Kassory désigné pour les consultations nationales : ce qu’en dit Fodé Bangoura du PUP (interview)

Elhadj Fodé Bangoura, président du Parti de l’Unité et du Progrès
Elhadj Fodé Bangoura, président du Parti de l’Unité et du Progrès

Quarante huit heures après le discours du président Alpha Condé, les réactions ne cessent de se faire entendre tant à Conakry qu’à l’intérieur du pays. La mission assignée au Premier ministre d’ouvrir de larges consultations avec tous les acteurs sociopolitiques sur toutes les questions, y compris celles qui fâchent, est diversement appréciée. C’est pour parler de ce sujet et de bien d’autres questions qu’un reporter de Guineematin.com s’est entretenu ce vendredi, 6 septembre 2019, avec Elhadj Fodé Bangoura, président du Parti de l’Unité et du Progrès (PUP).

Dans cet entretien, il a été aussi question de la mise en place des démembrements de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI), du positionnement et de l’état de santé du PUP, des résultats catastrophiques aux examens nationaux de la session 2019, de la restriction de la liberté de la presse en Guinée,….

Guineematin.com : le mercredi passé, le président Alpha Condé a tenu un discours à la nation dans lequel il a demandé au Premier ministre d’ouvrir de larges consultations avec tous les acteurs de la vie nationale. Comment réagissez-vous ?

Elhadj Fodé Bangoura : ma réaction est à l’image de la réaction de beaucoup de guinéens ou comme tous les guinéens. Tous, nous nous attendions à une adresse à la nation. Certains pensaient que ça serait fait le 2 octobre. Mais il est revenu, il a fait ce discours. Personnellement, je suis resté sur ma faim. Il est vrai que ce à quoi les gens s’attendaient, il ne l’a pas dit. Il a fait un discours à un moment où en plus de la politique, le peuple avait une préoccupation de survie. Notre réseau routier est extrêmement dégradé. Il ne s’était pas adressé à la nation. Il n’a rien fait. Nous avons eu une année scolaire compliquée avec des résultats décevants. Il ne s’était pas adressé à la nation dans ce sens. Il ne l’a pas évoqué. Le réseau routier guinéen, sur l’ensemble du territoire, est malmené. Les produits agricoles à destination des centres de consommation, tel que Conakry, arrivent pourris. Les quelques rares produits qui peuvent être vendus sont achetés à un prix difficile à supporter en ce mois d’août. On pense que cela est une préoccupation du peuple de Guinée et que le président de la République se serait adressé à ses concitoyens pour leur dire que leurs préoccupations, c’est la préoccupation du gouvernement et que les mesures correctives seront prises sous peu. Parce que j’avais entendu que dès qu’il est arrivé lui-même, il a visité une partie de ce réseau routier dans Conakry et ses alentours. Mais, il n’en avait pas fait cas sur ce plan.

Maintenant, quand à l’ouverture du dialogue, je pense qu’aucun guinéen ne refuse le dialogue. Mais est-ce que ce dialogue là est préparé comme il se doit ? Dans les prérogatives du Premier ministre, c’est lui le patron du dialogue. Ça, il n’y a pas eu de nouveauté. Ce qui est nouveau dans ça, c’est que celui qui va diriger le dialogue, celui qui doit parler avec les autres dans ce dialogue a déjà pris position. Comment on peut aller à un dialogue quand les positions sont déjà tranchées à l’avance ? Le Premier ministre dit « je suis pour, mon gouvernement est pour. En tant que personne, je suis pour ; en tant que Premier ministre, moi et mon gouvernement, nous sommes pour (pour la Nouvelle Constitution, ndlr) ». Les autres ont dit « nous sommes contre. Amoulanfé (ça ne se fera pas, ndlr), Alammané (ça se fera, ndlr) ». Donc, on est dans cette situation, et après tout, on dit un d’entre eux va arbitrer. Comment ? On ne peut pas être joueur et arbitre. C’est ça le problème. C’est à partir de cette déclaration que les positions ont commencé à se radicaliser. Alors, comment on peut organiser un dialogue à partir de ça ? On ne va au dialogue que si on n’a confiance à l’interlocuteur. Il faut créer cette confiance. Je crois que là, déjà ça ne se porte pas bien. Ensuite, il faut avoir de l’espoir en disant que je vais dialoguer pour qu’il y ait un résultat satisfaisant. Mais, il n’y a ni confiance, ni espoir pour le moment. Je pense que ça serait très difficile d’aller au dialogue dans ces conditions.

Guineematin.com : donc, cela veut dire que pour ce dialogue, le PUP n’est pas partant ?

Elhadj Fodé Bangoura : le PUP ne s’est pas réuni pour prendre une décision par rapport à ça. Mais, ce que nous voyons-là, le dialogue semble être bancal parce qu’il y a crise de confiance entre les interlocuteurs.

Guineematin.com : aujourd’hui, on constate que les journalistes ne sont plus poursuivis sur la base de la loi L002 portant sur la liberté de la presse. Plutôt, ils sont poursuivis sur la base de la Loi sur la cyber-sécurité qui prévoit même des peines d’emprisonnement. Quels commentaires avez-vous à faire sur ce point ?

