Débat d’orientation budgétaire : la corruption dénoncée par tous les acteurs

Dr Makalé Traoré, président de la coalition femmes et filles de Guinée à l’Assemblée nationale

C’est hier, mardi 2 juillet 2019, que le débat d’orientation budgétaire (2020-2022). Ces travaux constituent un espace d’échange entre le gouvernement, les acteurs de la société civile, le secteur privé et les bailleurs de fonds sur les orientations de politique générale du gouvernement et les priorités sectorielles des politiques publiques du gouvernement pour le développement économique et social du pays, sous l’égide de l’Assemblée nationale.

Le débat d’orientation budgétaire de cette année a permis aux députés et représentants de la société civile d’attirer l’attention du gouvernement sur la nécessité d’améliorer la gouvernance, de lutter contre corruption et de travailler à la transparence budgétaire.

C’est le Président de l’Assemblée nationale, Claude Kory Kondiano, qui a ouvert la cérémonie. Cette cérémonie solennelle a été suivie par l’intervention du ministre du budget, Ismael Dioubaté, qui avait à ses côtés, ses collègues du Plan, Hadja Mama Kanny Diallo, des Finances, Mamady Touré et le gouverneur de la Banque centrale, Dr Louncény Nabé.

Ismaël Dioubaté, ministre du Budget
Ismaël Dioubaté

Dans son discours de circonstance, le ministre du Budget a décliné la programmation budgétaire triennale (2020-2022) portant sur le cadrage macroéconomique. Selon les hypothèses budgétaires énoncées par Ismael Dioubaté, le taux de croissance évoluera de 6% de 2020 à 6,9% en 2022 et que l’inflation va baisser de 9,6% en 2020 à 9, 1% en 2022. Les recettes projetées sont chiffrées à 66 040 milliards de francs guinéens ; soit, une augmentation annuelle d’environ 15,74% contre 91 222,10 milliards de dépenses. Soit un accroissement moyen de 15,63%. Les dépenses d’investissement occuperont 33 709 milliards.

Dr Makalé Traoré de la coalition femmes et filles de Guinée,
Dr Makalé Traoré

En prenant la parole, Dr Makalé Traoré de la coalition femmes et filles de Guinée, a noté que ce débat d’orientation budgétaire, démarré en 2017, est salutaire. Mais, cette activiste de la société civile a formulé des exigences au gouvernement. « Nous demandons au gouvernement de voir la société civile comme un partenaire et non comme un adversaire. De ce fait, nous avons deux préoccupations. La première est la capture de la dividende démographique qui exige une attention particulière à la jeunesse qui occupe plus de 76% de la population. Cette couche mérite les attentions particulières du gouvernement », a notamment plaidé Dr Makalé Traoré.

La seconde préoccupation, selon la présidente du réseau des femmes anciennes ministres et parlementaires, est liée à la violence contre les filles et femmes. « Nous avons fait une enquête de 3 mois dans la région de Conakry. Nous avons trouvé 552 viols de petites filles et bébés. Ce n’est pas normal… », a-t-elle dénoncé, avant d’appeler le gouvernement à prendre des mesures adéquates afin de traduire en justice les violeurs et de faire baisser ce phénomène.

Pour elle, c’est pour toutes ces raisons que le gouvernement en présentant un budget macroéconomique doit penser à monter un budget microéconomique en vue de prendre en compte les préoccupations de la petite enfance, de la femme et des couches démunies.

Dansa Kourouma, président du conseil national des organisations de la société civile
Dansa Kourouma

De son côté, Dansa Kourouma, le président du conseil national des organisations de la société civile, est revenu sur certaines mauvaises pratiques qui caractérisent le budget de l’Etat. Il s’agit de la centralisation du budget ou encore de sa nomenclature incohérente. « Il faut que la nomenclature budgétaire change et que cela soit conforme aux priorités exprimées dans le PNDES. Cette exigence est une cohérence qui permet une traçabilité de l’exécution du budget. Il faut également que le budget augmente par rapport aux allocations des secteurs sociaux à savoir l’éducation et la santé », a indiqué Dr Dansa Kourouma.

Selon ce responsable du CNOSCG, la centralisation du budget a pour conséquence, sa vulnérabilité face à la corruption. « Si ceux qui montent le budget sont à Conakry, ceux qui le reçoivent à Conakry et ceux qui le contrôlent à Conakry, le budget va tourner entre ces trois groupes et les 70% des populations qui sont à l’intérieur du pays n’auront rien pour travailler. Ce qui n’est pas normal », a déploré Dansa Kourouma.

Pour remédier à cette situation, Dansa Kourouma lance un appel aux députés. « Il faut que les députés prennent leur responsabilité. Ce sont eux qui votent le budget. Ils doivent indiquer au gouvernement une nouvelle répartition du budget. Si ce n’est pas le cas, qu’ils s’abstiennent de le soutenir. Il ne s’agit pas d’augmenter le budget mais de le réorganiser en fonction des priorités. Aujourd’hui, la lutte contre la corruption et la promotion de la bonne gouvernance, on est à peine à 5% », a-t-il déploré.

Eric Cole, responsable technique des industries Topaz,
Eric Cole

De son côté, Eric Cole, responsable technique des industries Topaz, a décliné un chapelet de mesures, au nom du secteur privé guinéen, pour améliorer le climat des affaires en Guinée et permettre une participation effective et accrue de ce secteur dans le développement socio-économique du pays.

Ces mesures sont entre autres, la formation professionnelle et technique des jeunes, l’amélioration du cadre juridique, la lutte contre la concurrence déloyale, la viabilisation des zones franches, la construction des infrastructures de base, eau, électricité, les routes…

Enfin, plusieurs députés ont dénoncé la corruption qui gangrène l’administration publique, seule responsable de la gestion du budget de l’Etat. Les travaux vont se poursuivre ce mercredi dans des commissions établies à cet effet et seront sanctionnés par un rapport final, qui devrait servir de boussole au gouvernement.

Abdallah BALDE pour Guineematin.com

Tél. : 628 08 98 45

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