Comme annoncé précédemment, Amnesty International a publié ce mercredi, 13 novembre 2019, son rapport de l’examen périodique universel de l’ONU sur la situation des droits de l’homme en Guinée de 2015 à 2019. L’organisation de défense des droits de l’homme a animé une conférence de presse à cet effet à Conakry. Elle a dénoncé la dégradation de la situation des droits humains et alerté sur les de violences graves qui guettent la Guinée à l’approche de l’élection présidentielle de 2020, rapporte un journaliste de Guineematin.com qui était sur place.
Selon François Patuel, chercheur-Afrique de l’Ouest d’Amnesty International, malgré quelques avancées obtenues, la situation des droits de l’homme est très critique en Guinée. « Nous considérons que les signaux sont au rouge en Guinée aujourd’hui, notamment la liberté d’expression, la liberté de rassemblement pacifique, et l’impunité. D’abord, il faut revenir sur les progrès. On peut citer l’abolition de la peine de mort, puisque la peine de mort a été supprimée du code pénal et du code de justice militaire ; il y a la criminalisation de la torture, même s’il y a des problèmes entre la définition qui est prévue dans le code et la définition qui est prévue dans la convention contre la torture ; il y a la criminalisation des mutilations génitales féminines ; et aussi la criminalisation des mariages précoces et des mariages forcés. Donc, il y a un certain nombre de développements législatifs qui sont plutôt positifs.
Par contre, quand on regarde les droits civils et politiques, la situation est beaucoup plus préoccupante. D’abord, les manifestations sont réprimées, elles sont souvent interdites par les autorités. En 2018, le MATD avait interdit l’ensemble des manifestations sur l’ensemble du territoire national. Et quand les manifestations sont interdites, les forces de sécurité sont déployées pour empêcher les regroupements. Et, ils utilisent la force notamment : les gaz lacrymogènes, les pierres, il y a certaines vidéos et photos qu’on reçoit, et malheureusement des armes à feu sont utilisées. Et malheureusement sur le terrain, cela aboutit à des décès », a regretté le chercheur.
Contrairement aux autorités guinéennes qui rejettent souvent la responsabilité des pertes en vies humaines enregistrées lors des manifestations sur les opposants, Amnesty International estime que les forces de l’ordre sont à l’origine de la plupart de ces cas de morts. « Nous avons recensé de janvier 2015 à octobre 2019, 70 décès dans le contexte des manifestations en Guinée, dont 59 sont imputables aux forces de sécurité. Cela en fonction des témoignages que nous avons reçus de la part de témoins, des personnes qui ont été blessées en même temps, de la part des familles, des avocats, de la part du personnel médical, mais aussi quand on regarde les types de balles qui sont retrouvées dans les corps des victimes ou des blessés.
Il faut noter que les manifestations en Guinée peuvent également amener à des violences de la part des manifestants. Nous, nous avons recensé trois membres des forces de sécurité qui sont décédés entre janvier 2015 et octobre 2019. Nous avons, quelques minutes avant la conférence de presse, reçu un appel de la direction nationale de la police qui nous informe que ça aurait été 5 membres des force de sécurité qui auraient été tués dans le contexte de ces manifestations. Nous attendons de vérifier déjà ces informations, notamment la date et le lieu où ces 5 membres des forces de sécurité auraient été tués », a indiqué François Patuel.
Face à cette situation, l’organisation internationale de défense des droits de l’homme exprime des craintes à l’approche de l’élection présidentielle de 2020. « Cette répression des réunions pacifiques, mais aussi les journalistes ou les défenseurs des droits humains, les militants pro-démocratie qui sont ciblés, alors qu’il est important de savoir qu’on arrive à une élection, que les personnes sachent quelles peuvent s’exprimer librement, exprimer des opinions qui ne sont pas forcément celles des autorités, des celles du gouvernement encore moins celles du président, il faut qu’elles puissent exprimer leur opinion de manière libre sans avoir à craindre des représailles », a dit le chercheur-Afrique de l’Ouest d’Amnesty International.
Parlant des recommandations que son institution formule à l’endroit des autorités guinéenne, François Patuel a fait savoir qu’il faut « qu’il y ait des enquêtes quand il y a des cas de violations qui sont enregistrées, notamment quand il y a des décès ou des blessés dans les manifestations. Que des enquêtes impartiales, immédiates et indépendantes soient menées afin d’établir les responsabilités. Que les responsables présumés, qu’ils soient du côté de manifestants ou qu’ils soient du côté des forces de sécurité, soient présentés devant les tribunaux dans le cadre d’un procès équitable ».
Ibrahima Sory Diallo pour Guineematin.com
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