Elhadj Fodé Bangoura, président du Parti de l’Unité et du Progrès

Elhadj Fodé Bangoura : je vous renvoie cette question. Est-ce que cette loi sur la cyber-sécurité a été votée et promulguée ? Moi, j’ai un problème. Une loi, si elle est mauvaise, ne la votez pas. Si vous votez, vous acceptez cette loi. Elle reste une loi, elle est applicable. Mais, si elle n’est pas votée, et on en parle, pour moi, elle n’est pas opposable. Si cette loi n’existe pas, on ne doit pas opposer à quelqu’un ce qui n’existe pas. Encore une fois, je fais partie de ceux qui s’étaient battus pour qu’il y ait les radios privées. Alors, je suis jaloux. Je ne crois pas qu’à notre temps qu’on ait enfermé un journaliste parce qu’il a dit ceci ou cela. J’ai encore des témoins ; mais, je ne vais pas les citer. Moi, je suis contre. On s’est battu pour qu’il y ait la liberté d’expression. Je veux que le journaliste respecte effectivement la déontologie, qu’il ne soit pas procureur, mais journaliste. Mais, je ne veux pas aussi qu’on les emprisonne parce qu’on veut les emprisonner. Que n’importe qui peut porter plainte, et qu’on les fait arrêter. Si c’est le cas, on arrête de parler de démocratie. On fait comme la voix de la révolution. Une seule radio, un seul journal et puis ça s’arrête là. Mais, tant qu’il y a des idées diverses, laissez les gens s’exprimer. On parle du Lynx. Lansana Conté était le fonds de commerce du Lynx. Mais, il n’a jamais fait arrêter quelqu’un. Pourtant, il n’y avait pas un numéro du Lynx où on ne parlait pas de Fory Coco. Quelques fois, on le caricaturait, il riait, on lui faisait tout. Mais, jamais il n’a demandé à faire arrêter quelqu’un. Nous, nous sommes les héritiers de celui là, il a libéré, il a laissé les gens faire ce qu’ils veulent, et c’est au peuple de juger.

Guineematin.com : pour cette année 2019, les résultats scolaires aux examens nationaux ont été catastrophiques. A votre avis, quelle est la cause réelle de ce problème ?

Elhadj Fodé Bangoura : vous savez, les gens pensent qu’on évalue seulement l’élève. L’école, c’est trois choses. D’abord les élèves, les enseignants, et les infrastructures. Donc, dans le résultat proclamé de l’élève, il y a tout le monde dedans. Il y a l’enseignant, il y a l’enseigné, et même les parents. Cette année, il y a eu la grève, on n’a pas cherché à résoudre le problème. Mais plutôt, on l’a motivé. Je l’ai dit dans l’une de mes interviews, il faut dialoguer. On a passé l’année comme ça. Tout le monde est responsable de cet échec là. On a recruté des contractuels qui se sont plaints par la suite. Ça veut dire qu’on a fait semblant d’étudier. Les élèves aussi venaient se regrouper dans une même classe pour qu’il y ait le nombre, pour qu’on dise que tout va bien. Les élèves sont complices, les parents complices, les enseignants n’y allaient pas, l’Etat regardait cela et acceptait. Aujourd’hui, il y a eu échec. Donc, on a préparé ce résultat catastrophique. Tout le monde a été évalué. L’Etat a été évalué, les enseignants ont été évalués, les élèves ont été évalués, les parents ont été évalués et finalement on a obtenu ce résultat catastrophique…

Guineematin.com : parlons un peu de votre parti le PUP. Comment se porte aujourd’hui le parti que vous dirigez ?

Elhadj Fodé Bangoura : le parti se porte bien. Nous nous battons comme tous les autres partis pour conquérir le maximum de militants et être là où on discute de l’avenir de ce pays et les problèmes de ce pays.

Guineematin.com : est-ce que le PUP a des représentants dans les démembrements de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) ?

Elhadj Fodé Bangoura : oui ! Pas dans tous les endroits, mais nous avons des représentants. Nous pensons que nous avons à peu près une vingtaine. A Conakry, nous en avons dans deux communes : Matoto et Ratoma. A l’intérieur du pays aussi, on en a. Mais, je ne peux pas vous citer toutes les préfectures où on en a. Mais, on en a suffisamment à l’intérieur du pays.

Guineematin.com : quelles sont vos relations avec les autres partis de l’opposition ?

Elhadj Fodé Bangoura : de très bonnes relations. Nous nous battons pour la même cause. Nous sommes de l’opposition, nous nous battons pour la même cause, pour la bonne gouvernance pour ce pays, pour le bien être pour ce peuple de Guinée. Et pour cela nous partageons le même idéal. Donc, nos relations sont bonnes.

Guineematin.com : avez-vous un message à lancer à l’endroit des guinéens ?

Elhadj Fodé Bangoura : c’est un message de paix, de solidarité, de vivre ensemble. Aux dirigeants actuels, les dirigés sont leurs compatriotes qui partagent avec eux le même espace Guinée. A ceux qui veulent être responsables demain, eux-aussi qu’ils héritent d’un pays. Qu’ils ne trouvent pas quelque chose qu’eux-mêmes ils n’arrivent pas à maîtriser parce qu’il y a trop de gâchis. Et que tout le monde accepte franchement de vivre ensemble, de se comprendre pour qu’il y ait une Guinée paisible. Quand il y a le calme, la paix, la quiétude dans le pays, c’est celui qui est à la tête de ce pays qui en bénéficie le premier. Donc, il doit créer les conditions pour qu’il y ait la paix, pour que le pays soit stable.

Propos recueillis par Saidou Hady Diallo pour Guineematin.com

Tel : 620 589 527/654 416 922

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