Décès du journaliste Abdoulaye Bah : un an après, Tham Camara se confie à Guineematin

feu Abdoulaye Bah

Le 17 juin 2018, la presse guinéenne enregistrait une perte énorme. Abdoulaye Bah, journaliste et chef de bureau adjoint du site d’informations Guineenews.org, a rendu l’âme ce jour-là à la suite d’un accident de la circulation dont il a été victime. Après les obsèques de notre confrère, ses collaborateurs avaient engagé une procédure judiciaire pour tenter d’en savoir plus sur cette mort aussi tragique que curieuse. Une année plus tard, où en est cette procédure ? Quel est l’impact de la mort d’Abdoulaye Bah sur sa rédaction ? Amadou Tham Camara, chef de bureau de Guineenews à Conakry a répondu à ces questions au cours d’une interview qu’il a accordée à Guineematin.com ce lundi, 17 juin 2019.

Décryptage !

Guineematin.com : il y a un an, jour pour jour, depuis que le journaliste, Abdoulaye Bah, a été tué dans un accident de la circulation à Conakry. Après ce drame, une enquête avait été ouverte par les services compétents. Avez-vous une idée sur l’évolution de cette enquête aujourd’hui ?

Amadou Tham Camara : comme vous l’avez dit, il y a un an effectivement jour pour jour qu’Abdoulaye disparaissait dans un tragique accident. Et, une fois l’émotion passée, les obsèques terminés, nous nous sommes constitués partie civile, nous avons engagé un avocat pour suivre toute la procédure. Au moment où je vous parle, l’affaire est pendante devant le tribunal de Mafanco. C’est vrai qu’il y a eu beaucoup de changements à ce niveau : il y avait un premier procureur qui avait le dossier, mais il a été muté à l’intérieur du pays. Aujourd’hui, c’est le procureur Soriba Manet qui a le dossier, mais il faut se dire la vérité, la justice guinéenne, surtout lorsqu’il s’agit des cas de disparitions de journalistes, est d’une grande lourdeur. C’est ça la vérité.

Nous avions rencontré Me Cheick Sako (ancien ministre de la justice, ndlr) pour faire bouger les choses un peu, mais ça a coïncidé aussi à sa démission. Nous allons rencontrer le nouveau Garde des Sceaux pour pouvoir un peu relancer, booster ça. Parce que ça ne bouge pas. C’est d’autant plus inquiétant parce que nous avons remarqué que lorsque ça concerne les journalistes, généralement les dossiers deviennent lourds, on ne sait pas pourquoi. C’est le cas de Chérif d’Espace, c’est le cas de Koula et c’est le cas d’Abdoulaye Bah. On ne sait pas pourquoi, parce que l’auteur de cet accident-là, le présumé Ibrahima Sory Camara, sa photo est connue, nous avons diffusé sa photo, mais la justice n’arrive pas à mettre mains sur lui.

Guineematin.com : aujourd’hui, quelle alternative avez-vous ? Vous allez saisir les instances au niveau international ou-bien vous allez vous contenter de ce que va faire cette justice dont vous dénoncez la lenteur ?

Amadou Tham Camara : vous savez, avant de saisir d’abord la justice internationale, il faut d’abord épuiser au niveau local. On ne nous a pas dit que le dossier est clos. On dit que l’enquête est ouverte, ils sont sur les investigations, qu’on n’arrive pas à mettre mains sur le fugitif. C’est ça. Si on nous avait dit que le dossier est classé, nous allions tout de suite engager ça sur le plan international. Mais pour le moment, nous allons tout faire pour que les choses aillent le plus rapidement possible. Mais, nous sommes tributaires de la lenteur de la justice guinéenne. Et ça, je veux dire que c’est la mort dans l’âme.

Ce n’est pas ce qui va ressusciter Abdoulaye, non, ce n’est pas ce que nous demandons. Mais, il faut qu’il y ait un début de réparation, au-moins qu’on sache les circonstances dans lesquelles ça s’est passé, pourquoi c’est comme ça et pourquoi on n’arrive pas simplement à mettre main sur Ibrahima Sory Camara. Sa photo est connue, le scellé est là, le véhicule qui a fait l’accident est là, mais il faut noter que c’est une personne physique qui est à la base de ça. C’est cette personne qu’on n’arrive pas à retrouver.

Guineematin.com : est-ce que vous êtes en contact avec la famille d’Abdoulaye Bah, notamment sa veuve ?

Amadou Tham Camara : oui, absolument, nous sommes en rapport avec sa famille. Nous avons organisé le sacrifice, l’an un de sa mort avec sa famille. Nous sommes en rapport et avec sa famille et avec sa femme. Donc, sur ce plan tout se passe très bien. Nous sommes en rapport très étroit même avec sa famille.

Guineematin.com : on sait qu’Abdoulaye Bah n’était pas n’importe qui au sein de la rédaction de Guineenews, il était le chef de bureau adjoint. Est-ce que sa disparition a eu impact au niveau du travail de votre médium et au niveau même du moral des travailleurs ?

Amadou Tham Camara : absolument. Vous savez, je l’ai dit, Abdoulaye est irremplaçable. C’est quelqu’un qui avait du talent, qui aimait son métier et qui était entier. C’était un gros bosseur aussi. Donc, que dire d’autre sinon que ça a été une énorme perte pour nous. Il a laissé un très grand vide.

Guineematin.com : avez-vous un dernier mot ?

Amadou Tham Camara : je voudrais profiter d’abord de votre médium pour remercier la grande mobilisation de la presse. Parce qu’il faut se dire, il a eu des obsèques dignes d’un Chef d’Etat, des obsèques grandioses. C’était à la hauteur du talent et de la qualité d’homme qu’il était. Je voudrais donc remercier tout le monde pour cette mobilisation mais également profiter pour dire que nous voulons une justice diligente et urgente, parce qu’on ne pourra pas faire entièrement le deuil aussi longtemps qu’on ne pourra pas mettre main sur Ibrahima Sory Camara qui est toujours dans la nature. Il faut que la justice guinéenne nous aide à arrêter ce monsieur.

Interview réalisée par Ibrahima Sory Diallo pour Guineematin.com

Tél. : (00224) 621 09 08 18

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