Vote du 28 septembre 1958, agressions contre la Guinée… les souvenirs d’Elhadj Momo Bangoura

Elhadj Momo Bangoura, compagnon de l’indépendance

La Guinée s’apprête à célébrer la date historique du 28 septembre, marquant le vote en 1958 contre la communauté Franco-africaine proposée par le Général De Gaulle. Un vote qui a ouvert les portes de l’indépendance à la Guinée, après soixante ans d’exploitation coloniale.

Pour parler de cette date historique du 28 septembre, un reporter de Guineematin.com a donné la parole dans la journée d’hier, vendredi 27 Septembre 2019, à Elhadj Momo Bangoura, compagnon de l’indépendance. Ce témoin de cette époque est également ancien membre du PDG RDA, qui a dirigé la Guinée au lendemain de l’indépendance pour 26 années, est revenu sur le vote du 28 septembre et de la gestion de la Guinée sous le régime de Sékou Touré.

Guineematin.com : le 28 septembre 1958, la Guinée disait non au referendum Gaulliste. Parlez nous de cette date historique

Elhadj Momo Bangoura : c’est effectivement le 28 septembre 1958 que nous avons voté NON au référendum Gaulliste et nous avons acquis glorieusement notre victoire pour l’indépendance de la Guinée, qui a été proclamé le 2 octobre 1958.Il y avait l’écrasante majorité du parti politique du PDG-RDA qui a contribué à libérer la Guinée des mains des français. Ça été la décision d’un parti politique(le PDG-RDA) qui a été aidé par d’autres partis qui étaient là. C’est à l’occasion du vote du conseil territorial de 1957 que le PDG-RDA a eu 57 voix sur 60, et le parti MSA de Barry 3 a eu trois conseillers qui ont constitué un gouvernement semi autonome avec la loi cadre Gaston Defferre. Ahmed Sékou Touré était le premier responsable de ce conseil du gouvernement, alors c’est ce conseil de gouvernement là qui a fait la campagne référendaire du 28 septembre 1958, avec l’aide de deux autres partis minoritaires, dont le BAG de Barry Dianwadou et le MSA de Barry 3. Les guinéens qui ont dit Non étaient plus d’un million trois cent, et le nombre de Oui était de cinquante six mille neuf cent. Donc, une écrasante majorité.

Guineematin.com : est-ce que vous êtes d’avis avec ceux qui estiment que la situation précaire dans laquelle la Guinée se trouve actuellement découle de ce « Non » aux français ?

Elhadj Momo Bangoura : pas du tout, ça n’a rien à avoir parce qu’il fallait se libérer du joug colonial et la Guinée n’est pas en retard elle n’a jamais été en retard que ça soit au temps de Sekou Touré que ça soit au temps du régime actuel. Le général de Gaulle est venu en Guinée le 25 août 1958 pour demander à la Guinée de voter Oui, mais Ahmed Sekou Touré qui était le chef du Parti Démocratique de Guinée, au nom du peuple de Guinée, s’est adressé à la nation et au général de Gaulle en lui disant « nous préférons la liberté dans la pauvreté à l’opulence dans l’esclavage. Nous voterons Non à l’illégalité, à l’irresponsabilité. A partir du 28 septembre nous voterons Non ». Cela a sérieusement frustré le Général de Gaulle devant sa délégation qui était venue l’accompagner. Alors, quand il s’est retiré du meeting, il a dit « monsieur, voilà un individu avec qui nous ne pourrons jamais nous entendre, nous n’avons plus rien à faire ici ». Et ils sont rentrés en France.

Guineematin.com: que s’est-il passé le lendemain du vote?

