Fête de l’indépendance à Kindia : « c’est du faux, de l’imposture », dit Abdoulaye Bah

Abdoulaye Bah, responsable national chargé de marketing politique et de l’animation de l’UFDG

Au cours d’une interview qu’il a accordée au correspondant de Guineematin.com à Kindia, l’ancien président de la délégation spéciale de cette ville a abordé plusieurs sujets d’actualité. Fidèle à lui-même, Abdoulaye Bah a dénoncé la façon dont la capitale de la Basse Guinée a été désignée pour abriter les festivités du 61ème anniversaire de l’accession de la Guinée à l’indépendance et l’état des préparatifs sur le terrain, la gestion de la mairie de Kindia, mais aussi la volonté du pouvoir de changer l’actuelle constitution guinéenne.

Décryptage !

Guineematin.com : Kindia devait abriter cette année les festivités de l’an 61 de l’accession de la Guinée à l’indépendance. Quel constat faites-vous sur l’état des préparatifs ?

Abdoulaye Bah : c’est une situation malheureuse et triste, parce que c’est du faux. C’est de l’imposture. Pourquoi? Vous savez que pour les villes, régions qui ont bénéficié de fonds de l’État guinéen, si vous vous rappelez très bien, monsieur Alpha Condé a annoncé cela à travers un décret présidentiel : Boké, Kankan, N’zérékoré, Mamou. Et pour Kindia, je ne sais pas pourquoi le décret tarde à arriver. A moins que Kindia soit une ville inférieure aux autres villes. Deuxièmement, monsieur Alpha Condé a annoncé toujours le choix de la ville devant abritant ces festivités à l’occasion de ses vœux de nouvel an à l’adresse de la nation à la RTG ; donc le 31 décembre de chaque année.

Et, le 31 décembre 2018 est déjà passé, je n’ai pas entendu monsieur Alpha Condé dans son adresse à la nation, annoncer le choix officiel de Kindia comme étant la ville qui va abriter le 61ème anniversaire de l’indépendance de la Guinée. Donc, moi qui suis un intellectuel qui n’avale pas le vent qui souffle comme ça, je ne peux pas, cautionner ce que des ministres de Kindia en mal de popularité, en l’occurrence Taliby Sylla, et des députés en mal de popularité comme Demba Fadiga, vont distiller sur ma ville.

Donc moi, jeune intellectuel, politicien qui connait comment fonctionne l’Etat, je ne peux pas m’exprimer sur quelque chose qui n’est pas fondé, qui n’existe pas. Cela, c’est le premier constat. C’est un constat qui est un constat juridico-politique. Il n’y a pas de décret. Et, tant qu’il n’y a pas de décret, je vous en prie, Kindia n’est pas choisie.

Maintenant, le constat physique. Notez bien ! A Kindia, il n’y a aucun projet de développement d’une ville, financé par un fonds public. Ici à Kindia, il y a la construction de quatre sites sécuritaires. Et à ce que je sache, moi qui suis administrateur, politicien et politologue, le développement local ne se résume pas à la construction des infrastructures sécuritaires. Non ! Ici, on construit le commissariat central, on reconstruit la gendarmerie régionale et départementale, la direction régionale de la sûreté.

Notez bien que selon nos renseignements, la reconstruction de ces quatre sites de sécurité n’est pas financée par des fonds d’Etat à l’image de Boké, Mamou, Kankan ou N’zérékoré. C’est l’union européenne, dans son assistance à la Guinée, dans le cadre de la réforme du secteur de la sécurité, qui finance cette reconstruction. Maintenant, pour quel but ? Sûrement c’est pour pouvoir prendre Kindia en tenaille, Kindia en ébullition démocratique. Nous ici, nous connaissons nos droits et nos devoirs, article 2 de la constitution. Souveraineté nationale exige !

À Kindia, vous n’allez plus nous faire faire ce que vous voulez. Vous n’allez plus nous pousser à être ce que vous voulez qu’on soit. C’est ça, Kindia. Et, à Kindia le peuple est démocrate. Par conséquent, on ne peut pas être soumis. Nous ne sommes pas un peuple docile. Nous sommes une ville indépendante, on ne peut pas accepter n’importe quoi. Cela pourrait sous-entendre que si vous vous levez, nous avons maintenant des bâtiments où on va vous séquestrer, où on va vous enfermer. Mais, ça aussi, ça ne marchera pas.

Guineematin.com : vous êtes visiblement très perplexe par rapport à ce choix qui réjouit beaucoup de citoyens de Kindia. Mais, comment expliquez-vous tout ce qui se dit aujourd’hui autour de cette fête anniversaire dans la ville des agrumes ?

Abdoulaye Bah : en fait, c’est de l’imposture. C’est de la propagande, c’est un mensonge vis à vis d’une ville qui mérite respect. Les voiries urbaines appartiennent aux mairies en Guinée. Et, l’état ici est lamentable. Le constat est triste et malheureux. Surtout le pont Takhou et le pont Gbély (Wondima). Et puis, vous avez le marché de Kindia. Il date de 1917, selon mes renseignements. Il a le même âge que l’église catholique de Kindia. Il a fêté ses 102 ans cette année.

Donc, pour que les femmes quittent la chaussée, il faut une infrastructure marchande. Il faut reconstruire, il faut développer. Il n’y a pas de gare routière. Celle-ci date de 1978. C’est le PDG-RDA qui l’a donnée à Kindia. Et puis, il n’y a pas d’abattoir moderne. Donc, il n’y a ici aucune infrastructure locale pouvant bénéficier de ce qu’on appelle un projet de développement financé par l’Etat.

