Quel avenir pour la musique traditionnelle du Foutah ? Ce qu’en dit Amadou Diouldé Diallo, journaliste et historien

L’avenir de la musique traditionnelle était le thème central de la journée culturelle du Musée du Fouta Djallon organisée à Labé hier, dimanche 15 décembre 2019, avec la participation effective du journaliste sportif, Amadou Diouldé Diallo, historien venu spécialement de Conakry, rapporte un correspondant de Guineematin.com en Moyenne Guinées.

Le Musée du Fouta a organisé le dimanche, 15 décembre 2019, une journée culturelle. Les participants ont cogité sur l’avenir de la musique traditionnelle de la Guinée en générale et du Fouta Djallon en général. Cet évènement culturel était rehaussé de la présence effective du doyen Amadou Diouldé Diallo, historien, homme de culture et journaliste sportif.

« La question est plus d’actualité, mais ne saurait être traitée de façon parcellaire ou parcimonieuse car elle est dans une dimension générale la résultante de la négation absolue et aveugle de notre passé et la non prise en compte assumée de notre présent. La révolution industrielle a permis à l’Europe de se rendre maitre du monde. Elle a, par la force du canon et au nom d’une prétendue mission civilisatrice, d’abord défloré nos cultures et traditions, ensuite favorisé une bâtardise culturelle à double identité. Heureusement que l’effort de guerre consécutif aux deux conflits mondiaux, suivis de ceux d’Indochine et d’Algérie vont favoriser et accélérer la prise de conscience des peuples noirs à prendre leur destin en main. Et c’est non sans fierté et sublimation qu’il convient de rappeler avec force et beauté de marbre la part active et déterminante de notre pays dans la reconquête politique, économique, sociale, culturelle et sportive des pays et peuples africains. Ainsi, dès les premières heures de notre accession à l’indépendance, la culture et le sport furent des priorités de nos dirigeants et des moyens d’expression remarquables de la jeune République de Guinée, à travers une politique définie reposant sur une horizontalité sociologique prenant en compte tout le pays. C’est donc une Guinée riche de ses diversités artistiques et culturelles plurielles, pour tout dire, qui s’exprimait dans l’unicité du langage. Celui de la souveraineté, du développement et de la consolidation des acquis » a expliqué Amadou Diouldé Diallo.

En parlant de cette consolidation des acquis, le journaliste sportif doublé d’historien éloquent a rappelé que la Guinée a eu des acteurs, des artistes polyvalents comme Morciré Sylla à Kindia qui faisait du basket, du Volley et de l’Athlétisme le matin et faisait du football le soir ; celui qu’on a appelé Pélé du Fouta, Nounké Diabaté qui était l’avant-centre du Loura Football Club de Mali et en même temps le chanteur de l’orchestre fédéral de Mali ; et dans le pays Konya à Beyla, Bemba Camara qui était basketteur, volleyeur, tennisman, footballeur et chanteur du Simandou Jazz de Beyla. « Cela veut dire que les talents polyvalents étaient utilisés. Tous les talents » a-t-il insisté.

Pour l’orateur, la culture traditionnelle du Fouta qui fait l’objet d’interrogation face à son avenir, ne saurait être un ilot isolé de préoccupations et d’inquiétudes par rapport à la dimension nationale de notre culture menacée dans ses fondements par une agression violente et sauvage d’un modernisme dominant, tentaculaire et irrésistible. Ses ravages sont considérables et touchent même ce qui était considéré jusque-là comme les académies inviolables de notre existence : le village où la plupart d’entre nous ici ont vu le jour sous de simples toit de chaume » a-t-il déclaré.

Sur la question, Amadou Diouldé Diallo n’affiche aucun espoir : « comment pouvons-nous alors espérer des lendemains chantants, d’un avenir radieux, quand le village a absorbé le hameau, lui-même avalé par le chef-lieu de la sous-préfecture. Celle-ci par la ville et toutes les villes de Guinée par la capitale Conakry. Ce qui était cubique hier est devenu pyramidal aujourd’hui. Et ceux qui étaient les dépositaires de notre musique traditionnelle, orfèvres dans le maniement de leurs instruments ont suivi le mouvement afin de trouver les moyens de subsistance se contentant du peu à la faveur des cérémonies de baptêmes et de mariages envahies et submergées par la sonorisation qui crache des décibels louangeurs aux détenteurs de la bourse et du basin cresner amidonné avec la formule consacrée de BELAKHASSA.»

Plus loin, Amadou Diouldé enfonce le clou : « aujourd’hui, on tente de faire de la calque en organisant des quinzaines et des festivals artistiques et culturels sans qu’aucune base ne soit prise en compte dans l’exécution d’une politique culturelle préalablement définie. A voir de près, l’organisation de ces évènements répond plus à des justificatifs financiers qu’à une quelconque recherche de résultats. Soyons clairs ! L’avenir de la musique traditionnelle en Guinée en générale et au Fouta en particulier dépendra de la prise en compte des acquis de notre passé. De la détermination à enrichir notre présent face au dépérissement. Le tout formaté dans une politique culturelle portée par le gouvernement avec obligation de résultats à l’heure du bilan. Or, très malheureusement, la culture et le sport sont de nos jours des priorités de seconde zone du gouvernement. Et ceux qui sont choisis pour les animer ne le sont pas par le mérite, le plus souvent. Les maigres acquis sont des faits de mécènes et sont épisodiques parfois même hasardeux. C’est pourquoi, ceux qui en font un moyen de récolte de dividende politique ou administratif de maintien ou de promotion sont surpris des défaites et échecs des manifestations. Mes chers frères et sœurs, un pays, un Etat, une République différencie ses citoyens par la sanction positive ou négative, conformément à la loi. Aussi longtemps que l’obligation de résultats ne fonde pas l’action quotidienne de chacun d’entre nous, les plats réchauffés du passé continueront de garnir nos tables. Pour ma part, je ne vois d’avenir pour la musique traditionnelle au Fouta et en Guinée, dans la mesure où nous assistons tous les jours à l’écrémage de nos campagnes au profit de nos villes. L’exode a pris le dessus sur la fixation au terroir. Et le lion vit dans sa tanière. Le poisson dans l’eau, l’oiseau dans son nid… ».

A suivre, Guineematin.com vous proposera une vidéo où vous aurez l’intégralité de la communication du doyen Amadou Diouldé Diallo à l’occasion de la journée culturelle du Musée du Fouta, organisée à Labé le dimanche, 15 décembre 2019.

De Labé, Idrissa Sampiring DIALLO pour Guineematin.com

Contacts : (00224) 622 269 551 & 657 269 551 & 660 901 334

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