Le père du journaliste Sampiring sur le conflit entre son fils et le gouverneur de Labé : « j’ai connu des bons et des mauvais policiers »

 Elhadj Ibrahima Sampiring Diallo,  professeur à la retraite et ancien maire de Labé
Elhadj Ibrahima Sampiring Diallo, professeur à la retraite et ancien maire de Labé

Le différend qui oppose le gouverneur de la Région Administrative (RA) de Labé, Elhadj Madifing Diané à l’ancien correspondant régional de l’AGP, Idrissa Sampiring Diallo vient de prendre une autre dimension sociale. Le doyen Elhadj Ibrahima Sampiring Diallo, père du journaliste Idrissa Sampiring Diallo a réagi face « aux menaces et aux propos malveillants proférées contre son fils » sur les antennes des radios locales : BTA FM, GPP FM et Espace FM.

Aujourd’hui, la famille de notre confrère se sent offensée moralement par les propos du gouverneur. Son père se déclare très déçu de l’attitude de son « ami » Madifing Diané. Elhadj Ibrahima Sampiring Diallo, ancien maire de Labé et professeur à la retraite le fait savoir à travers une longue lettre qu’il nous a fait parvenir.

Guineematin.com vous propose, ci-dessous, l’intégralité de cette lettre :

C’est pendant la Révolution que j’ai connu monsieur Madifing Diané, chef de la Sûreté de Labé alors que moi-même j’étais secrétaire général du comité régional de la JRDA et membre de droit du bureau fédéral du Parti-Etat de Guinée. C’est donc à cette époque que j’ai été informé que monsieur Madifing Diané s’était retrouvé dans une situation très difficile parce qu’il était menacé d’arrestation. A cette époque également, j’étais professeur de français chargé des cours de philosophie-idéologie. Cette position professionnelle doublée de ma responsabilité politique m’avait permis de sentir, très tôt, l’harmattan de la révolution qui faisait planer sur toutes les têtes l’épée de Damoclès. Sans le connaître fondamentalement, j’ai éprouvé le besoin de le soutenir pour l’empêcher d’être pris dans les tenailles de la révolution, où il aurait pu avoir peu de chance de s’en sortir. Ne souhaitant même pas même à un ennemi d’aller en prison politique en ce temps-là, je me suis impliqué, et par la grâce de Dieu, j’ai réussi à bloquer le projet qui devait aboutir à son arrestation. Depuis, jusqu’à ce jour, je n’en avais jamais parlé à qui que ça soit. Même à lui. Je ne sais, par quelle source, il a été mis au courant du rôle positif que j’ai joué en sa faveur. C’est ainsi que quand il a été muté à Labé, en remplacement de monsieur Sadou Keïta, il a dit à beaucoup de gens que je suis son ami et à mon fils de le considérer désormais comme son père. Et à mon tour, je l’ai pris comme tel. Après donc sa prise de services, quand j’ai compris que ce qu’il voulait obtenir comme comportement de son correspondant par rapport à lui, je suis allé dans son bureau où il m’a accueilli avec chaleur. J’ai profité donc de ce climat de confiance et de sérénité pour lui expliquer la vraie situation de mon fils : un bénévole, journaliste indépendant qui pour avoir fait montre de compétence bénéficia d’une note de service du directeur général de l’AGP l’accréditant comme correspondant régional à Labé. Dans l’exercice de sa nouvelle fonction, les primes mensuelles de 500.000 francs guinéens furent bloquées par le gouverneur de région d’alors, Sadou Keïta qui affirmait qu’il ne lui était pas utile et qu’il n’avait signé aucun contrat d’engagement avec ce correspondant, parce qu’en réalité il évitait de faire de la publicité personnelle et de le couvrir dans certains dérapages. Malgré tout, monsieur Sadou Keïta lui avait donné libre cours pour exercer sa fonction de correspondant régional. Et ce, jusqu’à l’arrivée du nouveau gouverneur Madifing Diané. Après toutes ces explications fournies au nouveau gouverneur, nous avons ensemble abouti à la conclusion qu’avec 500.000 francs son correspondant ne pouvait pas vivre et faire vivre sa famille et qu’il avait raison de traiter avec d’autres partenaires pour arrondir ses angles. Cela signifiait qu’il ne pouvait donc pas rester en permanence accroché aux pieds du gouverneur de Labé. Sans pour autant refuser de couvrir les activités du gouvernorat lorsqu’il était mis au courant d’un programme. Et c’est ainsi, en accord avec son cabinet, il décida de rétablir à l’avenir les primes de son correspondant.

Jusque-là, j’étais satisfait de lui. Malheureusement, à l’occasion du décès de l’étudiant Boukhariou Baldé, victime de coups et blessures au campus universitaire de Hafia, la tension entre les deux a atteint un niveau qui méritait bien mon attention. Les menaces comme « méfie-toi de moi, si tu blagues avec moi, je vais t’écraser, je vais briser ta carrière » à l’encontre de Idrissa me surprirent sans pour autant entrainer une réaction de ma part. Mais, lorsque le ministre de la jeunesse, monsieur Mouctar Diallo eut demandé à mon fils de l’accompagner dans la préfecture de Mali où il avait une série d’activité, il se présenta très tôt le lendemain matin où était fixé le point de départ.

Le gouverneur, l’ayant retrouvé, lui dit en présence de témoins : « si je te voie à Mali, je te fais arrêter et te défère à Conakry. En attendant, c’est moi le président de la République ici. Je vais prévenir tout de suite le ministre Mouctar Diallo.» En entendant ces propos, je me suis dit alors que ce ne sont pas des propos qu’un ami de son père pouvait lui tenir. C’est pourquoi, Idrissa n’alla point à Mali, en accord avec le ministre Mouctar pour lui éviter de se placer dans une situation d’insécurité. Il démissionna de l’AGP.

