GOUVERNANCE GÉOPOLITIQUE : Boutades autour du périmètre de sécurité

Libre Opinion : Personne n’osait douter que le Gouvernement sache où commence et finit le périmètre de sécurité de la Guinée. Ses dernières sorties montrent crûment qu’il réduit ce périmètre à un certain cordon policier sinon un dispositif de sécurité mis en place par la gendarmerie. Sans aller trop loin, il faut tout de suite dire que cette conception relève d’une erreur capitale. C’est une courte vue de la sécurité des guinéens. Une restriction qui blesse dangereusement la conscience nationale.

En effet ce périmètre s’arrête au dernier millimètre de la planète où palpite le cœur d’un Guinéen. Autrement dit il se confond à la grandeur de la nation guinéenne, très au-delà des 245.857 km2 du territoire guinéen. Son horizon s’inscrit pour tout dire, dans les limites infinies du temps et de l’espace selon les conditions que lui imposent sa solidarité avec les autres pays et la souveraineté des autres nations du monde. A chaque fois que cette nation est égratignée, le périmètre de sécurité du pays est touché.

Cette clarification faite, il est facile de circonscrire ce périmètre et montrer par des faits historiques, combien de fois, des réactions souveraines se sont imposées en son nom.

Amadou Lamarana Diallo

C’est au nom de ce périmètre de sécurité que la Guinée s’est engagée dès son indépendance à céder une partie ou la totalité de sa souveraineté pour la réalisation de l’unité africaine. Elle le dit dans son hymne national au contenu unique en Afrique et l’a prouvé à plusieurs occasions dans son appui aux mouvements de libération en Algérie, au Congo démocratique, en Angola, en Guinée-Bissau, en Namibie, au Zimbabwe ainsi que dans sa participation active au mouvement des Non-alignées et à la défense des intérêts nationaux dans le monde notamment à Cuba et au Vietnam, deux pays très éloignés des frontières guinéennes, là-bas en Amérique Latine et en Asie.

On se souvient qu’au nom de ce périmètre de sécurité, Ahmed Sékou Touré déclara un jour, au plus fort du contentieux politico-idéologique guinéo-ivoirien dans les années 70 du XXème siècle, que son armée déjeunerait à Yamoussoukro si jamais le néo-colonialisme menaçait le territoire guinéen. Dites si Yamoussoukro se trouve en Guinée. Ce n’était qu’une boutade car le même Ahmed Sékou Touré, réconciliant maliens et voltaïques du temps de Moussa Traoré et Sangoulé Lamizana, déclara plus tard : « Vous m’entendez souvent fustiger les attitudes néo-colonialistes de mon frère Houphouët Boigny de Côte-Ivoire ; mais vous n’avez jamais entendu et n’entendrez jamais de conflit frontalier entre nos deux pays. Si les Ivoiriens veulent de la terre pour cultiver, qu’ils viennent en Guinée et il ne leur sera fait aucune limite. Alors je vous invite maliens et voltaïques (aujourd’hui Burkinabè) à ranger vos armes et prendre vos dabas pour cultiver plus de champs en vous offrant des terres de part et d’autre de vos frontières respectives ». Un panafricaniste venait de parler au gré des circonstances historiques et au nom du périmètre de sécurité en Afrique de l’Ouest. Celui-ci lui dicta la deuxième boutade de de sa vie politique en déclarant la guerre à la Guinée-Bissau voisine. Cette fois-ci, juste pour rappeler à l’ordre un certain Luis Cabral au nom du périmètre de sécurité. Une sorte de parenté à plaisanterie très sérieuse en direction d’un jeune frère pas très conscient du caractère intouchable de ce périmètre s’il s’agit d’un voisin irrespectueux de l’intangibilité des frontières nationales.

Auparavant et au lendemain de l’agression portugaise de novembre 1970, le General Moussa Traoré mit son armée entière à la disposition de la Guinée. C’était au nom du même périmètre de sécurité sous régional. Ce n’est un secret pour personne qu’un contingent guinéen est aujourd’hui présent au sein de la MISUMA dans le désert malien. Des guinéens sont morts là-bas au nom de l’inviolable périmètre de sécurité.

Feu General Lansana Conté harcelait Charles Taylor avec des menaces fermes allant jusqu’à avouer publiquement à Moscou qu’il n’hésiterait pas à acheter des armes chez les russes, n’en déplaiserait aux occidentaux. Avait-il mis ses menaces à exécution ? Probablement mais dans les limites strictes du périmètre de sécurité de la Mano River Union et au sein de la CEDEAO. La suite est connue de tous : le périmètre de sécurité de la Guinée est respecté en Afrique. Le Président-paysan en véritable intellectuel, conscient des enjeux du périmètre de sécurité avait écrasé dans l’œuf la rébellion en 2000, rappelant tous les retraités de l’armée guinéenne au secours des troupes engagées au front à Gueckedou et Macenta. Il avait réussi cette victoire historique avec ses compagnons tels que les Généraux Bailo, Ousmane Sow, Henri Tofany (Paix à leurs âmes !), Balde Mamadou et Facinet Touré (Hommage aux Généraux Baldé et Touré !). Ils avaient eu le sens salutaire du périmètre de sécurité. Ils ont eu fraternellement, le sens de la grandeur de leur pays.

Le périmètre de sécurité devrait dicter au Gouvernement des actions promptes et énergiques pour qu’aucun guinéen ne meurt dans les geôles libyennes et ne soit tué en Angola. De même il devrait agir pour que Mohamed Toure et son épouse purgent leur peine en Guinée. Il devrait se gêner de voir un ancien Président en exil forcé et un autre ancien Président en déambulation sans fin en attente d’une force africaine dite en attente. Au-dessus de tout cela, le Gouvernement devrait ne jamais plus consentir qu’un guinéen meure sous des balles réelles à quelques mètres d’un cordon de sécurité quelconque et au mépris du périmètre de sécurité de la Guinée.

Le concept de périmètre de sécurité est repris dans ce texte une quinzaine de fois pour dire qu’aucun guinéen n’est hors de ce périmètre. S’il le faut on le répétera mille et mille fois, mille et mille ans. Le Peuple de Guinée a consenti avoir une armée pour cela. Les forces de l’ordre doivent le savoir et le Gouvernement doit le réaffirmer haut et fort à la face du monde. Sinon la Guinée devrait retirer ses diplomates des capitales étrangères, renoncer à sa présence aux Nations Unies et dans les autres institutions internationales et se replier dans son narcissisme géopolitique étroit. Ainsi chaque guinéen pourrait faire le choix éclairé entre appartenir à une nation en marche et résider dans un pays sans Etat responsable. Au mieux de sa sécurité personnelle et celle collective de ses compatriotes où qu’ils se trouvent dans le monde.

Par Amadou Lamarana Diallo, Sociologue et démographe

Facebook Comments Box