Elhadj Momo Bangoura, compagnon de l’indépendance

Elhadj Momo Bangoura : le 29 septembre 1958, l’ambiance était vraiment festive. C’était réellement la fête en République de Guinée qui est resté gravée dans la mémoire de tous ceux qui ont vécu ce jour à l’époque. En ce moment, c’était la Guinée Française qui est devenue République de Guinée. Mais après cela, la guerre nous a effectivement été déclarée et quand je parle de la guerre, je me réfère aux deux citations célèbres qui ont été dites par le dernier gouverneur général de l’AOF (Afrique Occidentale Française) qui était dans la délégation de Général De Gaulle. Quand il a compris que nous allions voter Non le 28 septembre, alors il a pris la décision en disant « j’envoie à Conakry le 25 septembre 1958 à bord d’un navire de la marine nationale une compagnie de parachutistes dans laquelle un solide commando à l’ordre écrit et signé de ma main que je fais remettre les milliards et de les transmettre aussitôt à bord du navire qui les ramènera à Dakar. Le recours à la force est autorisé jusqu’à l’ouverture du feu, j’étais et je suis encore certain qu’il était nécessaire en 1958 de traiter la Guinée sévèrement. Et le commando est venu prendre l’argent à la banque ici à Conakry. Tout l’argent que la Guinée avait en caisse a été pris pour Dakar trois jours avant le vote référendaire et ceux qui inventaient les complots ont écrit leur livre intitulé la piscine à la page 245, « le Général de Gaulle donne le feu vert pour une action globale de déstabilisation. Pendant 20 ans, les complots vont se succéder sur le sol guinéen. Le leader guinéen a contre lui l’ensemble du dispositif occidental du renseignement. La décision était prise d’éliminer Sékou Touré et d’installer par la force un nouveau régime à Conakry ». Mais, avec l’organisation de l’unité nationale, tous ces complots là ont échoué et par après nous avons subi l’agression du 22 novembre 1970, orchestré par le Portugal, la France et l’Allemagne Fédéral. Malheureusement pour eux, on les a battus. Apres cette agression, il y avait 21 français emprisonnés au Camp Boiro et les français ont procédé à une négociation sous l’égide des Nations Unies le 14 juillet 1975 après l’avènement du nouveau président français, Valery Giscard d’Estaing.

Guineematin.com : sous le régime du président feu Ahmad Sékou Touré, plusieurs guinéens ont été accusés de complots et exécutés. D’aucuns pensent que c’était des règlements de compte. Que savez-vous dans ce cas ?

Elhadj Momo Bangoura : ce sont des guinéens que les français recrutaient contre le gouvernement guinéen. Et si le complot échoue, les auteurs de ces complots ont les arrête, on les emprisonne. Il y a eu effectivement des arrestations, mais ceux qui ont mené l’agression et tous ceux qui ont été arrêtés ont été emprisonnés au Camp Boiro pendant des années et on les libère. Il y en a beaucoup qui ont été libérés et qui vivent jusqu’a présent. Ceux qui ont été exécutés, ce sont les agresseurs du 22 novembre 1970. Ils étaient pendus de Conakry à Yomou. Et, ce n’est pas le gouvernement guinéen seulement qui avait prit cette décision là, et l’ONU était venue, le conseil de sécurité a envoyé une délégation composée de cinq (5) nations, qui est venue s’informer de ce qui se passe ici et interrogé les personnes incarcérés. Et, ils se sont rendu compte qu’effectivement l’agression a eu lieu et que malheureusement pour ceux qui ont été arrêtés, c’est eux qui ont perdu. Ils ont ordonné à la Guinée de sanctionner sévèrement ceux qui faisaient partie de cette agression-là. L’OUA a exigé du gouvernement guinéen la sanction à infliger aux agresseurs du 22 novembre 1970. L’organisation des Etats Riverains du fleuve Sénégal (l’OERS), tous ceux ont exigé du gouvernement guinéen l’application de sanctions sévères contre ceux qui sont venus agresser la Guinée. C’est la raison pour laquelle les agresseurs ont été pendus de Conakry à Yomou en public.

Guineematin.com : la Guinée commémore ce samedi cette date historique du 28 septembre. Quel message avez-vous à lancer à l’endroit du peuple de Guinée?

Elhadj Momo Bangoura : le peuple de Guinée est un peuple victorieux, glorieux qui a été uni, la Guinée est constituée de différentes régions remplies de diverses ethnies. Le PDG-RDA avait eu la chance de réunir tout le peuple de Guinée et cela s’est manifesté deux fois: la première manifestation, c’est le vote du 28 septembre 1958, et la deuxième fois, c’est le 22 novembre 1970. Quand les agresseurs sont venus ici, le gouvernement a ouvert les casernes de l’armée et a distribué les armes à la population de Conakry pour faire face aux agresseurs. Moi personnellement, j’ai reçu la dotation des armes du côté de Dubréka que j’ai distribué à la population pour battre les agresseurs et on les a battus le même jour. Donc ça, c’est l’unité. Ce que je demande au peuple de Guinée, c’est de conserver cette unité. Quand on parle aujourd’hui de la République de Guinée, c’est parce qu’il y a eu l’unité entre les guinéens.

Propos recueillis par Salimatou Diallo pour Guineematin.com

Tél. : 224 623 53 25 04

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