Guineematin.com : vous parlez du marché, de la gare routière qui relèvent de la maire et qui rapportent des revenus à la commune. Quel est votre sur la gestion de l’actuelle équipe dirigeante de la mairie de Kindia.

Abdoulaye Bah : malheureusement, c’est la catastrophe. Cette culture d’assainissement que j’avais réussi à instaurer a été perdue aujourd’hui. Tout ce que j’avais permis de mettre en place c’est-à-dire cette gestion rigoureuse des fonds publics, la comptabilité communale transparente, c’est dans le code des collectivités. A savoir que tout montant, tout argent qui devait arriver dans le compte de l’Etat devrait avoir une traçabilité c’est-à-dire que dépôt, reçu, quittance et puis compte rendu au maire et au comptable. C’est la comptabilité communale et c’est universel. En Chine, en Guinée, aux États-Unis, en France… c’est une règle universelle de gestion des fonds publics locaux. Et puis, il y a l’assainissement.

Guineematin.com : vous êtes membre de l’actuelle délégation spéciale de Kindia même si vous ne siéger pas à la mairie. Est-ce qu’il arrive que le bureau exécutif de la mairie vous consulte sur certaines questions vu que avez géré cette commune pendant un peu plus de deux ans comme président de la délégation spéciale qui était là ?

Abdoulaye Bah, ancien président de la délégation spéciale de Kindia

Abdoulaye Bah : malheureusement, la mairie ne fonctionne pas. Je vous demande aussi de faire un tour là-bas pour vous rendre compte que ce que Kindia a vécu est une catastrophe. En fait, c’est la présidence de la République de Guinée qui m’a écarté. Je fais une confidence, c’est Alpha Condé qui a écarté Abdoulaye Bah. Pour la simple raison qu’il ne peut pas supporter d’avoir un maire de l’UFDG, parti de l’opposition, à la tête de la première ville de la Basse Guinée. C’est une opération politique téléguidée initiée par Alpha Condé pour écarter Abdoulaye Bah de l’UFDG. Donc il a sacrifié Kindia à cause d’un homme qui est d’un parti politique. C’est une confidence et j’ai des preuves la dessus.

Donc il n’y a pas de gestion de la mairie, le bureau est fermé depuis plusieurs mois. Le maire qu’on a téléguidé qui a entre 88 et 89 ans est aujourd’hui couché à la maison. Il est fatigué, il est âgé et il est malade. Donc, il n’y a pas de gestion à la mairie et je ne suis pas consulté parce que je ne peux pas l’être dès l’instant que je conteste, je réclame ma victoire politique. Donc, on ne peut pas être en rapport avec des gens qui ont été utilisés contre nous.

Guineematin.com : depuis que vous avez quitté la mairie de Kindia, c’est quoi votre quotidien ?

Abdoulaye Bah : je fais de la politique à travers mon parti. Je suis ici physiquement et je participe aux activités sociales de ma ville. Mais également, les médias sont aussi un moyen de communication pour toujours continuer à dénoncer les crimes politiques que Kindia a vécus. Donc, mon combat est foncièrement politique. Je ne désarme pas.

Guineematin.com : quelle est la nature de vos relations avec la population de Kindia, notamment le premier imam, Elhadj Mamoudou Camara ?

Abdoulaye Bah : disons que mes rapports ont toujours été très bons avec la population de Kindia. Je n’ai jamais eu de problème ici. J’ai géré la mairie pendant deux années et deux mois, je n’ai fait l’objet d’aucune plainte de la part d’un citoyen, ni d’une autorité quelconque ici. Avec l’imam, avant, on était en très bons termes. La seule parenthèse qui a eu lieu, c’est lorsque les élections communales l’ont poussé à réclamer une victoire politique. Aujourd’hui, tout va bien entre lui et moi. Pour vous dire que tout va bien, l’imam, je l’ai rendu visite à trois reprises.

Il a perdu son oncle Elhadj Mamadouba Camara, le Kountigui de Kindia, et j’ai été lui dire bonjour. Son épouse vient de la Mecque, j’étais chez lui il y a deux semaines. Et, avant hier, nous étions chez lui pour pouvoir nous réconcilier définitivement. Puisque le constat fait que c’est le RPG-Alpha Condé qui l’avait instrumentalisé contre moi. Par conséquent, c’est mon papa. Je suis le fils. Je ne veux pas tomber dans le piège du RPG qui veut rester éternellement au pouvoir. Nos rapports sont parfaits aujourd’hui.

Guineematin.com : pour terminer, un mot sur le changement de l’actuelle constitution voulu par le pouvoir.

Abdoulaye Bah : ça, c’est le sujet brûlant de la Guinée. Pour rappel, en Guinée, il y a deux mandats. L’article 27 de la constitution le précise très bien. Enfin, l’article 54 de la constitution prévoit qu’il n’y a pas de modification sur le nombre de mandats. Par conséquent, le mandat de monsieur Alpha Condé se termine le 21 décembre 2020 à minuit. A minuit et une seconde, Alpha Condé ne sera plus président des Guinéens.

Entretien réalisé et décrypté à Kindia par Amadou Baïlo Batouala Diallo pour Guineematin.com

Tél. : 628 51 67 96

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