Kèlèfa Sall : le magistrat qui ne voulait pas d’un 3ème mandat pour Alpha Condé

Feu Kèlèfa Sall, évincé de la présidence de la Cour Constitutionnelle pour avoir demandé au président Alpha Condé de ne pas changer la Constitution et de quitter le pouvoir après ses deux mandats à la tête de la République de Guinée

« Ne nous entourons pas d’extrémistes, ils sont nuisibles à l’Unité nationale. Évitez toujours les dérapages vers les chemins interdits en démocratie et en bonne gouvernance. Gardez-vous de succomber à la mélodie des sirènes révisionnistes. Car, si le peuple de Guinée vous a donné et renouvelé sa confiance, il demeure cependant légitimement vigilant… ». C’est le conseil que monsieur Kèlèfa Sall- alors président de la Cour Constitutionnelle- avait donné à monsieur Alpha Condé. C’était le 14 décembre 2015, à l’occasion de la cérémonie officielle d’investiture du président de la République pour son deuxième et dernier mandat.

Malheureusement, le président Alpha Condé était déjà dans un autre état d’esprit. Ainsi, au lieu de s’éloigner des sirènes révisionnistes, il se débarrasse du « conseiller » qui plus est président de la Cour Constitutionnelle, donc éventuel obstacle d’une révision constitutionnelle…

Après la mort de ce magistrat dont le nom restera à jamais gravé dans la mémoire collective comme la toute première personnalité publique guinéenne à demander publiquement à un chef d’Etat en fonction de respecter la Constitution.

Ci-dessous, Guineematin.com vous propose un extrait de ce très courageux discours de feu Kèlèfa Sall :

… Les Guinéens dans leur majorité et le Tout Puissant et Miséricordieux ont voulu que ce soit vous, Pr. Alpha Condé, qui présidez aux destinées de notre pays. Telle est la loi de la démocratie : la gouvernance par la majorité, et ce, dans le respect de la minorité.

Vous vous êtes engagé solennellement à respecter la constitution et les décisions de justice, à défendre les institutions constitutionnelles, l’intégrité du territoire et l’indépendance nationale. Par cet acte, vous venez de faire une déclaration de loyauté et d’engagement signifiant que force doit rester à la loi et que nul n’est au-dessus de la loi. C’est cela un Etat droit, un Etat dans lequel aussi bien l’Etat que les citoyens sont soumis sans distinction à l’autorité de la loi.

Vous avez été réélu le 11 octobre 2015 pour continuer la lutte du peuple contre la misère et l’immoralité. La confiance que nos concitoyens viennent de vous renouveler est une reconnaissance pour l’effort fourni et les résultats obtenus au cours d’un mandat marqué par une crise sanitaire inattendue et sans précédent et une série de manifestations politiques. Malgré ce contexte, vous avez pu réaliser des exploits. Pourtant, il y a 5 ans, en prenant en main les destinées de la Guinée, il y avait beaucoup à faire ou à refaire, si bien qu’aujourd’hui encore, ce qui reste à faire est énorme.

A cet instant précis, je ne doute point que l’un de vos soucis est de laisser l’image positive d’un homme d’Etat visionnaire, talentueux et bâtisseur de la Guinée moderne. Vous êtes déjà entré dans l’histoire pour avoir amorcé avec succès le défi de l’électrification de la Guinée par la construction du barrage de Kaléta. Les chantiers de l’éducation de qualité pour tous, de la couverture sanitaire universelle, de la lutte contre l’impunité, de la préservation et la récupération du domaine public et maritime, de la sécurité de nos concitoyens et de leurs biens, des emplois durables et décents, de la poursuite des investissements dans le secteur de l’électricité ou enfin d’une administration d’Etat figureront certainement parmi les priorités de votre quinquennat. En tant que président de la République, vous devez être le rassembleur, au-dessus des partis politiques et des contingences. C’est là votre défi.

Et comme l’a dit un de vos admirateurs, qui a longtemps partagé vos peines et vos joies, Alpha Condé s’est aménagé avant l’heure et de manière constante les habitudes et aptitudes d’un homme de défis. A cet instant précis, toute la Guinée prie afin que vous soyez l’homme de la situation.

La cour, en sa qualité de régulatrice du fonctionnement et des activités des pouvoirs législatifs et exécutifs et des autres organes de l’Etat, vous encourage à accélérer l’intégration de toutes les énergies, de toutes les compétences et de toutes les expertises pour la cohésion sociale et le développement durable de notre chère Guinée.

Guinéennes et Guinéens, chers compatriotes !

La Guinée est une famille, nous le disons à toutes les occasions. Alors, unissons-nous dans la fraternité pour mieux nous connaître, nous comprendre, nous apprécier, nous aimer et rester toujours solidaires. N’excluons personne ! Encourageons et favorisons les débats inclusifs dans la richesse que constitue, en plus de celle du sol et du sous-sol, notre diversité ethnique et culturelle. Faisons en sorte que désormais, gouvernants et gouvernés, membres ou non des partis politiques acceptent que les affaires de l’Etat ne soient le bien de personne. Elles appartiennent au peuple qui en délègue la gestion temporaire, non pas à un maître comme on a souvent tendance à le peser, mais à un serviteur.

Monsieur le président de la République,

Sur le chantier de l’histoire, ceux qui sont devant sont ceux qui sont en vue. Veuillez constamment avoir présent à l’esprit que quand on est devant, on doit être le référentiel. Tandis que lorsqu’on est derrière, personne ne vous regarde. Alors, demain, ne dites pas que les Guinéens vous fatiguent ou vous agacent, considérez seulement qu’ils vous en demandent un peu trop.

La conduite de la Nation doit nous réunir autour de l’essentiel. Ne nous entourons pas d’extrémistes, ils sont nuisibles à l’Unité nationale. Évitez toujours les dérapages vers les chemins interdits en démocratie et en bonne gouvernance. Gardez-vous de succomber à la mélodie des sirènes révisionnistes. Car, si le peuple de Guinée vous a donné et renouvelé sa confiance, il demeure cependant légitimement vigilant.

Monsieur le président de la République,

Permettez-moi, au nom de la Cour et à mon nom personnel, de vous présenter à vous et à votre famille, mes félicitations pour votre réélection pour un mandat de cinq ans. Que Le Tout Puissant et Miséricordieux vous accorde longue vie, bonne santé et ainsi que les ressources morales et intellectuelles nécessaires pour mener à bien votre noble, délicate et difficile mission.

Permettez-moi également de remercier les éminentes personnalités qui sont dans cette salle, de féliciter les 7 autres candidats pour la considération et le respect des voies exprimées pour eux par nos concitoyens, ainsi que tous les acteurs de la vie nationale pour leurs appels au calme et à la cohésion nationale.

Monsieur le président de la République, soyez prêt dès le 21 décembre pour que vive la Guinée !

La Cour vous donne la parole pour vous permettre de vous adresser à votre peuple, votre Excellence !

Guineematin.com présente ses sincères condoléances à la famille et aux proches de monsieur Kèlèfa Sall.

Paix à son âme, amine !

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