitaire aussi s’active pour faciliter la tâche aux candidats déficients et leur permettre de passer leurs examens dans les meilleures conditions.

Interview réalisée par Amadou Oury Touré pour Guineematin.com

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