Conakry : le Club des jeunes filles leaders de Guinée veut organiser un forum africain de la jeune fille

À la faveur d’un point de presse organisé à son siège, le samedi dernier, 07 décembre 2019, le Club des jeunes filles leaders de Guinée (CJFL-Guinée) a présenté son projet de « Forum africain de la jeune fille ». Un forum qui se veut être un cadre de concertation sur les maux (violences basées sur le genre, excision, mariage précoce, viol…) auxquels sont confrontées au quotidien les jeunes filles en Guinée et sur le continent africain. Et, pour réussir le pari, CJFL-Guinée compte sur l’adhésion de tous les acteurs sociopolitiques guinéens et africains à ce projet qui permettrait de créer un cadre permanent de dialogue, une synergie d’actions avec les acteurs et engager un débat constructif sur les violences basées sur le genre et la promotion des droits de la jeune fille, a appris un reporter de Guineematin.com qui a pris part à la présentation de ce projet.

Selon l’Enquête Démographique et Santé (EDS) 2018, la Guinée est l’un des pays les plus touchés par les mutilations génitales féminines. On note que 95% des guinéennes, dont la tranche d’âge se situe entre 15 et 49 ans, ont subi une excision. Cette même étude révèle que seulement 21% des guinéennes pensent qu’il faudrait mettre fin à cette pratique qui met leur vie et leur santé sexuelle en danger. Chez les adolescentes (âgées de 15 à 19 ans), ces données montrent que 27% sont d’avis que l’excision devrait cesser. Mais, malgré les efforts consentis par le gouvernement, les institutions nationales et internationales, les organisations féminines et d’autres défenseurs des droits humains, force est reconnaître que l’excision, les violences basées sur le genre, le mariage précoce et le viol persistent dans le pays. Et, pour cause, estiment certains observateurs, le manque de synergie d’actions des acteurs qui interviennent dans ce domaine.

C’est donc pour inverser cette tendance que le Club des jeunes filles leaders de Guinée entend organiser un « Forum africain de la jeune fille » en Guinée. Un cadre de concertation et d’échange qui réunira une centaine de participants (venus de la Guinée et de certains pays d’Afrique). Et, selon Hadja Idrissa Bah, la présidente du CJFL-Guinée, ce forum s’étendra sur trois jours (du 5 au 7 mars 2020) et portera essentiellement sur des conférences-débats à travers des panels accentués, des témoignages, des visites de stands, des projections de films, des expositions photos…

« Ce forum va tourner autour de trois thématiques axées sur la problématique liée au mariage des enfants. Ces thématiques sont : le rôle des jeunes dans la lutte contre le mariage d’enfants ; la position des religieux dans la lutte contre le mariage des enfants ; le rôle des autorités politiques dans la lutte contre le mariage des enfants. Aujourd’hui, on sait jusqu’où on s’est battu en annulant les mariages précoces. Mais, est-ce que cela a permis de finir totalement avec le mariage des enfants ? Non. Donc, c’est pour cette raison qu’on sait dit qu’il faut écouter les acteurs et en même temps établir une feuille de route qui va concerner le mariage des enfants, les mutilations génitales féminines et les viols. Imaginez ! Quatre mille (4000) cas de viol qui ont été dénoncés. Mais, est-ce que cela a permis de finir avec ce fléau ? Non… Donc, à travers ce forum, on va sortir des recommandations. Parce qu’on va se dire la vérité. Sans tourner autour du pot, chacun va dire ce qui marche et ce qui ne marche pas dans son domaine afin que les violences basées sur le genre puissent enfin finir chez nous », a expliqué Hadja Idrissa Bah.

La présidente de la CJFL-Guinée prévient que ce forum sera organisé par les jeunes filles et pour les jeunes filles. Mais, ajoute-t-elle, il n’est pas exclu que les hommes viennent partager leurs avis. « On sait que ce sont les hommes qui épousent les filles, ce sont eux les chefs de famille, ce sont eux qui donnent le consentement à leurs femmes d’aller exciser leurs filles… Donc, personne n’est exclu dans ce combat, tout le monde doit être autour de la table pour dire la vérité. En tout cas, à l’occasion de ce forum, on va faire la grande gueule. On ne va pas tourner autour du pot, on va mettre le problème sur la table et en discuter. On ira droit au but ; et, ça ne sera pas protocolaire », a averti Hadja Idrissa Bah.

Consciente que le combat contre les violences basées sur le genre, l’excision, le mariage précoce et le viol est loin d’être gagné en Guinée, la présidente du CJFL-Guinée estime que ce forum en vue est le meilleur cadre qui va permettre d’avoir ce qu’il faut ; et, de présenter cela au gouvernement guinéen et aux institutions internationales qui ont pour seul objectif que d’aider pour éradiquer ces fléaux. Car, indique-t-elle, « cette rencontre va créer un cadre permanent de dialogue entre les cadres sociopolitiques évoluant dans la lutte contre les violences basées sur le genre et la promotion des droits de la jeune fille en Guinée ; créer une synergie d’actions avec les acteurs à travers les préoccupations communes autour des violences basées sur le genre ; et, surtout, engager un débat constructif sur les violences basées sur le genre ».

Pour gagner le pari, Hadja Idrissa Bah mise sur l’engagement des jeunes filles leaders et l’accompagnement technique et financier des bailleurs de fonds.

« Dans ce forum, on a besoin que de 200 mille euros. Donc, à travers ce point de presse, on lance un appel solennel aux partenaires techniques et financiers, aux bailleurs de fonds, aux entreprises publiques et privées, afin de nous accompagner dans la réalisation de projet. Certes, on est des jeunes ; mais, nous sommes engagés, nous avons de l’expérience, nous sommes motivés pour atteindre cet objectif. Et, on sait qu’ensemble, à travers ce forum, on pourra l’atteindre », a dit la présidente du CJFL-Guinée.

S’agissant de « l’africanisation » de ce forum et le choix du mois de Mars pour son déroulement, Hadja Idrissa Bah évoque deux raisons principales : « c’est parce qu’il y a eu des avancés dans les autres pays. Et, donc, ils vont venir chez pour un partage d’expérience. Mais, il ne faut pas oublier qu’il y a dans certains pays des personnalités très importantes qui suivent la Guinée à travers ce Club des jeunes filles leaders. Le forum aura lieu au mois de Mars. Et, ce choix n’est pas anodin. Le mois de Mars, c’est le moi de la femme », a-t-elle expliqué.

Entouré de ses collègues du Club des jeunes filles leaders de Guinée, Hadja Idrisa Bah a mis à profit ce point de presse pour présenter le « Prix du leadership féminin » qu’elle a obtenu aux « J Awards 2019 » dans la catégorie « engagement féminin ». Un prix qu’elle a dédié, au nom du club qu’elle dirige, à son coach Ibrahima Diallo, juriste et activiste de la société civile guinéenne. « Par ma voix, le Club des jeunes filles leaders de Guinée te remercie. Parce que si aujourd’hui, on est en train d’allumer le flambeau et mettre le feu dans le monde, c’est grâce à toi Koto (frère, en Poular) Ibrahima », en remettant son prix Ibrahima Diallo.

Mamadou Baïlo Keïta pour Guineematin.com

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