Port de pêche de Kaporo : « 20 gilets pour 182 barques, qu’est-ce que vous allez faire avec ? »

Le secteur de la pêche artisanale n’est pas épargné par les difficultés qui assaillent toutes les couches socioprofessionnelles de la Guinée. Le manque de gilets de sauvetage et la saison des pluies sont des facteurs de risque pour de nombreux pêcheurs artisanaux, victimes quelques fois de naufrages. Le port de pêche de Kaporo, dans la commune de Ratoma, connaît bien cette triste réalité. Trois pêcheurs de ce port ont trouvé la mort dans un naufrage survenu dans la première semaine du mois d’août 2019.

Dans un entretien accordé à un reporter à Guineematin.com dans la journée de ce vendredi, 16 août 2019, le chef dudit port est revenu sur les difficultés du moment. Marouf Soumah a également évoqué une série de mesures prises ce vendredi pour minimiser les risques d’accidents.

Guineematin.com : vous étiez en réunion ce matin avec les pêcheurs de votre zone. De quoi il a été question au cours cette rencontre ?

Marouf Soumah : nous sommes en train de sensibiliser les jeunes. Comme il y a eu beaucoup d’accidents mortels ces derniers temps, nous sommes en train de les sensibiliser. Parce que pour faire la pêche, il y a des conditions à remplir. Il ne s’agit pas de venir et s’embarquer pour aller directement à la mer. Il y a des gens qui sont venus récemment ici, ils ne savent pas comment pêcher. Ils viennent, ils s’embarquent et directement ils vont à la mer. Or, pour être un grand pêcheur, il y a des techniques qu’il faut adopter. Mais eux, ils ne savent pas ça. Donc, ce sont ces différentes techniques que nous sommes en train de leur donner.

Guineematin.com : on apprend que cette rencontre fait suite à plusieurs difficultés que vous rencontrez sur le terrain. Parlez-nous de ces difficultés.

Marouf Soumah : les difficultés sont très nombreuses, mais la principale, c’est le manque total de gilets de sauvetage. Les pêcheurs n’ont reçu aucun gilet au niveau de notre port cette année. Donc ça, c’est la première difficulté. La deuxième difficulté, c’est l’abandon de notre port de pêche par l’Etat. La société qui devrait venir rénover le port reste indifférente. Il faut bien regarder, il n’y a rien au port. Troisième difficulté, on est en manque de filets de pêches. Là aussi, l’Etat en a parlé, mais il n’y a eu aucune suite.

L’Etat nous a demandé de retirer les vieux filets pour qu’il nous envoie des nouveaux. Mais, il n’a pas envoyé. Donc, on ne peut pas retirer ce qu’on a, alors qu’on n’a pas envoyé même la moitié des nappes. Donc, l’Etat ne vient pas en aide. C’est nous-mêmes qui fabriquons les barques, et nous achetons les moteurs aussi à 28 millions de francs guinéens. Donc, les difficultés sont vraiment nombreuses.

Par rapport aux gilets de sauvetage, Kaporo n’a rien eu cette année, Nongo aussi n’a rien eu. L’année passée, le port de Kaporo a eu 20 gilets de sauvetage. Imaginez 20 gilets de sauvetage pour 182 barques motorisées. Il n’y a pas une barque qui peut prendre ici deux pêcheurs. C’est de trois jusqu’à 10 pêcheurs. Quand on vous donne 20 gilets à partager pour 182 barques, qu’est-ce que vous allez faire avec ça ? On a partagé ça, mais c’était insuffisant. Cette année, on n’a rien eu. Rien.

Guineematin.com : la semaine dernière, trois pêcheurs de votre port ont trouvé la mort dans un naufrage. Est-ce que vous pensez que cet accident est dû au manque d’équipements ?

Marouf Soumah : d’une part, oui. Surtout le manque de gilets de sauvetage. Cette année, il y a eu beaucoup d’accidents mortels. Même hier (jeudi 15 août ndlr) Kindia nous a appelé pour dire qu’il y a un naufrage. Ici à Kaporo, on a perdu trois pêcheurs la semaine passé. Il s’agit de Tamsir Sylla, Mikaelou Camara et Bouba Camara. Tous, des jeunes pêcheurs. Ceux-ci sont décédés : Un, parce qu’il n’y avait pas de gilets de sauvetage, et deux, à cause des algues.

Guineematin.com : quel message avez-vous à lancer à l’endroit des autorités ?

Marouf Soumah: nous demandons à l’Etat de venir nous aider. Nous souffrons. Imaginez par exemple moi, j’ai deux barques. Et chaque barque à au moins 9 pêcheurs, et chaque pêcheur à une famille. Donc, il faut que l’Etat vienne à notre aide. Nous sommes des guinéens souffrants, l’Etat n’a qu’à penser à nous comme les autres.

Interview réalisée par Saidou Hady Diallo pour Guineematin.com

Tel: 620 589 527/654 416 922

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