Guinée : la presse ne pliera pas et ne rompra pas !

Boubacar Yacine Diallo, ancien président du Conseil National de la Communication et ancien ministre

« Si l’Etat est fort, il nous écrase. S’il est faible nous périssons ». Cette pensée de Paul Valéry semble avoir été mal assimilée par de nombreux dépositaires d’autorité administrative ou judiciaire dans notre pays.

On peut le vérifier désormais par l’acharnement, rarement égalé, sur la presse libre depuis 1991. Sinon, c’est difficile de croire qu’un juge puisse interdire à un journaliste l’animation d’une émission de radio, alors que l’affaire est en phase d’instruction, ou encore placer sous contrôle judiciaire des journalistes de moralité irréprochable, lorsqu’il ne s’agit qu’un délit de presse qui reste d’ailleurs à prouver.

Les journalistes savent qu’ils sont des citoyens sujets de droit. C’est pourquoi, ils sont les premiers à demander à être jugés, lorsque des plaintes sont introduites à leur encontre. Cependant, ils exigent que ne leur soit appliquée que la loi 002 qui encadre l’exercice de leur métier. Une loi dans laquelle même les crimes commis par voie de presse sont prévus et punis.

Mais depuis que la loi sur la Cyber-sécurité a été promulguée, les juges ont volontairement rangé dans le placard la loi portant liberté de la presse.

Pourtant, même le tout récent Code pénal renvoie à cette loi concernant les délits et crimes commis par voie de presse.

Certes, nous comprenons que les adversaires de la dépénalisation trouvent refuge dans la loi sur la cybercriminalité pour pouvoir mettre des journalistes en prison sans raison. Et rêver ainsi se soustraire à la critique, alors qu’ils gèrent des biens communs.

A ceux qui font la promotion de la loi sur la cybercriminalité, nous disons que le journaliste n’est ni un malfrat, ni un criminel. Et c’est pourquoi, d’une même voix, les professionnels des médias disent non à quiconque se hasarderait à leur imposer une loi inappropriée pour juger les délits dont la presse peut se rendre coupable.

Les adversaires de la presse libre peuvent encore claquer leurs doigts et même se vanter d’avoir mis des journalistes de renom dont Souleymane Diallo à genou, profitant du manque d’indépendance de certains juges, de surcroît, intimidés par de hauts fonctionnaires de plus en plus menaçants.

Ils peuvent même bomber la poitrine en croyant qu’ils ont vaincu la presse, oubliant, peut-être, que celle-ci est éternelle.

Une petite leçon de rappel s’impose : hier, certains de ceux qui narguent ainsi la presse, passaient des journées entières dans les salles de rédaction simplement pour se faire entendre grâce à elle.

Sans doute un autre jour arrivera où les mêmes reviendront se mettre à genou devant les journalistes qu’ils maltraitent si injustement.

Évidemment, ce jour -là, les journalistes -comme toujours -leur redonneront la parole, sans même se souvenir du martyre dont ils ont souffert injustement de leur part.

C’est cela la grandeur d’une presse qui refuse d’être caporalisée.

À ceux qui jurent de mettre à terre la dépénalisation, nous disons : allez-y !

Au nom de notre devoir d’informer et celui du citoyen d’être informé, nous résisterons jusqu’au bout ! Car, comme le roseau, la presse ne rompra jamais !

La presse et les journalistes resteront jaloux de leur indépendance, comme la Guinée l’est! Si heureusement !

Les associations de presse, qui se sont mis en ordre de bataille, pour défendre la corporation, doivent être soutenues dans toutes les actions envisagées.

Boubacar Yacine Diallo, journaliste –écrivain en séjour à l’étranger

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