Les réactions du gouverneur et ses propos malveillants furent diffusées sur les antennes des radios privées locales. C’est pourquoi, j’ai jugé nécessaire, à mon tour d’intervenir pour donner ma propre compréhension du problème. Savoir donc que le Boukhariou Baldé est mort à Labé ou sur la route de Conakry, ce n’est pas ce qui est important. Ce qui est important, c’est de savoir pourquoi il est mort. Car, il avait droit à la vie. Pourquoi est-il donc mort ? C’est à la suite d’une bavure des forces de sécurité déployées dans le campus sur ordre du gouverneur de région.

Si le Rectorat de l’Université, menacé par les étudiants, demande du secours au gouverneur, celui-ci, entouré de son cabinet, des autorités préfectorales et de quelques notables de la ville aurait dû se rendre d’abord à Hafia, rencontrer les manifestants, tenter de décrisper l’atmosphère. Avec ses qualités de communicateur appuyées par d’autres interventions de sa délégation, il aurait réussi à calmer la grogne des étudiants qui ne sont que nos enfants. Je dis que l’actuel directeur de cabinet, Ouremba Traoré le sait et il est témoin que le gouverneur Sadou Keïta avait pris le courage à deux mains pour se rendre auprès des étudiants à Hafia. Il se soumit à leur injonction de descendre de sa voiture et de marcher 5 km à pieds. Lui devant et les étudiants derrière, en scandant des slogans hostiles au pouvoir en place. Le gouverneur Sadou Keïta a réussi en fin de compte à régler le différend qui opposait les étudiants à leur décanat. La crise a été résolue sans intervention des forces de l’ordre.

Avant Sadou Keïta, au temps du gouverneur Alkhaly Fofana et moi-même maire de la commune urbaine de Labé, nous avons été une à deux fois au campus de Hafia, rencontrer les étudiants en révolte. Etaient de la délégation du gouverneur, si je n’oublie pas, Elhadj Thierno Badrou Bah, imam de Labé, Elhadj Boubacar Baldé, secrétaire préfectoral des affaires réligieuses. Là également, les négociations avec les étudiants connurent un succès. L’ordre fut rétabli sans intervention d’agents de sécurité. Tout cela montre, ces bavures que l’on regrette actuellement sont à mettre au compte de l’inexpérience de Madifing Diané, en matière de commandement civile.

En effet, contrôleur général de police, il était habitué à donner des ordres et à se faire obéir. Malheureusement, placé à la tête du gouvernorat de Labé, il a dû penser que le gouvernorat devait être gérer comme il a géré les services de police. De la police au gouvernorat de Labé, il a donc changé de statut mais pas de mentalité. Alors que dans un gouvernorat, il n’a que des conseiller et des collaborateurs et non des subordonnés comme à la police où « oui chef ! » est chose courante.

Pour revenir au problème, aux propos j’allais dire du gouverneur, « écraser, arrêter, déférer » m’ont alerté pour me rappeler une pratique révolue de l’ancien régime révolutionnaire. A cet effet, je voudrais rappeler qu’à l’occasion d’un concours organisé par le bureau politique national du Parti Etat de Guinée pour recruter 25 inspecteurs politiques et des contrôleurs politiques pour chacune des fédérations du parti, 300 professeurs d’économie, de français, de philosophie-idéologie avaient participé à l’épreuve. Je fus classé 7ème et nommé par décret présidentiel inspecteur politique du Ministère du Développement Rural de Kindia qui couvrait plusieurs régions (actuelles préfectures).

Dans l’exercice de cette fonction, je fus directeur général du contrôle politique du MDR et officier de police judiciaire. C’est dans ce cadre que j’ai étudié plusieurs rapports de police qui incriminaient des cadres responsables politiques et administratifs. Dans l’étude de ces rapports, le mensonge était plus dominant que la vérité. C’est ainsi que beaucoup de cadre ont évité la prison, grâce à la confiance que le Responsable Suprême de la Révolution a eu dans le traitement des dossiers qui m’étaient soumis. C’est pourquoi je dis que j’ai bien compris les propos menaçants du gouverneur Madifing Diané à l’endroit de mon fils. Car je m’étais familiarisé avec ce champ lexical : briser, écraser, déloyal, arrêter et déférer. J’ajoute qu’en ma qualité de directeur général du contrôle politique et officier de police judiciaire, j’ai eu à inspecter plusieurs commissariats de police, plusieurs postes de gendarmerie et j’avoue j’ai rencontré de bons policiers, de bons gendarmes mais j’avais découvert aussi l’existence de très mauvais policiers qui aimaient monter des dossiers pour régler des comptes à des personnes.

Les propos du gouverneur de Labé ont donc réveillé en moi mes reflexes défensifs du passé. Comme Madifing Diané a dit haut et fort que je suis son ami, que je suis une personne respectable, qu’il me respecte, j’accepte ce qu’il dit et je mets toutes ses erreurs au compte de son inexpérience. Je lui pardonne pour tous ces mots désagréables qu’il a eu à prononcer contre Idrissa, je pardonne vraiment et je demande à tout le monde de pardonner. Je termine en disant que s’il est vrai que je suis son ami, alors je lui demande de faire en sorte que mon fils quitte son statut de bénévole pour intégrer la fonction publique, après 5 ans de vie active dans les fonctions de correspondant régional de l’AGP de Labé. Alors là, Idrissa serait mutable à volonté et dans la sécurité.

Labé, le 19 juin 2019

Elhadj Ibrahima Sampiring DIALLO

Professeur à la retraite et ancien maire de Labé

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