Caution pour les législatives, cacophonie à la CENI : Alpha Oumar Taran de l’ADR à Guineematin

Alpha Oumar Taran Diallo, président de l’Alliance Démocratique pour le Renouveau
Alpha Oumar Taran Diallo, président de l’Alliance Démocratique pour le Renouveau

La Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) a fixé les montants de cautionnement pour les candidats dans la perspective des élections législatives programmées le 16 février 2020. Si à l’uninominal, ce montant est de 50 millions francs guinéens par candidat, pour la liste nationale, la CENI a annoncé la somme de 200 millions de nos francs. Une annonce faite dans la nuit d’hier mercredi, 18 décembre 2019, qui passe mal chez de nombreux politiciens.

C’est le cas de l’opposant Alpha Oumar Taran Diallo, président de l’Alliance Démocratique pour le Renouveau (ADR), qui juge ce montant exorbitant, fixé par la CENI dans le dessein d’écarter certains partis politiques. Il l’a fait savoir à l’occasion d’une interview accordée à Guineematin.com ce jeudi, 19 décembre 2019.

Guineematin.com : la CENI a fixé la caution pour les élections législatives à 50 millions pour la candidature à l’uninominale et 200 millions pour la candidature sur la liste nationale. En tant que président de l’ADR, comment vous avez accueilli cette décision ?

Alpha Oumar Taran Diallo : je dirai en français facile, c’est comme un coup de poing dans le ventre, puisque nous nous attendions à un montant raisonnable qui permettrait à chacun de jouir de ses droits puisque c’est comme si la CENI cherchait à contourner un peu la loi pour exclure certains de la compétition. Donc, nous estimons que le montant est exorbitant quand on connait le contexte économique de la Guinée actuellement, mais surtout, lorsqu’on veut organiser des élections inclusives qui permettent à chacun de jouir de ses droits. Puisque la loi dit clairement que quiconque a la majorité et il est membre d’un parti politique, il n’est pas privé de ses droits civiques, il a la possibilité au sein de son parti d’être candidat à ces élections. Mais ce que la CENI a fait, c’est comme si elle voulait réduire le nombre de candidature pour permettre à des privilégiés, seulement à ceux-là d’être candidats. Nous, nous estimons que ce n’est pas juste, ce n’est pas équitable.

Guineematin.com : en dépit de tout, est-ce que vous comptez aller à ces élections ?

Alpha Oumar Taran Diallo : si certaines conditions sont réunies, nous y allons. Nous sommes en train de nous préparer. Au-delà de cette caution, il y a d’autres considérations qu’il faut prendre en compte : c’est l’élaboration du fichier électoral, la nature du fichier qu’on va obtenir, son intégrité et le fait qu’il permette d’avoir une élection apaisée et crédibles. Donc, nous sommes en train d’examiner là pour qu’au dernier moment nous puissions informer l’opinion de notre participation ou non à ces élections-là. Mais pour l’instant, nous avons collecté les anomalies constatées sur le terrain lors du processus d’enrôlement. Nous attendons de la CENI de nous présenter le fichier qui sort de ce processus d’enrôlement-là pour qu’on sache si c’est un fichier fiable ou-bien si le fichier est corrompu de telle sorte que le résultat des élections soit entaché d’irrégularités. En ce moment-là, nous prendrons la décision qui s’imposera.

Guineematin.com : 7 des 17 commissaires que compte la CENI ont décidé de suspendre leur participation au processus électoral en cours. Comment vous avez accueilli cette décision ?

Alpha Oumar Taran Diallo, président de l’Alliance Démocratique pour le Renouveau

Alpha Oumar Taran Diallo : cela renforce le doute qu’on avait quant à la fiabilité du processus tel qu’il est mené en ce moment. Mais le doute, on l’avait déjà à partir du moment où la CENI avait décidé dans l’ensemble de comprimer les délais légaux, donc les délais prévus par la loi qui indique que pour une révision exceptionnelle, il faut 45 jours, mais ils l’ont comprimé en 25 jours je ne sais pas pourquoi. Ensuite, il y a eu beaucoup d’anomalies qui ont été constatés sur le terrain : le manque de récépissés, de surcroît quand le président de la CENI dit qu’ils ont envoyé 3 millions de récépissés sur le terrain et que 2500 000 ont disparus. En outre, il y a cette histoire d’enrôlement de mineurs dans certaines régions du pays. Donc, tout cela c’est des anomalies qui nous amènent à douter. Alors, quand certains membres de l’institution se mettent à dénoncer le processus, nous nous sommes demandés où ils étaient lorsque le processus a démarré parce que depuis le début, le processus a mal démarré. Ce n’est pas sur un bon pied que le processus a démarré. Du moment que des personnes se réunissent, décident de mettre de côté ce que la loi dit, pour prendre une décision sur une question d’intérêt national, je me dis qu’il y a problème. Maintenant, on dira mieux vaut tard que jamais. Pour nous, c’est une alerte suffisante pour qu’on arrête le processus tel qu’il est en train de se dérouler pour l’amener vers la bonne direction. Du moment que les cadres-là ont dénoncé le processus comme il est en train de le faire, je considère que c’est notre attention en tant que citoyen et en tant que potentiel candidat qui est attiré. Donc, il faudrait qu’on en tienne compte pour ne pas qu’à l’issue des élections, la Guinée connaisse des problèmes. Aujourd’hui, on a tellement attendu pour aller vers ces élections législatives-là, ça serait bien que ça soit des élections apaisées. Mais à mon avis, le processus est biaisé depuis le début.

Guineematin.com : quel est votre mot de la fin ?

Alpha Oumar Taran Diallo : j’attirerai l’attention de l’ensemble des acteurs du processus pour leur dire que la Guinée est au-dessus de tout. Nous devons faire en sorte que ces élections permettent à la Guinée d’amorcer un développement et un renouvellement de la classe politique. Mais, que ça ne soit pas l’amplification du chaos et des difficultés. Ça, c’est un premier appel. Le deuxième appel concerne uniquement les acteurs politiques, notamment de l’opposition. C’est qu’il faut un sursaut national et que les acteurs politiques, donc des différents partis politiques, qu’on mesure l’envergure des enjeux pour qu’on prenne des bonnes décisions. Une élection bâclée, mieux vaut ne pas prendre part à cela, puis qu’on serait complice d’une mascarade électorale qui n’est pas dans l’intérêt du pays. Donc, mieux vaut ne pas prendre part à des élections quand on sait que ça ne sera pas des élections crédibles que d’accompagner juste parce qu’un parti est allé ou un autre parti risque d’aller. Il ne faut pas qu’on minimise les conséquences d’une élection bâclée et accepter d’être complice d’une situation qui n’est pas normale pour le pays.

Ibrahima Sory et Mamadou Sidi Diallo pour Guineematin.com

Tél. : (00224) 621 09 08 18

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